Au premier abord, le Code de déontologie publié par décret le 30 août (1), semble bien anodin, et ne comporter que des obligations évidentes de "probité, moralité et de loyauté", telles que prévues par la loi "ALUR" du 24 mars 2014. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'on annonce des Codes de déontologie : les fédérations professionnelles ont toutes le leur depuis des années. Mais la nouveauté est qu'il s'applique désormais à tous les professionnels soumis à la loi "Hoguet" - agents immobiliers, administrateurs de biens et syndics de copropriété -, et donc y compris ceux affiliés à aucune organisation, et qu'une "Commission nationale de contrôle" est appelée, une fois mise en place dans les prochaines semaines sans professionnels en exercice en son sein, à veiller à son application, avec un pouvoir de sanction très étendu, puisqu'il pourra aller jusqu'à l'interdiction d'exercer !
Sans surprise, la notice du décret indique que ce code doit "permettre l'exercice des activités de transaction et de gestion immobilières dans des conditions conformes aux intérêts des clients et d'assurer le respect de bonnes pratiques commerciales par tous les professionnels", et que "les règles édictées peuvent donner lieu, en cas de violation, à des sanctions disciplinaires prononcées par la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières".
Le code de déontologie impose aux professionnels concernés le respect d’une "éthique professionnelle", consistant à exercer leur profession avec "conscience, dignité, loyauté, sincérité et probité", et à s’attacher "par leur comportement et leurs propos", "à donner la meilleure image de leur profession", et à s’interdire "tout comportement, action ou omission susceptible de porter préjudice à l'ensemble de la profession".
Il impose aussi incidemment le "strict" "respect des lois et règlements", précisant que cela inclut l’abstention de toute discrimination parmi celles mentionnées à l'article 225-1 du Code pénal ; ils sont notamment tenus de refuser leur concours lorsqu'ils sont sollicités pour l'élaboration d'actes frauduleux… Ce strict respect des lois et règlements est probablement ce qui les mettra le plus en danger d'être traduits devant la Commission de contrôle, les clients disposant ainsi pour la première fois d'un moyen simple et gratuit d'obtenir le respect de leurs droits là où auparavant ils n'avait que la justice classique avec les lourdeurs et les coûts qu'on lui connait. Nul doute que l'effet de dissuasion amènera nombre de professionnels à remettre en cause leurs pratiques et à former leur personnel !
Justement, le code de déontologie impose aussi aux titulaires de cartes professionnelles la "compétence", à savoir "posséder les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à l'exercice de leurs activités", se tenir informés des "évolutions législatives et réglementaires ayant un rapport avec leurs activités ou qui sont susceptibles d'influer sur les intérêts qui leur sont confiés", et "connaître les conditions des marchés sur lesquels elles sont amenées à intervenir" ; ils doivent aussi veiller "au respect de leur propre obligation de formation continue" et "à ce que leurs collaborateurs, habilités à négocier, s'entremettre ou s'engager pour leur compte, et leurs directeurs d'établissement remplissent leur obligation de formation continue". Ils doivent refuser les missions pour lesquelles ils n'ont pas les compétences requises ou "recourir si nécessaire à toute personne extérieure qualifiée de leur choix", en informant leur client de la nature des prestations concernées et de l'identité de la personne extérieure à laquelle elles ont fait appel, dont ils doivent s’assurer du professionnalisme.
Dans l’organisation et la gestion de l'entreprise, les titulaires de carte doivent notamment assurer la "direction effective de leur entreprise et de leurs établissements, sous réserve de leur faculté de nommer des directeurs d'établissement" et prendre toutes mesures pour que les salariés ou non-salariés qu’ils habilitent possèdent les qualifications requises et respectent le code de déontologie.
Les titulaires de carte professionnelle doivent donner "au public, à leurs mandants et aux autres parties aux opérations pour lesquelles elles ont été mandatées une information exacte, intelligible et complète de leurs activités professionnelles, y compris des services rendus à titre accessoire ou complémentaire, des montants et des modes de calcul de leurs honoraires pratiqués, de leurs compétences et de leurs qualifications professionnelles". Ils sont tenus à l’obligation de confidentialité, sauf lorsque des dispositions légales ou réglementaires les obligent ou les autorisent à les communiquer, notamment lorsqu'elles sont tenues de témoigner en justice, lorsque les personnes intéressées les délient de cette obligation, ou dans l'exercice de leur défense en matière judiciaire ou disciplinaire.
