Marché de niche partagé entre un petit nombre d'intermédiaires, internationaux pour la plupart (Christy's, Sotheby's, Barnes, John Taylor), mais aussi nationaux (Féau), chacun y va de son analyse, souvent chargée d'arrières pensées politiques et d'une forte tendance au french bashing : les étrangers boudent la France, les Français riches bradent pour partir, etc. Puis, soucieux de ne pas casser le marché, on apprend souvent le contraire : le luxe a le vent en poupe, les étrangers s'arrachent les meilleurs produits, etc.
Selon la dernière analyse en date, les clients de l'immobilier de luxe snoberaient Paris, l'immobilier parisien haut de gamme ne répondant pas suffisamment aux critères internationaux du luxe, selon Stéphane Imowicz, ex-directeur général de Crédit Foncier Immobilier, qui a fondé l'an dernier son cabinet en conseil immobilier haut de gamme, Ikory. Tout d'abord pour les biens de luxe (définis par Christie's comme ceux supérieurs à 3 millions d'euros), les prix, aujourd'hui, décrochent par rapport à ceux des autres grandes capitales. "Les prix médians de Paris n'ont pas connu la forte reprise d'après-crise de Londres et New York", remarque l'étude d'Ikory. De plus, la structure du parc parisien est orientée vers des surfaces plus petites (56 m² en moyenne) que celle des autres capitales...
Résultat : alors que, en termes de prix au mètre carré, Paris se situe au quatrième rang mondial, la capitale française n'arrive qu'en septième position en nombre de ventes d'un montant supérieur à 1 million de dollars, devancé par des villes comme San Francisco, Sydney et Toronto. Et de regretter qu'en prix au mètre carré, qui atteint tout de même en moyenne dans la capitale française, d'après des données du réseau Daniel Féau, 14.500 euros le mètre carré, l'écart avec d'autres capitales s'accroisse au détriment de Paris. Il est vrai que Paris fait pâle figure par rapport aux 36.527 euros que coûte le mètre carré londonien, ou les modestes 21.216 euros et 20.108 euros le mètre carré à New York et Hong Kong. Par ailleurs, avec la flambée de l'immobilier à Paris ces dernières années, les biens supérieurs à 7.500 euros le mètre carré concernent, depuis 2011, 70 % des transactions, mais "le segment des ventes supérieures à 10.000 euros le mètre carré est en léger recul depuis trois ans, à 19 % des transactions", souligne tristement Ikory.
Paris serait l'une des grandes capitales les moins ouvertes à l'international. Selon les chiffres des Notaires de Paris-Ile-de-France, seuls 8% des transactions y sont le fait des étrangers (contre 20% pour Londres, selon Knight Frank), voire 3% seulement si on ne considère que les non-résidents. Et le nombre d'étrangers non résidents achetant à Paris est en baisse : il avait dépassé les 4 % en 2008-2009... Dans les quartiers les plus recherchés, l'écart entre Paris et Londres est spectaculaire. A Paris, où sont concernés les quartiers des Champs-Elysées, de Notre-Dame et de l'Odéon, les étrangers ne représentent que 15% des transactions contre 49% pour les quartiers les plus huppés du centre de Londres. La capitale britannique a eu pendant des années une politique fiscale très favorable aux étrangers non résidents, leurs revenus provenant de l'étranger étant exonérés d'imposition...
Mais faut-il le regretter ? Certes, l'afflux de riches étrangers apporte des devises, encore que les taux de séjour dans l'année de ces non résidents soit relativement faible. Apporte-t-il autre chose qu'une élévation du coût du logement pour la population locale et ses conséquences en termes de pouvoir d'achat et de croissance économique de la région ? Selon les spécialistes de l'immobilier de prestige, il y a moyen pour Paris de développer son marché de l'immobilier de luxe, puisque la planète compte aujourd'hui 15 millions de millionnaires, soit 46% de plus en six ans, et que l'immobilier ne représente que 18% de leurs actifs (23% chez les Européens, estime Capgemini). Mais, pour capter cette clientèle, il va falloir une offre immobilière plus conforme aux standards internationaux du luxe : un immobilier griffé, meublé et décoré, offrant des services (conciergerie, spa privé, sécurité entre autres) et un équipement doté de technologie de pointe (insonorisation, domotique, etc.), estime Stéphane Imowicz dans Les Echos. Mais n'est-ce pas encore réserver du foncier, après l'immobilier d'entreprise à qui on fait par nécessité économique la part belle, à cette catégorie d'acheteurs dans un espace limité où la construction de logement intermédiaire et de logement social est à la peine, et risquer de rejeter une part croissante des actifs de plus en plus loin de leur lieu d'activité ?
Véritable choix politique et de société, en réalité ! Sans compter que la bulle immobilière mondiale ainsi alimentée est un facteur majeur, selon le consensus croissant des économistes, de la concentration de la richesse et du creusement des inégalités, considérés comme responsables de la baisse tendancielle de la croissance des économies développées...
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