Après l'Assemblée nationale le 3 octobre, le Sénat a sans surprise adopté le 16 octobre le projet de loi "ELAN" sur le texte du compromis trouvé le 20 septembre dernier par la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Ainsi devenu définitif, le texte pourra être promulgué après que le Conseil constitutionnel aura statué sur les recours que s'apprêtent à déposer les députés communistes et socialistes contre le volet concernant les logements "accessibles" aux handicapés. Pour rappel, dans sa première version, le texte prévoyait le passage de 100% à 10% de logements accessibles aux personnes handicapées dans la construction neuve. Les députés avaient voté cette mesure, mais les sénateurs ont opté pour un quota de 30%. En commission mixte, sénateurs et députés se sont donc mis d'accord à 20%.
Dans l'esprit du gouvernement, la loi a pour objectif de "faciliter la construction et la rénovation du parc bâti, de redonner la nécessaire confiance aux acteurs de l’aménagement et du bâtiment et d’accompagner une société en mouvement". Elle comporte 3 axes : améliorer l’accès au logement, améliorer le cadre de vie en dynamisant l’aménagement des territoires, enfin simplifier les normes et faciliter la construction.
Sur le premier axe, une partie des mesures concerne le parc privé :
- encouragement du bail numérique au bénéfice des locataires du parc privé : moins de papier, plus de rapidité. Les annexes au contrat de location seront dématérialisées, la caution pourra l’être également. La loi prévoit aussi d’agréer les professionnels qui utilisent des outils numériques pour éditer les contrats de location ; le gouvernement rappelle que cette mesure est accompagnée de l'extension du dispositif Visale, la caution locative : un véritable coup de pouce pour les jeunes et salariés précaires, une garantie gratuite pour les propriétaires : la garantie couvre jusqu’à 3 ans d’impayés;
- création d’un nouveau type de résidence pour les jeunes dans un logement social : adapté aux nouveaux modes de vie et notamment des plus jeunes, il permettra d’accueillir aussi bien des étudiants que de jeunes actifs et les accompagner dans leur transition vers une situation professionnelle ;
- réorganisation de l'observation de l’évolution des loyers privés et rétablissement - à titre expérimental et pour 5 ans - de la possibilité pour certaines collectivités (dont Paris) d'encadrer les loyers avec une approche qui évitera les avanies judiciaires qui avaient bloqué l'encadre première manière...
- création d'un bail mobilité pour faciliter la location de logements aux étudiants ou professionnels en mobilité : contrat de location meublée de 1 à 10 mois uniquement renouvelable dans ce délai et sans dépôt de garantie ;
- encadrement de la location touristique dans les grandes agglomérations afin qu’elles ne réduisent pas l’offre locative privée : sanctions accrues contre les propriétaires et nouvelles amendes pour les plateformes en ligne ne respectant pas leurs obligations ;
- amélioration et coordination des procédures de prévention des expulsions et de surendettement.;
- possibilité de réquisitionner des bureaux vacants pour héberger les sans-abris : cette mesure qui aura un effet à court terme est complémentaire du plan "Logement d’abord" qui a pour ambition de diminuer de manière significative le nombre de personnes sans domicile d’ici 2022 ;
Mais la plus grande partie du texte sur ce plan concerne le parc social, où il s'agit de mettre en place les moyens pour les organismes HLM de survivre à la baisse des loyers imposés pour compenser la baisse des APL des locataires sociaux :
- forçage du regroupement des organismes HLM, en principe pour une meilleure efficacité dans leur gestion et pour permettre théoriquement de construire et rénover plus de logements sociaux, par une mise en commun des moyens ;
- simplification de la vente des logements sociaux, en vue de dégager l'autofinancement qui compense celui qui aura été perdu par la baisse des loyers ;
- renforcement de la mobilité dans le parc social : réexamen de la situation des locataires HLM tous les 3 ans "pour leur permettre d’obtenir un logement mieux adapté à leurs besoins" ;
- ouverture plus large des possibilités de partager un même logement social sur la base du volontariat (colocation).
