A la veille d'un Forum organisé par sa chambre d'Ile-de-France le 19 mars, la deuxième plus grande fédération de professionnels de l'immobilier, l'UNIS, a lancé un appel à ses adhérents à manifester le 18 mars, à Paris sur l'Esplanade des Invalides et ailleurs devant les permanences des candidats aux élections départementales, contre l'inflation législative et réglementaire qui selon elle aggrave la crise du logement et crée une charge de travail insupportable pour les professionnels et leurs collaborateurs. Peu habitués à manifester, un demi-millier de professionnels se sont regroupés à Paris, certains venus avec leurs collaborateurs.
"Arrêtons la surchauffe réglementaire dans l'immobilier et le logement", lance l'UNIS dans un communiqué. "L'avalanche de textes provoque des rigidités bureaucratiques qui polluent la vie des copropriétés, altèrent les baux d'habitation et commerciaux, retardent les ventes, bloquent les projets de rénovation et de réhabilitation ; elle provoque des contentieux en progression, et un désengagement des investisseurs"... Selon l'UNIS, les professionnels sont asphyxiés. "L'empilement des lois règlements, décrets et normes mine l'exercice de leurs métiers au quotidien et entament la confiance établie avec leurs clients". Dans la ligne de mire les lois touchant les rapports bailleurs-locataires et la copropriété.
L'UNIS a beau jeu de rappeler les modifications législatives, les décrets et textes s'étant succédé en 30 ans, la liste est effectivement impressionnante et les incohérences légion, la récente loi "ALUR", résultat d'un indescriptible bricolage parlementaire, en contenant un wagon... Ce "ras-le-bol" réglementaire est largement dans l'air du temps : il est en effet de la dernière mode de dauber sur les mille-feuilles, l'inflation des 'normes", ou le nombre de pages des codes législatifs, et de réclamer des "simplifications" tous azimuts. L'ennui est que ces incantations font l'économie de la réflexion sur les raisons qui poussent le législateur, les commissions techniques, mais aussi souvent les lobbies eux-mêmes (comme les ascensoristes) à alimenter cette inflation ! Ne serait-ce pas le souci de la défense du consommateur, la "sécurité du public" comme on dit au Québec ? Au besoin contre lui-même comme l'instauration de fonds de travaux dans les copropriétés, pour empêcher leur dégradation ? Et l'adoption de règles légales empiétant sur le domaine contractuel, si cher aux professionnels, n'est-elle pas aussi là pour remédier à des dérives et abus de ces mêmes professionnels ? Il est piquant de rappeler qu'eux-mêmes ont demandé et obtenu dans la loi "ALUR" une réforme de la loi Hoguet qui crée une instance de régulation, une commission disciplinaire, des obligations de formation initiale et continue, notamment pour tous les négociateurs. Ils ont donc attisé la folie réglementaire pour se protéger contre une partie de la profession, les réseaux de mandataires indépendants, qui font concurrence aux agences immobilières installées, ou plus généralement contre les professionnels indélicats, membres d'aucun syndicat professionnel et échappant à tout contrôle déontologique...
Il est de bon ton dans le monde politique, au pouvoir comme dans l'opposition de promettre des simplifications. Mais faute de cette réflexion sur le pourquoi des évolutions déplorées, les contempteurs de la folie réglementaire s'exposent à d'amères déceptions quant à la portée des simplifications promises. L'exemple de celle des "normes de construction" en est la parfaite illustration : il a fallu des mois pour trouver 50 simplifications dont deux ou trois seulement méritent ce nom...
Pire : la dénonciation du "trop plein" de règles légales cache souvent la défense des intérêts d'une partie de la clientèle contre ceux du grand public. Ainsi en dénonçant les nouvelles obligations imposées aux bailleurs ou aux vendeurs, les professionnels se soucient-ils de l'intérêt des locataires et des acquéreurs ? En critiquant les excès de la loi "ALUR" dans le souci de mise en concurrence des syndics, oublient-ils les manœuvres dans lesquelles nombre d'entre eux excellent pour empêcher les copropriétés de présenter des propositions concurrentes ?
Enfin, il est piquant de constater qu'en prenant la défense du propriétaire et du copropriétaire contre les excès de tracasseries de la loi "ALUR", les professionnels, aussi louables qu'ils soient, marquent contre leur camp : si les politiques accédaient à leur vœu et simplifiaient vraiment la vente immobilière, la gestion locative ou celle des copropriétés, les clients ne seraient-ils pas tentés de se passer de leurs services ?...
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