Si le bâtiment a fait des efforts sur le plan de sa performance énergétique, il est encore loin d'avoir fait sa révolution en termes d'empreinte carbone et de développement durable. "Qu'on le veuille ou non, il y aura une France de l'avant-COP21 et une France de l'après-COP21", expliquent conjointement dans un article Guillaume Poitrinal, président de Woodeum & Cie et ancien président d'Unibail, et Jean-Michel Wilmotte, architecte. Aucune mesure des émissions de CO2 n'est en effet prévue dans les certifications HQE, RT 2012 ou autres labels devenus incontournables dans le neuf, ni dans les fameux immeubles à "énergie positive".
Or l'immobilier, avec la construction et l'exploitation des bâtiments, est le deuxième secteur le plus émetteur de CO2, juste derrière le transport. Et nos promoteurs, constructeurs, architectes, aménageurs ou autres fournisseurs de matériaux ont pris du retard dans ce domaine, notamment parce qu'on a voulu éviter les débats qui fâchent. Les auteurs expliquent que mesurer le CO2 pour l'immobilier, "c'était déclarer la guerre entre EDF et GDF, un affrontement qui aurait laissé des traces". C'était aussi favoriser indirectement le nucléaire et, partant, déplaire aux écologistes. C'était enfin froisser les lobbys en place, à commencer par ceux, puissants, des matériaux de construction, souvent très émetteurs de CO2...
La recherche de la performance environnementale s'est donc limitée à la baisse de la consommation énergétique des bâtiments recherchant le plus bas taux de KWh/m2, sans compter les émissions carbone. "D'autant que plus d'isolation thermique, plus d'inertie, c'était plus de chiffres d'affaires pour tous. Tout le monde s'y retrouve… tout le monde, sauf la planète", suggèrent ironiquement les co-auteurs.
L'acte immobilier s'inscrivant dans un cycle de vie tout entier avec la construction, l'exploitation puis la fin de vie du bâtiment, il s'avère que de nombreux immeubles vertueux sur le plan des consommations, voire à énergie positive, sont souvent très critiquables du point de vue de l'empreinte carbone, tant on a ajouté de matériaux émissifs, non recyclables, pour les construire et les isoler.
La COP21 va peut-être permettre d'y remédier. L'objectif est ajouter un critère CO2 à la RT 2012 dans un délai de 4 ans. Mais les auteurs pensent qu'il est possible aujourd'hui d'aller plus vite et de doter rapidement la France du premier référentiel de mesure au monde étalonnant les émissions de carbone sur le cycle de vie entier de l'immeuble, depuis sa construction jusqu'à la fin de sa vie. C'est l'objectif que s'est fixé une association qui vient d'être créée en septembre 2015 - "Bâtiment bas carbone" (BBCA), qui rassemble l'essentiel des promoteurs français, de grands architectes et des bureaux d'études de renom. Ce référentiel, simple, indépendant et compréhensible par tous, doit conduire à la création d'un label "bâtiment bas carbone", totalement compatible avec les normes existantes.
Tout en promouvant l'efficacité énergétique des bâtiments, cette initiative est censée conduire ceux qui le souhaitent à repenser sous l'angle des émissions de CO2 l'acte de construire dans sa globalité, y compris l'organisation des chantiers, le choix des matériaux, la fin de vie des immeubles et le recyclage des composants...
|