L'amélioration du cadre de vie doit quant à elle se faire en dynamisant l’aménagement des territoires :
- création, pour faciliter la revitalisation des centres-villes, d'un nouveau contrat intégrateur unique, l’opération de revitalisation de territoire (ORT), à utiliser dans le cadre du programme Action cœur de ville ; 222 villes vont dans le cadre de ce programme bénéficier de cinq milliards d’euros sur cinq ans ; ses axes sont l'habitat, le commerce, la création d’emplois, les transports et la mobilité, l'offre éducative, culturelle et sportive, la qualité des sites d’enseignement, le développement des usages des outils numériques…
- l'accélération et la facilitation de l’accès à Internet : le plan gouvernemental de déploiement du numérique vise le développement du très haut débit pour tous d’ici 2022 et une couverture mobile de qualité généralisée dès 2020 sur tous les territoires ; la loi allège les procédures que doivent suivre les opérateurs pour accélérer le déploiement ;
- la lutte contre l’habitat indigne en sanctionnant les marchands de sommeil : signalement, confiscation, astreinte administrative, interdiction d’acheter… Les marchands de sommeil pourront désormais être poursuivis par le fisc au titre de la présomption de revenus, au même titre que les trafiquants de drogue. Leurs biens pourront être confisqués de façon systématique et ils auront interdiction d'en acheter de nouveaux pendant dix ans. Ils feront l’objet d’astreintes administratives tant qu’ils ne font pas les travaux nécessaires ;
- une réforme de la loi sur la copropriété, essentiellement par habilitation à légiférer par ordonnance ; mais les sénateurs ont tenu à introduire tout de suite dans la loi quelques dispositions, en attendant... Ces mesures et celles à venir sont accompagnées d'un effort de coordination des actions de redressement des copropriétés dégradées, dans le cadre du "Plan Initiative copropriétés" lancé également le 16 octobre, avec la mobilisation de près de 3 milliards d’euros sur 10 ans ; cette politique fait l’objet d’un partenariat entre les opérateurs de l’Etat, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), ainsi que d’autres acteurs d’envergure comme Action Logement et le réseau Procivis ;
- l'accélération de la rénovation énergétique : l’obligation d’économies d’énergie dans les bâtiments tertiaires dispose enfin d’un cadre juridique clair et sécurisé.
Enfin, le troisième axe de la simplification des normes et facilitation de la construction doit passer par :
- l'instauration du "permis d’innover", c'est à dire la possibilité de déroger à des normes de construction si la technique utilisée arrive au même résultat ;
- la suppression de l'obligation de construire 100% de logements accessibles mais seulement 20%, les autres devant être évolutifs, c'est à dire pouvoir s’adapter facilement aux besoins des habitants tout au long de la vie (sans dire à la charge de qui...) ;
- l'assouplissement de la protection du patrimoine : un permis de construire pourra désormais être délivré sans l’accord de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), dans deux cas particuliers : l’habitat indigne jugé dangereux ou insalubre et le déploiement du très haut débit ;
- l'accélération du traitement des recours et la lutte contre les recours abusifs : l’objectif est de limiter les délais de jugement des contentieux d’urbanisme à 10 mois au lieu de 24 mois ;
- l'assouplissement de la loi littoral pour permettre le comblement des "dents creuses", et le développement des exploitations de conchyliculture ou des installations d’énergie renouvelable sur certaines îles ;
- la facilitation et l'incitation à la transformation des bureaux vacants en logements : d’ici fin 2020, au moins 500.000 m2 de bureaux devraient être transformés en logements ;
- l'adaptation et la simplification du cadre juridique pour la construction de logements sociaux, avec notamment la dispense du concours d'architecture imposé par la loi CAP ;
- la simplification des procédures d’aménagement et l'accompagnement des collectivités territoriales grâce à des nouveaux dispositifs : projet partenarial d’aménagement (PPA), grande opération d’urbanisme (GOU) et opération de revitalisation du territoire (ORT) ;
- la simplification par voie d'ordonnance de l’urbanisme pour plus de lisibilité et une meilleure appropriation par les élus locaux.
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