Enfin, les professionnels doivent assurer la défense des intérêts en présence, et notamment faire preuve d’impartialité et de prudence, communiquer à leurs mandants et aux autres parties aux opérations pour lesquelles elles ont été mandatées l'ensemble des informations qui leur sont utiles pour qu'ils prennent leurs décisions de façon libre et éclairée, et rendre compte régulièrement et dans les meilleurs délais à leurs mandants de l'exécution de leur mission et à les avertir des difficultés rencontrées. Ils doivent veillent à ne pas se trouver en "conflit d'intérêts" avec leurs mandants ou avec les autres parties aux opérations pour lesquelles elles ont été mandatées, et "à ce que l'exercice d'activités annexes ou connexes n'engendre aucun conflit d'intérêts" ; sont mentionnés notamment l’achat, en partie ou en totalité, directement ou "par un proche ou un organisme quelconque dans lequel elles détiendraient une participation", d’un bien immobilier pour lequel un mandat leur a été confié, "sauf à informer leur mandant de leur projet", la vente d’un bien leur appartenant, sauf à "informer l'acquéreur de leur qualité", l’évaluation d’un bien dans lequel ils possèdent ou envisagent d'acquérir des intérêts, sauf à en "faire état dans leur avis de valeur", la perception de rémunération ou d'avantage de quelque nature que ce soit au titre de dépenses engagées pour le compte d'un mandant, sauf "avoir au préalable obtenu l'accord de celui-ci sur l'engagement des dépenses, les modalités de choix des fournisseurs et la facturation de leurs produits ou services devant être transparents" ; les professionnels sont tenus d’ "informer leurs mandants et les autres parties aux opérations pour lesquelles elles ont été mandatées, de la possibilité et des raisons d'un conflit d'intérêts avec eux ou entre eux, et notamment des liens directs de nature capitalistique ou juridique qu'elles ont ou que leurs directeurs d'établissement ou leurs collaborateurs habilités ont avec les entreprises, les établissements bancaires ou les sociétés financières dont elles proposent les services, et plus généralement de l'existence d'un intérêt personnel, direct ou indirect, dans l'exécution de leur mission"...
Par contre, ce Code de déontologie ayant été proposé par le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI) où les professionnels sont majoritaires, il comporte aussi des dispositions en termes de confraternité, qui mettent en fureur les associations de consommateurs, comme l’abstention de "toutes paroles ou actions blessantes ou malveillantes, de toutes démarches ou manœuvres susceptibles de nuire à leurs confrères, les dénigrer ou les discréditer", ainsi que "tout conflit avec leurs confrères qui puisse nuire aux intérêts des mandants et des autres parties aux opérations pour lesquelles elles ont été mandatées". Plus grave, les professionnels doivent s'interdire "d'inciter les prospects ou les clients d'un confrère à rompre leurs relations commerciales avec ce dernier" (sont visées apparemment les campagnes d’e-mailing du type "enfin un syndic qui défend vos intérêts"), et s'abstenir de "fournir des éléments d'appréciation erronés en vue de détourner la clientèle à leur profit"... Et lorsqu’il est demandé à un professionnel de donner un avis sur les pratiques d’un confrère, il doit avoir été préalablement saisie d'une demande d'avis et doit faire preuve de prudence, de mesure et de tact dans l'avis qu'il va exprimer. Il est également précisé que si un professionnel exerce une fonction syndicale au sein d'un syndicat professionnel ou toute autre fonction élective ou de représentation, il doit s'abstenir de s'en prévaloir à des fins commerciales, et s’il a connaissance d'une atteinte au code de déontologie commise par un confrère dans l'exercice de sa profession, il doit s'abstenir de faire part de ses critiques à la clientèle et en référer immédiatement à son confrère...
(1) décret n° 2015-1090 du 28 août 2015 fixant les règles constituant le code de déontologie applicable à certaines personnes exerçant les activités de transaction et de gestion des immeubles et des fonds de commerce
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