Le décret fixant le contenu du contrat de syndic type et la liste limitative des prestations qui pourront être facturées aux copropriétés en sus du forfait de gestion courante est entré en vigueur le 1er juillet. Les désignations de nouveau syndic et les renouvellements de mandats depuis cette date doivent désormais, dans les dispositions contractuelles et tarifaires, respecter ce décret, qui comporte cependant une faille juridique potentiellement très préjudiciable aux syndics professionnels. Signalée dès les premières analyses du décret à sa parution, elle fait l'objet d'un recours au Conseil d'Etat déposé par la principale fédération de syndics de copropriété, la FNAIM, qui sera probablement rejointe par les deux autres, l'UNIS et le SNPI. Mais en attendant un correctif, les copropriétaires peuvent néanmoins en tirer profit !
De quoi s'agit-il ? Le décret comporte dans le corps du contrat type proposé une section 9 intitulée "Frais et honoraires imputables aux seuls copropriétaires", avec la précision que le coût des prestations concernées - frais de recouvrement, frais et honoraires liés aux mutations, et frais de délivrance des documents sur support papier - est "imputable au seul copropriétaire concerné et non au syndicat des copropriétaires qui ne peut être tenu d'aucune somme à ce titre". Or déjà, une telle mention dans le contrat de mandat, qui lie le syndic au syndicat des copropriétaires et non aux copropriétaires eux-mêmes qui n'en sont pas parties prenantes, était en violation avec la recommandation n°11-01 de la commission des clauses abusives ; la commission la considère en effet comme abusive car, prétendant créer des obligations à la charge des copropriétaires individuellement considérés, elle porte atteinte à l'effet relatif du contrat et laissent croire à chaque copropriétaire qu'il est engagé par le contrat de syndic.
Mais il y a plus grave : la mention que le coût de ces prestations est "imputable au seul copropriétaire concerné et non au syndicat des copropriétaires qui ne peut être tenu d'aucune somme à ce titre" induit la génération d'une créance du syndic sur le copropriétaire concerné et non une créance sur le syndicat, puisque ce dernier ne peut être tenu de son paiement en lieu et place du copropriétaire.
Cette créance peut-elle être portée à travers le syndicat et donc de sa comptabilité ? Dans ce cas, la facturation du syndic au syndicat, et donc la dette de ce dernier à son égard, serait compensée par une créance induite du syndicat sur le copropriétaire concerné. Mais sur quelle base contractuelle puisque le mandat de syndic n'est pas opposable aux copropriétaires ? Il faudrait une clause de "répercussion" dans les règlements de copropriété, dont ils ne sont aujourd'hui pas pourvus ! A défaut, qu'est-ce qui empêche le copropriétaire concerné de refuser le débit comme contractuellement non fondé, obligeant alors le syndic d'annuler sa facturation, puisque le syndicat ne peut être tenu d'une dette qui n'est pas contre-garantie par une créance équivalente ? Or aucun règlement de copropriété ne comporte aujourd'hui une telle clause de répercussion, si tant est qu'elle soit juridiquement tenable !
Il resterait la possibilité d'une facturation directe au copropriétaire, et un encaissement tout aussi direct, la conséquence logique étant que ni la facturation ni le paiement ne passent par la comptabilité du syndicat ! Mais là encore, cette facturation serait dépourvue de tout support contractuel. L'analogie avec un mandat de vente ou de location mettant les honoraires à la charge de l'acquéreur ou du locataire ne tient pas car le copropriétaire n'est pas dans la même position à l'égard du mandataire : l'acquéreur ou le locataire traitant avec le titulaire d'un mandat de vente ainsi rédigé, dès lors qu'il en est informé, conserve la liberté d'accepter ou non une transaction sous ces conditions ; ce qui n'est pas le cas du copropriétaire qui subit la prestation, soit parce qu'elle est obligatoire, soit parce que le syndic ne l'engage que dans l'intérêt du syndicat, soit encore parce que le syndic est le seul à détenir les documents dont il doit délivrer copie !
Concrètement, cette disposition rend impossible la perception par les syndics des frais et honoraires concernés, qui représentent une part importante de leur facturation ! En tous cas, tout copropriétaire qui se voit facturer de tels frais peut les contester avec un succès assuré !
La seule rédaction juridiquement viable étant qu'aucune mention ne soit faite dans le contrat type de l'imputation de ces frais et honoraires au seul copropriétaire concerné, que l'intégralité des frais et honoraires soit facturée au syndicat, et que les imputations privatives aient lieu comme il se doit dans la comptabilité des syndicats dans les seuls cas permis par les clauses d'aggravation des charges des règlements de copropriété, lorsqu'elles existent, ou par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, qui ne vise que certains honoraires de recouvrement et les honoraires relatifs à l'établissement de l'état daté à fournir en vue de l'établissement de l'acte authentique (et non du pré-état daté que beaucoup de notaires prétendent demander aux syndics au moment des promesses de vente, et qui est une pure invention de leur part !)
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