Les loueurs Airbnb sont loin de n'être que des occasionnels : par sa notoriété et sa facilité d'utilisation, la plateforme qui ne s'acquitte de presque aucun impôt en France a généré un écosystème pesant plus d'un milliard de chiffre d'affaires par an, perçu par les loueurs, et une myriade de prestataires et de petites mains assurant le réceptif des locataires, la conciergerie, la blanchisserie, etc. C'est ce qui ressort d'une enquête approfondie menée par le quotidien Le Monde, en collaboration avec les rédactions allemande de la Süddeutsche Zeitung, belge de De Tijd, néerlandaise de Trouw.nl et le journaliste d’investigation suisse François Pilet, enquête qui a notamment mis en évidence ceux parmi les clients d'Airbnb, toujours plus nombreux, qui font de la location de court terme leur activité à l’année.
"Arrivée discrètement au début de 2011 à Paris, la plate-forme de locations saisonnières est devenue, six ans plus tard, incontournable de l’offre touristique française", relève à juste titre Le Monde. Devant le refus de ses opérateurs de donner son chiffre d’affaires ni la part de revenu généré par les hébergeurs louant à l’année, le quotidien a étudié plus de 144.300 annonces réparties dans vingt villes françaises, soit 36% du total des annonces françaises sur Airbnb. Parmi ces offres, une sur cinq est aujourd’hui émise par un multipropriétaire, parmi lesquels on trouve un certain nombre de professionnels. On est donc loin de l’image d'Epinal d'une plateforme d'économie collaborative, dédiée aux propriétaires s’absentant de leur logement le temps des vacances ou d'un séjour à l'étranger...
Qu’ils soient professionnels ou non, certains hébergeurs ont fait d’Airbnb leur principale source de revenus. Une partie d’entre eux ne met à la location qu’un seul appartement – souvent un studio – tout au long de l’année. D’autres deviennent de véritables agences, gérant parfois plus de 120 logements, constate Le Monde !
Une activité évidemment pas toujours légale, la location d’un logement plus de cent vingt jours par an étant réglementée, particulièrement dans les grandes villes.
Mais ils ne sont pas les seuls à profiter de la manne : concierges, blanchisseurs, dépanneurs, tout un petit monde se nourrit des miettes de ce qui est devenu un business à l'égal de l'hôtellerie classique, qui n'en peut mais. Cette activité a aussi ses intermédiaires, comme comme l'agence Bnbsitter. Service client oblige !
Le volet européen de l'enquête révèle partout ailleurs une situation similaire : les hébergeurs louant leur logement plus de soixante jours par an représentent 42% des annonces aux Pays-Bas, 40,1% en Belgique, 35,2% en Allemagne, 33,2% en France, 32,8% en Suisse et dans le monde entier. Les multipropriétaires ne sont pas en reste : en France, comme dans les dix plus grandes villes allemandes, près d’un hôte sur cinq (18%) est un multipropriétaire.
Les législations pour contrer la professionnalisation des hébergeurs sur Airbnb, qui se développent de plus en plus, n'ont pas pour le moment réussi ne serait-ce qu'à freiner le phénomène, tant l'appât du gain est fort. Pour être efficace, les risques de se faire prendre doit être nettement supérieur à ce qu'il est aujourd'hui, et le montant des amendes rendu plus dissuasif. Dans les Flandres belges, le journal De Tijd a estimé que 85% des annonces ne respectaient pas les lois régionales. Depuis le mois d’avril, celles-ci obligent les hébergeurs à s’inscrire auprès de leur mairie et à faire figurer leur identifiant sur leur annonce. La même chose est instaurée depuis peu à Paris...
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