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Le fiasco du décret tertiaire : un révélateur d'une politique de réduction de la consommation énergétique sans boussole
17/8/2017
L'histoire commence en juillet 2010 avec la loi Grenelle 2. Dans l'enthousiasme du moment, elle instaure une obligation de rénovation thermique des bâtiments tertiaires - bâtiments publics, bureaux, centres commerciaux, entrepôts - à remplir dans un délai de 8 ans à compter du 1er janvier 2012. Un décret devait préciser les modalités des travaux et définir l'objectif de performance énergétique à atteindre. Ainsi est née la saga et ce qu'on peut appeler le fiasco du "décret tertiaire" : après moultes péripéties, le décret n'a finalement été publié qu'en mai 2017 pour être suspendu par le Conseil d'Etat 2 mois plus tard. Le texte fixait les objectifs de réduction de la consommation énergétique à atteindre d'ici 2020.
En cause le manque de continuité dans la politique gouvernementale. En 2012, l'administration envisage de publier ce fameux décret tertiaire pour mettre en application les obligations du Grenelle 2. Mais, les bâtiments publics sont soumis à l'obligation de rénovation du parc et budgétairement, le moment n'est pas propice. Après le changement de majorité, la gauche lance la transition énergétique. En 2015, c'est Ségolène Royal qui remet le décret tertiaire au goût du jour en introduisant dans la loi de transition énergétique un objectif de réduction des consommations énergétiques du parc tertiaire de 60% à horizon 2050. Un objectif intermédiaire doit être fixé toutes les décennies et publié au moins 5 ans avant son entrée en vigueur par décret. Le décret tertiaire est attendu plus que jamais puisqu'il doit donc fixer les objectifs à 2020 et sonner la mobilisation générale des acteurs de l'immobilier tertiaire.
Deux ans, plus tard, 5 jours avant la fin du mandat de François Hollande, le décret tertiaire voit enfin le jour, instaurant une obligation de réduction de 25% des consommations énergétiques à 2020. L'étendue de l'obligation doit encore être précisée par un arrêté. Le texte n'est toujours pas applicable à moins de 3 ans de sa date butoir et rencontre une véritable levée de boucliers de la part des associations professionnelles du commerce et l'hôtellerie.
PERIFEM, Le Conseil du Commerce de France, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie déposent un recours auprès du conseil d'Etat contre une obligation qui, selon eux, impose des objectifs impossibles à remplir sans grever fortement la rentabilité économique de leur activité. Après une première suspension partielle prononcée le 29 juin par le Conseil d'État, la suspension totale du décret tertiaire est prononcée le 11 juillet, 2 mois après sa parution. Selon le Conseil d'État, le décret ne peut imposer une obligation de réduction des consommations énergétiques des bâtiments d'ici 2020, puisque la loi accorde un délai de cinq ans entre la publication du décret d'application et son entrée en vigueur. Délai non respecté ici ! Le juge a par ailleurs estimé que les professionnels concernés par le décret manquaient d'informations pour engager des travaux faute de publication de l'arrêté.
Le décret tertiaire est donc suspendu jusqu'à ce que Conseil d'État statue définitivement sur sa légalité. Cette procédure durant en moyenne une année, elle sonne inexorablement le glas du décret puisque même s'il était jugé légal, les délais d'applicabilité seraient impossibles à respecter.
La balle est dans le camp de Nicolas Hulot, nouveau titulaire de l'écologie et de la transition énergétique. Il est urgent de mettre de la cohérence et du pragmatisme dans la politique de transition énergétique, mais aussi de la volonté politique, car il y aura toujours des acteurs pour mettre en avant l'impact négatif sur les conditions économiques de leur activité et crier au loup sur l'emploi...