La nouvelle a fait l'effet d'une bombe dans le milieu des ESH (entreprises sociales de l'habitat), organismes HLM, et en particulier celles dépendant des collecteurs du "1% Logement", officiellement la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), de 0,45% : leurs actionnaires, les CIL (comités interprofessionnels du logement), vont tous fusionner en une seule entité ! Du coup, déménagements, investissements et autres grandes décisions sont brutalement arrêtés, en attendant la mise en place des nouvelles structures, et surtout les embauches : la fusion va entraîner de nombreuses suppressions d'emplois dont il va falloir reclasser les titulaires...
La décision a été actée le 9 avril par le conseil d'administration de l'UESL-Action Logement (Union des entreprises et des salariés pour le logement), l'organisme fédérant les collecteurs ; l'objectif affiché est "d'engager la constitution d'un grand et véritable groupe Action logement", qui deviendrait "le premier financeur du logement en France et le premier opérateur du logement social". Le projet a été présenté à la ministre du logement, Sylvia Pinel, qui dans un communiqué a immédiatement salué "la volonté de moderniser Action logement" et rappelé "son attachement à faire d'Action Logement un outil dynamique et efficace, au service de la relance de la politique du logement engagée ces derniers mois". La ministre entend toutefois rester vigilante "sur les conditions de dialogue social et sur le calendrier de mise en œuvre de la convention".
"Nous passons d'une notion de réseau à une notion de groupe", a expliqué à la presse Bernard Gaud, président du MEDEF Rhône-Alpes, devenu à l’été 2014 "Monsieur logement" du MEDEF, lorsque Pierre Gattaz l’a nommé président d’Action Logement, et qui n'a pas perdu de temps depuis sa nomination ! En fait, cette annonce ne devrait pas être vraiment une surprise : elle figurait dans le récent Livre blanc pour le logement publié par le MEDEF le 9 janvier. Il appelait à adopter les réformes recommandées lors de l'assemblée générale de l'UESL du 4 juin prochain. Il s'agit en fait de parachever la réforme du 1% logement initiée par la loi Boutin de 2009, et qui a déjà conduit à réduire très fortement le nombre de CIL, passés de 125 en 2009 à 20 en 2012. Lors de la présentation du Livre blanc, Jacques Chanut, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), avait indiqué que "l'idée d'un collecteur unique" doit désormais être étudiée. Bernard Gaud, initialement circonspect, semble s'être laisser convaincre rapidement...
A terme, l'UESL-Action logement devrait se composer de trois entités : une "structure faîtière", paritaire, chargée de piloter l'ensemble du groupe Action Logement, un pôle de services chargé notamment de collecter la PEEC, et un pôle immobilier, regroupant le patrimoine foncier, soit environ 900.000 logements.
La première, la structure de pilotage, aura la mission de conclure avec l'Etat les conventions quinquennales relatives aux emplois de la PEEC, les décliner au plan territorial en contractualisant avec les collectivités concernées et en piloter la mise en œuvre, définir un tronc commun de produits et services adaptable localement, définir la politique immobilière des ESH contrôlées par Action logement, assurer le suivi et l'évaluation des équilibres financiers, de la gestion et des performances d'Action logement. Etant précisé que la convention Etat/UESL pour la période 2015/2019 n'est pas remise en cause...
La deuxième structure, chargée de la collecte de la PEEC et de la distribution des aides et services aux entreprises, sera en lien avec les collectivités territoriales en charge du logement et les opérateurs locaux de l'habitat. Cette nouvelle entité s'appuiera sur 13 délégations régionales, et des antennes locales suivant les besoins de proximité. Elle reprendra l'ensemble des collaborateurs et des actifs de toute nature des CIL qui disparaissent en tant que structures juridiques, à l'exception de leurs participations dans les ESH qui seront reprises dans la troisième entité. Action Logement s'engage à intervenir localement de façon équitable et non discriminatoire, aussi bien auprès des offices publics HLM que des ESH non contrôlées par Action Logement. Au niveau de chaque délégation régionale, un CRAL (pour comité régional Action logement), sera créé. Composé de façon paritaire avec un président représentant les organisations patronales et un vice-président représentant les organisations syndicales de salariés, il sera "chargé de la représentation politique d'Action logement au niveau de la région, suivant un cahier des charges et une lettre de mission élaborés par la structure faîtière, tant auprès des DR que des collectivités territoriales"...
La troisième entité portera "l'ensemble des participations des CIL dans des ESH et autres filiales immobilières équivalentes (notamment de logement intermédiaire) et devra mettre en œuvre la politique immobilière définie par la structure faîtière "tout en respectant l'ancrage local et l'autonomie de gestion de ces dernières". Une réflexion aurait été engagée, visant à terme à faire en sorte que ce patrimoine foncier puisse revenir aux caisses de retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, fortement déficitaires, ce qui nécessite des modifications réglementaires ou législatives.
Bernard Gaud et son vice-président, Jean-Baptiste Dolci syndicaliste FO, se veulent rassurants pour les ESH : pas question de les fusionner aussi, ni de modifier quoi que ce soit dans leur fonctionnement.
S'agissant de l'Association foncière logement, qui dépend aussi du mouvement Action Logement, dont l'avenir après 2018 ne semblait pas forcément assuré, elle sera "confortée dans sa mission d'opérateur spécifique d'Action logement pour la mise en œuvre de la mixité sociale dans les quartiers visés par le PNRU (Programme national pour la rénovation urbaine) et le NPNRU (le nouveau PNRU)", et "sa gouvernance sera maintenue en l'état". Il est prévu qu'elle bénéficie "de dotations en fonds propres résultant notamment des produits de la vente des actifs des CIL qui ne seront pas nécessaires à l'activité" du pôle immobilier...
Globalement, cette réforme vise aussi, par la rationalisation des structures, à mettre fin à la concurrence stérile et contre-productive entre les organismes collecteurs et de proposer les mêmes services aux salariés des petites comme à ceux des grandes entreprises aujourd'hui privilégiés. C'est ce qui est en tous cas mis en avant de manière insistante. La réorganisation d'Action Logement qui compte quelque 12.000 salariés, devra se faire "sans casse sociale", c'est-à-dire sans licenciements, a assuré M. Gaud, et la gestion restera pilotée par les partenaires sociaux.
|