Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, Patrick Kanner, ministre de la ville, et Ericka Bareigts, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité réelle, ont présenté ensemble le 13 avril le projet de loi "égalité et citoyenneté" en Conseil des ministres. Le principe en avait été décidé au lendemain des attentats de janvier 2015, le Premier ministre, Manuel Valls, dénonçant alors l'apartheid social favorisant dans les banlieues le développement de la délinquance et de la radicalisation islamiste, et appelant à faire progressivement tomber les barrières auxquelles est confrontée une partie de la population dans ses conditions de vie. Son contenu a pu être largement préparé lors des Comités interministériels égalité et citoyenneté des 6 mars et 26 octobre 2015.
Le projet de loi joue sur plusieurs tableaux. Côté citoyenneté, il ambitionne pas moins que de "créer les conditions de la généralisation d'une culture de l'engagement citoyen tout au long de la vie", et se veut dans la droite ligne de la "priorité jeunesse", censée être portée par le gouvernement depuis 2012 : création d'un congé d'engagement associatif pour les actifs bénévoles, mise en place de la "réserve citoyenne", reconnaissance systématique de l'engagement dans les diplômes de l'enseignement supérieur, ouverture du service civique à de nouveaux "viviers", etc.
Sans surprise le logement occupe un deuxième volet indispensable, destiné à favoriser le vivre-ensemble et lutter contre les phénomènes de ségrégation territoriale et de "ghettoïsation" de certains quartiers, que ce soit en ghettos de pauvres comme en ghettos de riches. Le préfet pourra délivrer directement les autorisations d'urbanisme dans les communes déclarées "carencées" en logements sociaux. Il pourra aussi obliger une commune à appliquer un plan de construction de logements sociaux, dans le cadre de la loi SRU (Solidarité et rénovation urbaine). Enfin, 25% des attributions annuelles de logements situés en dehors des quartiers défavorisés devront être réservées au quart des demandeurs les plus modestes.
Les bailleurs sociaux pourront disposer de plus de souplesse dans l'ajustement de leurs loyers et la mixité des locataires dans les immeubles suivant leurs niveaux de revenus. Ils pourront au départ d'un locataire, baisser ou augmenter un loyer afin de "mixer les locataires dans les immeubles". Objectif : éviter la concentration de populations pauvres dans des territoires déshérités. Par ailleurs, pour accroître la rotation des locataires dans les HLM, le surloyer demandé aux locataires dont les revenus augmentent "sensiblement et durablement", sera relevé : ceux dont les ressources dépassent de 150% le plafond retenu pour l'attribution du logement HLM, contre 200% aujourd'hui, devront partir dans les 18 mois et non plus 3 ans.
Les critères d'attribution des logements sociaux seront établis à l'échelle intercommunale et devront être publiés. Il est également prévu d'encourager la "location choisie", ainsi que la mise en cohérence des critères de priorité et l'élargissement aux personnes reprenant une activité après une période de chômage de longue durée. Enfin, une fois de plus, il est demandé un meilleur ciblage des règles de construction de logement social, et leur mise en cohérence avec les besoins et réalités des territoires.
Enfin un troisième volet vise l'"égalité réelle", définie comme le fait de "permettre à chacun d'être en capacité de s'insérer pleinement dans la République". Il organise l'extension du rôle des conseils citoyens, au travers de la reconnaissance d'un droit d'interpellation qui permettra de modifier le contrat de ville afin de mieux répondre aux besoins des habitants, le renforcement de la formation à la maîtrise du français tout au long de la vie, et notamment dans le cadre de la formation professionnelle, l'élargissement de l'accès au troisième concours dans les 3 fonctions publiques afin de valoriser tous les types d'expérience professionnelle, et le durcissement de la répression des délits de provocation, de diffamation, d'injures et d'actes racistes face aux actes de racisme et de discriminations pour agir plus efficacement sur les discriminations et élargissement de la circonstance aggravante.
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