La Cour des comptes a mené une enquête sur les dépenses fiscales consenties au cours des exercices 2009 à 2016 en faveur de l’investissement locatif des ménages : réduction d’impôt ou amortissement diminuant la base imposable. Cette enquête a porté sur les régimes Périssol (1996-1999), Besson, neuf et ancien, (1999-2002), Robien et Robien recentré (2003-2008), Borloo, neuf et ancien, (2006-2008), Scellier et Scellier intermédiaire (2009-2012), Duflot (2012), Pinel (2014). Il s’agit d’avantages fiscaux allégeant l’impôt sur le revenu de particuliers qui achètent, ou dans certains cas construisent ou réhabilitent des logements en métropole, et s’engagent à les louer pendant une certaine durée en respectant des critères relatifs, notamment, au montant maximal des loyers ou aux revenus des locataires.
En 2016, les dépenses fiscales correspondantes - un manque à gagner d'impôts pour l'Etat - ont été estimées à 1,7 milliards d’euros pour l’ensemble de ces dispositifs. Elles étaient de 606 millions d'euros en 2009. La Cour a examiné le coût et l’efficacité de ces dépenses fiscales au regard des principaux objectifs qui leur sont assignés : l’appui au secteur du bâtiment et le soutien à l’offre de logements locatifs. La qualité de leur suivi par les ministères respectivement chargés des finances et du logement a également fait l’objet d’un examen attentif.
La Cour des comptes dénonce le coût de ces mesures, en très forte hausse, dont l’effet sur le secteur de la construction doit être relativisé, sans effet évident sur les loyers, et dont l’impact sur l’offre de logements locatifs est de courte durée et limité à des zones où les besoins ne sont pas toujours les plus forts ! A titre d’illustration, la Cour a calculé que le coût annuel pour les finances publiques d’un logement de 190.000 euros bénéficiant de l’avantage Pinel était, toutes choses égales par ailleurs, trois fois plus élevé que celui d’un logement social comparable, financé par un prêt locatif social (PLS), ou deux fois plus élevé que celui d’un logement financé par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), alors même que la durée des locations est, dans ces derniers cas, bien supérieure (40 ans).
En réalité, il ressort de l’enquête de la Cour des comptes que les opérateurs - constructeurs, promoteurs, banques - ont désormais intégré la pérennité de ces aides dans leur stratégie. Cela conduit plusieurs experts consultés par la Cour à évoquer un phénomène "d’accoutumance", voire "d’addiction" des acteurs à ces aides fiscales. Elle observe,
au demeurant, que celles-ci sont par ailleurs très peu pratiquées dans les autres États européens. Et de conclure qu'il revient toujours à l’État d’apporter une preuve plus convaincante de leur efficacité, ce qu’il n’a pas été en mesure de faire à ce jour.
Par ailleurs, ces aides sont principalement destinées à des ménages dont les revenus sont relativement élevés, et même parfois importants : ainsi, 45% des ménages bénéficiaires se situaient en 2013 dans la tranche d’imposition comprise entre 27.000 et 71.000 euros ; près du quart appartenait à la tranche comprise entre 71.000 et 151.000 euros, qui ne
représentait alors que 2,3% des foyers imposés.
La Cour des comptes reproche également à l’Etat une gestion reposant sur des données insuffisantes, des contrôles insuffisants, et une quasi-ignorance des résultats de cette politique. Elle recommande de mettre en œuvre des dispositions transitoires permettant une sortie progressive et sécurisée des dispositifs récemment reconduits, et des mesures visant à renforcer la place des investisseurs institutionnels dans la construction et la location de logements privés.
Cette charge a-t-elle la moindre chance d'être entendu par le gouvernement qui vient de reconduire le régime Pinel pour 4 ans supplémentaires ? C'est peu probable, dans la mesure où sans ces incitations, c'est 30 à 40% de la production neuve des promoteurs qui serait menacée, et par là même l'industrie du bâtiment, déjà potentiellement fragilisée par la ponction opérée sur les bailleurs sociaux...
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