Lancé en mars dernier afin de développer une offre privée de logement locatif intermédiaire à Paris en direction des classes moyennes, le dispositif "Multiloc" est entré en phase opérationnelle avec la signature par Anne Hidalgo, maire de Paris, le 16 octobre, de la première convention du avec un cabinet immobilier du réseau L'Adresse, en présence de Brice Cardi, président du réseau et de Gilles Ricour de Bourgies, président de la FNAIM du Grand Paris. Alors qu'ils ne ménagent pas habituellement leurs critiques à l'égard de la politique du logement de la municipalité - par exemple les préemptions pour la mixité sociale dans les copropriétés -, les professionnels soutiennent cette fois le dispositif qui a le mérite pour une fois de ne pas les contourner...
Le dispositif vise à mobiliser une offre de logements pour des ménages dont les revenus se situent sous les plafonds du logement intermédiaire (PLI), de toute composition familiale, inscrits ou non au fichier des demandeurs de logement social. Leur taux d'effort ne doit pas dépasser pas 33% au moment de la signature du bail. Les locataires signeront un bail d'habitation conforme à la loi du 6 juillet 1989 avec les propriétaires des logements qui ont choisi de s'inscrire dans le dispositif et qui confient leur bien en mandat de gestion à un professionnel de l'immobilier. Les propriétaires des logements concernés s'engagent à pratiquer un loyer inférieur de 20% au loyer médian du parc privé fixé par arrêté du préfet sur la base des travaux de l'Observatoire des loyer de l'agglomération parisienne (OLAP).
Les logements doivent être décents. Un prestataire est chargé de les repérer, mais les administrateurs de biens conventionnés peuvent mettre en oeuvre leur prospection autonome. Un financement (prime de mise en gestion) de 1.000 euros est alloué aux professionnels par la Ville pour chaque logement pris en gestion. Le montant de ce financement est porté à 1.200 euros lorsque le logement est vacant depuis plus de 6 mois, sur présentation de justificatifs. Au cours du mandat, les opérateurs se rémunéreront par le biais des honoraires de gestion qu'ils fixeront librement (pourcentage du montant du loyer perçu).
Le dispositif propose un ensemble d'avantages et d'aides financières aux propriétaires bailleurs : versement d'une prime d'entrée de 2.000 euros dans le dispositif au moment de la "captation", prise en charge, chaque année, du financement de la garantie contre les risques locatifs (impayés de loyer et charges locatives, dégradations et frais contentieux), soutien dans la réalisation de travaux de remise en état ou d'embellissement de l'appartement, pour un montant maximal de 2.500 euros, remboursement d'une partie des diagnostics techniques obligatoires dans le cadre d'une mise en location, et participation à l'achat des détecteurs de fumée. Une prime spécifique permettant la remise en état du logement, d'un montant maximal de 7.500 euros, pourra être versée lorsque ce dernier est vacant depuis plus de 6 mois.
La Ville a estimé au total le coût du dispositif entre 6.000 et 14.000 euros par logement, en fonction de sa surface et de la situation du logement avant la prise à bail (notamment vacance depuis plus de 6 mois ou non).
Reste à savoir quel sera le succès de cette nouvelle initiative. Probablement faible en termes de remise sur le marché de logements vacants : l'existence d'un grand nombre de logements conservés inoccupés par leurs propriétaires pour des raisons obscures de risque locatif, ou de difficulté ultérieure de récupération, est largement fantasmée. Quel propriétaire accepte de payer les charges et la taxe foncière, voire même pour certains l'ISF en renonçant à tout revenu, simplement parce qu'il craint les impayés ou qu'il trouve que les locataires trop protégés ? Cette fable entretenue par le lobby des propriétaires est à peu près aussi crédible que celle du million d'emplois du MEDEF en cas de baisse des charges sociales... Les études montrent en effet que les logements vacants sont soit des pieds à terre dont les propriétaires tiennent à garder disponibles, soit des taudis inlouables en l'état, soit encore des logements libérés en attente d'une vente ou de travaux.
La prime peut par contre être plus alléchante. Mais le sacrifice de loyer (20% en dessous du loyer médian de l'encadrement des loyers, lui-même inférieur de 16,6% au loyer plafond de l'encadrement, ce dernier étant à son tour considéré comme inférieur de 10 à 20% aux loyers de marché avant encadrement...) en vaut-il la chandelle ? D'autant que contrairement à des dispositifs tels que Solibail, aucune garantie n'est apportée sur le paiement des loyers et l'état du logement après location. Le propriétaire qui souhaite se couvrir devra le faire à ses frais, en plus des honoraires de gestion puisque le recours à un administrateur de biens est obligatoire...
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