Parmi les pays occidentaux, la France a le système de financement de l'achat immobilier le plus typé : octroi des crédits fondé prioritairement sur la capacité de remboursement de l’emprunteur et non sur la valeur du logement financé, proportion de plus de 90% de crédits à taux fixe, financement au moyen de ressources stables et bon marché des banques, notamment les comptes à vue - importants en raison du taux de bancarisation très élevé - et l'épargne logement. Ce modèle a permis aux banques françaises de rester à l'abri des soubresauts des "subprime" et autres crises financières et d'avoir un taux très faible d’impayés et de sinistres en France, y compris en temps de crise, comme en attestent les chiffres figurant dans les différents rapports de l’ACPR et dans les bilans de la SGFGAS (Société de gestion du Fonds de Garantie de l’Accession Sociale). Autre caractéristique de ce modèle : le très faible recours à la "titrisation", c'est à dire à leur sortie du bilan des prêteurs pour être logés dans des fonds proposés aux investisseurs. Il pourrait cependant être remis en cause par les tendances qui se dessinent dans les travaux du Comité de Bâle, qui prépare actuellement une nouvelle recommandation sur le risque de crédit dite "Bâle IV".
Cette recommandation prévue pour 2017 consisterait à accroître la pondération des fonds propres requis pour ces financements "à la française" et pourrait freiner les établissements financiers dans leur distribution du fait des surcoûts entraînés. En fait, il est reproché aux banques françaises, par le fait d'accorder des crédits à taux fixes, d'assumer elles-mêmes le risque de taux, et de ne pas le provisionner suffisamment.
Depuis sa création, le comité de Bâle a émis trois recommandations, appelées Bâle I, Bâle II et Bâle III. Leur transposition dans la législation nationale n'est pas obligatoire dans les pays membres et les Etats-Unis n'ont par exemple pas transposé Bâle III. Mais encore faut-il que les établissements financiers nationaux aient les moyens de ne pas être affectés par le jugement des agences de notation... La mise en place de Bâle III après la crise des subprime a obligé les banques européennes à renforcer leurs fonds propres, ou à diminuer leur exposition au risque (et donc leurs crédits à l’économie). Avec Bâle IV, elles devront donc aller encore plus loin, et le taux de couverture par fonds propres pourrait, pour les banques françaises en raison de leurs spécificité, passer de 35% à 55% ! Il y aurait alors deux solutions,utilisables de manière cumulative : limiter les crédits à taux fixe au profit des crédits à taux révisables, et pratiquer la titrisation pour alléger leur bilan. Mais pour cela, il leur faudra augmenter leurs marges, car aux taux pratiqués aujourd'hui, il y a pas de quoi rendre les fonds d'investissement créés suffisamment attractifs.
Or, moins de crédits immobiliers et plus chers, et report du risque de taux sur les emprunteurs sont autant de facteurs à casser la reprise immobilière, voire même à faire replonger le secteur dans la crise. Les Fédérations professionnelles LCA-FFB (Les constructeurs et aménageurs de la FFB), la FNAIM, et la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers) lancent un cri d'alarme et invitent instamment les pouvoirs publics français à soutenir la spécificité du financement du logement en France afin qu’il ne soit pas pénalisé par ce projet de recommandation du Comité de Bâle.
|