La Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM) a vocation à défendre les intérêts des professionnels de l'immobilier et de leurs clients. C’est pour avertir ces derniers de "risques majeurs de débordements" que son président, Jean-François Buet, s’inquiète des termes du décret relatif au Registre national d’immatriculation des syndicats de copropriétaires paru au Journal Officiel du 28 août, et qui fixe les objectifs encadrant la définition des données à porter au registre par les télédéclarants et les conditions de leur consultation.
En effet, la loi "ALUR", encore elle, a prévu l'immatriculation des copropriétés et l’obligation pour, notamment les syndics de copropriété, de fournir des informations relatives à l'identification de chaque syndicat de copropriétaires, à son mode de gouvernance (syndic professionnel ou bénévole), aux procédures administratives et judiciaires éventuellement dressées à son encontre, à l'état de son bâti, ainsi qu'à ses comptes annuels. L'objectif étant de "faciliter la connaissance des pouvoirs publics sur l'état des copropriétés et la mise en œuvre des actions destinées à prévenir la survenance de leurs dysfonctionnements".
Dans un communiqué alarmiste, le président de la FNAIM voit dans "toutes ces informations réclamées" et "supposées alimenter une plateforme qui sera ouverte au tout-venant" une "menace pour la propriété privée dès lors que des informations, initialement destinées à rester dans l’intimité des familles, peuvent à tout moment être étalées au grand jour" et "finissent par inspirer la création d’une taxe". La théorie du complot n'est pas loin, et s’il est vrai que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a relevé dans son avis rendu le 17 mars dernier que "la finalité poursuivie par l'alimentation du registre à partir des données issues de ces fichiers n'est pas clairement déterminée, notamment pour les données issues du référentiel des communes, des établissements publics à caractère intercommunal, des départements et des régions et du CEREMA Nord-Picardie, et constaté, par ailleurs, que ni leur périmètre exact ni les modalités de leur intégration dans le registre ne sont définis", elle a également relevé "qu'hormis celles relatives au syndic exerçant à titre bénévole, les données du registre ne permettent pas d'identifier directement les copropriétaires et considéré que les données collectées et traitées dans le cadre de la mise en œuvre du registre sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées". Au demeurant, le registre ne sera pas ouvert "au tout venant" mais seulement aux instances publiques et aux collectivités territoriales, et ce tout à fait légitimement !
La réaction de la FNAIM semble en effet sous-estimer les véritables finalités du registre créé, dont la gestion sera confiée à l'ANAH, à savoir détecter le plus en amont possible les difficultés de gestion des copropriétés, et permettre aux collectivités de déclencher en temps utile les procédures de sauvegarde, ce qui pourrait éviter que l'aggravation des dysfonctionnements n'entraîne par la suite la nécessité de mettre en route des procédures publiques de redressement financièrement et socialement très coûteuses. Le signalement des situations de fragilité incombe normalement aux syndics, mais l'expérience a montré que, depuis sa création, les cas où, lorsque les impayés dépassent un certain niveau, ils ont déclenché volontairement la procédure d'alerte - la désignation d'un mandataire ad hoc chargé d'examiner les causes des impayés et des difficultés de règlement des fournisseurs - se comptent presque sur les doigts d'une main...
Rappelons que la mise en place du registre résulte d'une recommandation du "rapport Braye" de janvier 2012, du nom du président de l'ANAH qui l'avait fait réaliser à la demande du ministre du logement de l'époque, rapport qui dressait un tableau lui aussi alarmiste, mais de l'état du parc des copropriétés en France : sur près de 617.000 copropriétés composées de logements collectifs ou mixtes (source Filocom 2011), représentant environ 6,9 millions de résidences principales, une étude réalisée avec la Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) a en effet permis d’évaluer à 100.902 le nombre de copropriétés fragiles, soit près de 19% de l'ensemble des copropriétés étudiées, et près d'un million de logements. Et tout porte à croire que ce nombre ira en grandissant...
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