Après deux ans de progression régulière, les chiffres de la construction font grise mine depuis le début de l'année et plongent carrément au début du second semestre. Selon les statistiques du ministère de tutelle publiés le 29 août, les permis de construire des logements, indicateur avancé du marché, ont fortement creusé leur recul en France de mai à juillet. "Le mois de juillet est calamiteux: cette fois le logement plonge", a estimé auprès de l'AFP Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), principale fédération du secteur.
Au cours de ces trois mois, les permis de construire se sont élevés à 119.900 unités, soit un recul de 12,1% par rapport à la même période de 2017. Les mises en chantier, qui doivent normalement répercuter les autorisations de construire, sont un peu en retard et ne baissent "que" de 4,9% à 102.700. Mais la tendance baissière est là : un mois plus tôt, le ministère avait annoncé un déclin de 4% entre avril et juin. "La situation devient préoccupante", insiste Jacques Chanut, estimant que le nombre de mises en chantier était en route pour repasser sous la barre des 400.000 cette année, après l'avoir nettement franchi en 2017.
Est-ce la fin d'un cycle ? Il est vrai que ce recul succède à une progression régulière du marché, celui-ci ayant atteint un pic au tournant de la fin 2017. Que ce soit en matière de permis de construire ou de mises en chantier, le logement neuf a régulièrement avancé en 2016 et 2017 dans un contexte marqué par des taux d'intérêt très bas et les conséquences du renforcement des aides publiques à la propriété sous le quinquennat de François Hollande, dont notamment le prêt à taux zéro (PTZ).
C'est probablement ce qui manque aujourd'hui à une partie au moins du marché, avec la réduction du périmètre géographique du PTZ et la suppression de l'APL accession. Mais pas seulement : les taux d'intérêt ont maintenant tendance à se stabiliser, certes à de très bas niveaux, et ne suffisent plus à accélérer la demande au moment où les prix montent. En outre, un second carburant a d'ores et déjà commencé à manquer : la demande de construction et les achats aux promoteurs des organismes HLM, qui sont en passe de se faire ponctionner les deux tiers de leur capacité d'autofinancement !
Dans ce contexte, l'espoir du gouvernement de relance de l'offre dans le cadre de son projet de loi "ELAN" sur le logement, qui doit être définitivement adopté par les parlementaires en septembre, paraît dérisoire. Quant bien même certaines de ses dispositions permettraient de relancer l'offre, ce dont on peut douter si l'on s'en tient à l’allègement de certaines normes et aux mesures destinées à limiter les recours contre les permis de construire, encore faut-il qu'il y ait une demande solvable en face ! Sans changement de cap drastique de la politique du logement, il ne faudra pas plus de six mois pour entendre les signaux d'alarme du bâtiment, auxquels aucun gouvernement n'a su à ce jour résister. Malheureusement, il faut s'attendre à ce qu'alors, les mesures prises dans l'urgence soient comme à chaque fois les mêmes : un nième ré-élargissement du PTZ ou un nouveau "Pinel"...
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