Le plan "Initiatives copropriétés" présenté le 10 octobre, à la préfecture de Marseille par Julien Denormandie visait la résorption de 684 copropriétés en difficulté, réparties sur 14 sites avec un engagement de 2,740 milliards sur 10 ans. Pour Julien Denormandie alors Secrétaire d’État auprès du ministre Jacques Mézard Ministre de la Cohésion des territoires, il s’agissait d’intervenir de façon accélérée, par la rénovation – restructuration, sur les copropriétés en difficulté, dont prioritairement les ensembles immobiliers très dégradés et dégradés, afin de permettre à leurs habitants de retrouver des conditions de vie normale.
A Marseille, cinq copropriétés parmi les 128 identifiées sur les 14 sites en "suivi national" ont été choisies en fonction de l’urgence de leur situation et sont inscrites dans ce nouveau programme : le Parc Kallisté (753 logements), le Parc Corot (376 logements), la cité Bellevue (444 logements), l’ensemble immobilier Bel Horizon (133 logements) et la cité Maison Blanche (236 logements).
Les deux immeubles qui se sont effondrés, lundi à Marseille, ne figurent pas dans cette liste ! Une sixième victime a été retrouvée mercredi alors qu'un nouvel immeuble a été évacué dans le même temps pour péril imminent, rue Pythéas dans le quartier de l'Opéra. Si ces immeubles ne figurent pas dans la liste des immeubles prioritaires dégradés du gouvernement, on n'ose pas imaginer l'état de ceux qui y sont et des risques encourus par leur population !
Il est déjà évident, que les 684 copropriétés en difficulté répertoriées par le gouvernement ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. Une étude, menée conjointement avec l’Anah et le ministère de la cohésion des territoires recensait "en 2014, environ 100.900 copropriétés, soit 15 % du parc représentant environ 1 million de logements, qui présentaient des signes de fragilité et pourraient basculer dans des difficultés très importantes dans les années à venir". Rien qu’à Marseille, le rapport dit Nicol (1), établi par Christian NICOL, Inspecteur général honoraire de l’administration du développement durable, en mai 2015 établissait que "parmi les 20.000 copropriétés présentes à Marseille, on estime que 6.000 d’entre elles sont fragiles, dont une grande partie située dans le centre ancien et les quartiers Nord". Le rapport dénonce "un parc privé indigne et dégradé d’une rare ampleur, une situation critique". La fondation Abbé Pierre n’aurait pas fait mieux, celle-ci alerte et lutte depuis des années contre l’habitat indigne et prêche inlassablement une action résolue de lutte contre l’habitat indigne avec des moyens adéquats.
La tragédie de la rue d’Aubagne à Marseille, ce 5 novembre, démontre cruellement le monde du réel et l’ampleur de la dégradation du parc immobilier Français. L'engagement des presque 3 milliards du plan "Initiatives copropriétés" prévu initialement pour 684 copropriétés devra être revu largement à la hausse si le gouvernement prend la mesure du potentiel de dangerosité d’un parc de 100.900 copropriétés recensées en 2014 comme déjà fragiles.
Des chiffres plus récents devraient être communiqués en 2019 par l'Anah. En effet, La loi ALUR du 24 mars 2014 a instauré un registre d’immatriculation des copropriétés afin de faciliter la connaissance des pouvoirs publics sur l'état des copropriétés et la mise en œuvre des actions destinées à prévenir la survenance des dysfonctionnements. Toutes les copropriétés de France devraient être immatriculées au 31 décembre 2018 au plus tard.
Théoriquement, l’Anah, en charge de ce registre, sera en mesure d'établir, au niveau national, l’état du parc des copropriétés. Au 30 juin dernier, seules 208.137 copropriétés immatriculées sur environ 534.000 estimées par l'INSEE. Mais ce qui apparaîtra du registre est plus l'état financier de la copropriété que l'état de son bâti, sauf si des arrêtés de péril ou d'insalubrité ont été émis car ils doivent y figurer. Autrement l'état de dégradation, notamment des structures, peut être ignoré, même du syndic. Tous les immeubles dont l'ossature porteuse n'est pas en béton armé sont susceptibles de cacher des risques de rupture pouvant entraîner l'effondrement. En particulier ceux dont les planchers et les refends internes sont en bois, c'est à dire pratiquement la totalité du parc construit avant les années 1880-1890, y compris les immeubles cossus des beaux quartiers ! Les propriétaires et occupants de ces immeubles ont tous depuis une cinquantaine d'années construit au fil du temps des salles d'eau et sanitaires rarement réalisés dans les règles de l'art en termes d'étanchéité. Ces installations ont créé des infiltrations et humidités qui ont lentement dégradé le bois par développement de champignons, pouvant réduire à néant sa capacité porteuse.
L'annonce de la mairie de Marseille de lancer un audit de tout son quartier ancien est une bonne initiative. Mais c'est tout le parc immobilier ancien qui devrait faire l'objet d'inspections approfondies avec sondages des structures. Il est probable qu'en procédant ainsi, des situations de péril soient détectées dans des dizaines de milliers d'immeubles. Autrement, ce type d'effondrements est appelé à se reproduire de plus en plus fréquemment, car c'est maintenant que l'effet de la création de ces sanitaires va se concrétiser avec leur vieillissement ! L'ampleur de la dégradation de ce parc ancien est dans ce cas appelée à devenir un problème majeur de sécurité publique !
(1) : rapport établi par Christian NICOL, Inspecteur général honoraire de l’administration du développement durable- mai 2015 -
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