On l'attendait pour la mi-avril, le gouvernement a pris tout le monde par surprise, y compris le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), en publiant dès le 28 mars le décret fixant le contenu du contrat type que les syndics devront proposer à compter du 1er juillet prochain, qui comporte aussi la liste limitative des prestations qui pourront être facturées hors forfait de gestion courante (1).
Pas de grande surprise dans ce texte : les honoraires forfaitaires devront bien couvrir toutes les prestations récurrentes : gestion administrative et technique, comptabilité, gestion du personnel. Les visites périodiques à l'immeuble et la participation du syndic à des réunions de conseil syndical devront être incluses aussi dans le forfait après avoir été fixées à l'avance quant à leur volume et leurs plages horaires. Même chose pour l'assemblée annuelle. Restent facturables en sus le temps à passer sur les travaux, les contentieux, les sinistres, bref toutes tâches occasionnelles ou rendues nécessaires par des circonstances exceptionnelles ou un projet particulier.
Cette publication marque d'abord l'épilogue d'un bras de fer avec le CNTGI et les professionnels. Ce conseil national, qui avait été voulu par ces derniers et créé il y a tout juste un an par la loi "ALUR" du 24 mars 2014, composé majoritairement de représentants des fédérations professionnelles, aurait voulu prendre la main en proposant au gouvernement son propre projet en novembre dernier. Les ministères concernés - justice, logement et consommation - sont passés outre et ont préparé leur propre projet, qui soumis au CNTGI, a été retoqué par la majorité de professionnels de ce dernier en janvier. Mais le CNTGI n'est qu'un organe consultatif. Le gouvernement a une nouvelle fois passé outre et publié un décret de son cru, après un bref passage au Conseil d'Etat.
Au delà de cette bataille d' "égos", les syndics ont-ils pour autant des motifs de se plaindre ? Ce sont plutôt les associations de consommateurs qui auraient de quoi être déçues : estimant que l'arrêté "Novelli" de 2010, le premier texte encadrant la facturation des honoraires des syndics, en ne fixant que les prestations devant obligatoirement être incluses dans les honoraires forfaitaires, ne bridait pas suffisamment la créativité des syndics en matière d'honoraires supplémentaires, elles avaient bataillé pour que la loi consacre le principe du "tout compris, sauf..." et prévoie la fixation par décret d'une liste limitative - et restrictive - des honoraires susceptibles d'être facturés en sus du forfait. Force est de constater que le décret publié le 28 mars ne modifie pas la structure de tarification dessinée par l'arrêté "Novelli", et qu'en précisant les choses à l'extrême, il assouplit les possibilité pour les syndics de facturer des honoraires supplémentaires, par exemple dans le traitement des sinistres. Il aura donc tout juste le mérite - ce n'est peut-être pas négligeable - de faciliter la comparaison des propositions concurrentes, de couper court à toute nouvelle "création" de prestations particulières, susceptible de jaillir de l'imagination sans bornes des professionnels, et aussi de lever quelques ambiguïtés comme celle concernant jusqu'ici les archives du syndicat...
Peut-être faut-il reconnaître que le "tout inclus" est une chimère, et qu'il faut nécessairement, pour ne pas alourdir excessivement les forfaits et faire que les copropriétés qui ne demandent pas beaucoup de travail paient pour celles qui cumulent les difficultés, ménager la possibilité de facturer de manière autonome les prestations occasionnelles, générées par des situations particulières : gros travaux, contentieux, audits techniques et projets de rénovation lourde, etc. Ou bien des tâches administratives nouvelles non récurrentes comme la première immatriculation des copropriétés, qui devra intervenir en fonction de la taille des copropriétés en 2016, 2017 et 2018. D'ailleurs, le contrat de syndic type que l'ARC (Association des responsables de copropriété) et l'UFC-Que Choisir avaient proposé ensemble en avant-première en 2014 préfigurait en fin de compte à peu près ce qui a été arrêté par le gouvernement.
Les extrêmes des deux bords trouveront dans ce texte certainement à redire. Les syndics feront grise mine en voyant leur facturation de frais de reprographie de la convocation et du procès-verbal de l'assemblée annuelle incluse dans le forfait. Les copropriétaires regretteront le maintien d'un grand nombre de prestations particulières. Mais les plus objectifs pourront y voir du "gagnant-gagnant" : les syndics préservent le capacité de facturer ce qui leur coûte le plus de travail, et les copropriétaires une sécurité par rapport aux facturations farfelues que certains syndics ont pu inventer...
(1) Décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 définissant le contrat type de syndic de copropriété et les prestations particulières, prévus à l'article 18-1 A de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 modifiée fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis
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