Un taux de mobilité résidentielle qui se maintient sur le marché locatif privé à un niveau jamais vu depuis 2004 de 29,7% en 2016 et qui se redresse même à 29,8 en ce début d'année pourtant peu propice aux déménagements, voilà qui devrait satisfaire les professionnels qui alimentent et co-gèrent l'observatoire CLAMEUR (acronyme de Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux), dont les résultats semestriels ont été comme à l'habitude présentés le 7 mars par Michel Mouillard, professeur d'économie à l'université Paris Ouest, et opérateur de l'observatoire. Championnes de la mobilité (40% et plus - part des logements ayant changé de locataires dans l'année) : les anciennes régions d'Auvergne, de Basse Normandie, de Bretagne, du Languedoc-Roussillon, du Nord-Pas-de-Calais et des Pays de Loire. A l'autre extrême, l'Ile-de-France avec une mobilité de moitié : 23,2% début 2017, plombée surtout par Paris, avec 18,6%. La faible mobilité des locataires parisiens, qui n'a cessé de se dégrader depuis 2006 mais qui a connu néanmoins une remontée en 2016, pénalise les nouveaux entrants. Le professeur Mouillart estime à 12% le déficit d'offre occasionné par ce gel relatif du marché par rapport aux années 1998-2002 puis 2006-2008...
Le regain général de mobilité se traduit par un redémarrage de la hausse des loyers : après une baisse moyenne de 1,1% en 2015, CLAMEUR enregistre une hausse moyenne de 1% en 2016, suivi d'une stabilisation début 2017, normale pour des mois d'hiver. Les 2 pièces (34% du marché privé) et les 3 pièces (26,7% du marché) voient leurs loyers reculer de 0,6% en glissement annuel, mais tous les autres les voient progresser : +0,2% pour les 4 pièces (11,8% du marché), +0,8% pour les 5 pièces (5,7% du marché) et +1,1% pour les studios et 1 pièce (21,8% du marché).
Ville par ville, pour celles de plus de 10.000 habitants, les loyers ont reculé dans la moitié d'entre elles (50,9%). Si l'on ne prend que celles de plus de 175.000 habitants ils ont augmenté en 2016 de moins que l'inflation dans 75% d'entre elles, et reculé dans un peu moins de la moitié. Et cette situation perdure maintenant depuis plusieurs années : depuis 2013, sur ces villes, les loyers ont augmenté de moins que l'inflation (0,6% en moyenne) dans 70% d'entre elles.
Pour les professionnels, cette stagnation dégrade le rendement de l'investissement locatif et l'effort d'entretien-amélioration, dont le taux s'est effondré depuis 2008, passant de 33% des logements faisant l'objet de gros travaux en 2008 à 14,1 en début 2017. Ils tirent même la sonnette d'alarme quant à la possibilité pour les bailleurs privés de faire face aux travaux rendus nécessaires dans le cadre de la loi de transition énergétique ! Cette analyse, reprise par les grands médias, tombe à pic s'il s'agit de décourager l'extension de l'encadrement des loyers dans d'autres villes que Paris et Lille.
Trop bien peut-être ! L'analyse des chiffres de CLAMEUR mérite des nuances à ce constat. D'une part, la référence aux années 2009-2011 est spécieuse car l'effort d'entretien-amélioration s'est situé antérieurement sur une moyenne de 20%. Ensuite, le taux affiché ne prend en compte que les gros travaux dans les logements : restructuration, création de confort, réfection de l'électricité ou du chauffage quand il est individuel. Pas la remise en état en peintures, revêtements etc., que l'on fait couramment après une ou deux relocations. Il ne prend pas en compte les travaux de copropriété. Or le niveau de confort des logements du parc locatif privé s'est beaucoup amélioré, ce qui avait contribué à alimenter la hausse des loyers dans les années 2000. Aujourd'hui, le gros de ces travaux dans les logements est fait, et il est normal que les loyers s'assagissent. Le relais est pris désormais par les travaux collectifs, qui ont mois d'impact sur eux...
La modération des loyers constatée depuis plusieurs années dégrade-t-elle dangereusement la rentabilité de l'investissement locatif ? Le regain d'investissement dans le neuf, certes dopé par l'avantage fiscal Pinel, mais aussi le regain dans l'ancien prouvent le contraire. Ils sont tous deux dopés aussi par la chute spectaculaire des taux d'intérêt, et la modération des prix constatée partout sauf peut-être à Paris. Enfin, le niveau des loyers est fortement conditionné par le niveau de revenu des locataires, qui baisse régulièrement, les plus aisés (au sens revenu et stabilité de la situation professionnelle) quittant régulièrement depuis plusieurs années la location pour l'accession à la propriété, encouragée par de nombreux moyens : PTZ, accession sociale, faiblesse des taux d'intérêt, etc. Sans compter que partout ailleurs dans les zones très tendues, le logement privé est concurrencé par le logement social, de plus en plus présent et attractif en termes de qualité.
(1) Observatoire CLAMEUR - présentation des résultats à fin février 2017 et Top 853 des villes
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