Dans l'objectif de la création d’un "choc d’offre de logements", le Premier ministre Édouard Philippe avait confié en décembre 2018 au député LREM de la Haute-Garonne Mickaël Nogal, une mission d’analyse et de propositions pour une évolution du modèle des agences immobilières en France dans le cadre de la location. Son rapport, présenté le 18 juin comportait 37 propositions. Après les avoir longuement débattues avec les professionnels et les organisations de propriétaires, le député a présenté ce 14 janvier 2020 à la presse les grandes lignes de la proposition de loi qu'il s'apprête à déposer, issue de son rapport, et qui comporte trois mesures phares visant à "réconcilier les locataires et les propriétaires".
La première vise à remédier à un problème endémique de la location : la non restitution par le propriétaire en fin de bail du dépôt de garantie ; selon les statistiques du ministère de la Justice, 65% des litiges entre propriétaires et locataires y trouveraient leur source ! Par crainte de se voir privés de cette somme à la sortie de la location, beaucoup de locataires font le choix depuis des lustres de ne pas payer le dernier mois de loyer, privant dans les faits les propriétaires de toute garantie. Pour mettre fin à cette méfiance réciproque, la proposition de loi prévoit que tout locataire devra confier son dépôt de garantie à un professionnel de l’immobilier, qui consignera ces fonds et les restituera, à la fin du bail, sur la base d’un accord entre propriétaire et locataire.
A noter que la proposition de loi répond à la demande des professionnels que la conservation des dépôts de garantie leur soit attribuée, alors que le rapport proposait une consignation obligatoire auprès d’un organisme agréé (régime inspiré des dispositions mises en place au Royaume-Uni).
La deuxième mesure vise à mettre un coup d'arrêt à la tendance de beaucoup de propriétaires d'exiger, pour consentir une location, des garants multiples, y compris à des locataires ne présentant aucun problème de solvabilité. L’accès au logement est ainsi devenu un parcours du combattant pour de nombreux locataires, alors que la caution personne physique, système de garantie le moins fiable juridiquement, est aussi le mode le plus injuste socialement. Pour mettre fin à ces abus, les propriétaires ne pourront plus demander plus d’un garant personnel à leurs locataires. Cette mesure vise de surcroît à limiter le recours à la caution personnelle au profit de nouvelles solutions, plus justes et plus fiables pour les locataires comme les propriétaires.
Enfin, la troisième mesure vise à mieux sécuriser les propriétaires contre les risques d'impayés et de détériorations immobilières, la crainte de l’impayé et de la détérioration engendrant les comportements parfois irrationnels voire illégaux constatés trop fréquemment de la part des propriétaires, en particulier lorsqu'ils sont en relation directe avec leurs locataires. Par ailleurs, l'exposé des motifs de la proposition de loi souligne que 2 propriétaires sur 3 préfèrent gérer leur location de particulier à particulier plutôt que de recourir aux services des professionnels, les services proposés aujourd’hui ne répondant pas pleinement aux attentes des propriétaires et des locataires. Pour cela, la proposition de loi créera un nouveau mandat de gestion à proposer par les administrateurs de biens, assurant aux propriétaires de percevoir leurs loyers et charges tous les mois quoi qu'il arrive, que le locataire les ait réglés ou pas ! Ce nouveau mandat intégrera également la prise en charge d’éventuelles dégradations ou des frais de procédure. A noter toutefois que d'obligatoire dans le rapport, ce nouveau mandat est devenu facultatif dans la proposition de loi.
Reste à savoir si les professionnels, qui peinent à obtenir des propriétaires particuliers un mandat de gestion pour plus d'un tiers des biens sur le marché locatif privé, se saisiront de ce nouveau mandat de "garantie totale" dès lors qu'il est devenu facultatif, eux qui ont déjà du mal à "vendre" l'assurance loyers impayés sur plus de 10 à 15% des biens gérés. Les réactions très mitigées qui ont été relevées à diverses occasions au cours des débats ne laissent pas l'augurer facilement...
Le texte devrait être déposé avant la fin janvier à l'Assemblée nationale, examiné au Parlement en mai et, « si tout va bien », a précisé le député, adopté définitivement pour une application au 1er janvier 2021.
|