Si les bailleurs de logements ou de locaux commerciaux, souvent endettés au delà de toute prudence pour investir, ont des raisons de s'inquiéter de la continuité du paiement des loyers par leurs locataires, il est une catégorie qui en a encore plus de se sentir menacée par la crise du coronavirus : celle des investisseurs en résidence de tourisme. Ils ont conclu des baux commerciaux avec un gestionnaire de résidence et pensaient pouvoir compter sur un loyer sans risque, quel que soit son taux de remplissage. Or Le Figaro vient d'alerter sur le fait que, au moins pour les résidences de montagne, des sociétés de gestion, voyant la saison d'hiver brutalement interrompue par le confinement et craignant pour la saison d'été, arrêteraient de payer le loyer.
Selon Christine Lorenzini, présidente de la Fédération nationale des associations de propriétaires en résidence de tourisme (FNAPRT), interrogée par Le Figaro, "ils veulent l’annulation pure et simple des loyers à verser aux propriétaires pendant toute la durée du confinement." La plupart de ces propriétaires auraient reçu un message de leur gestionnaire, à l’image de celui envoyé à ses bailleurs par l'un de ces opérateurs, Odalys, qui argumente ainsi : "À partir du moment où nous sommes dans l’impossibilité totale d’utiliser le bien pour des raisons indépendantes de notre volonté, liées à la crise sanitaire actuelle, nous n’avons pas d’autre choix que d’interrompre le paiement du loyer qui est la contrepartie d’une exploitation normale". Et d'annoncer, pour la période allant de janvier à mars inclus, le paiement des loyers prorata temporis jusqu’au 13 mars, et pour la période postérieure, une interruption totale jusqu’à ce que les activités puissent "reprendre dans des conditions normales, les mesures gouvernementales ayant été levées"...
Côté propriétaires, cette position est inacceptable, mais les possibilités d'action sont limitées. Ils peuvent évidemment demander en justice une résiliation du bail, puisqu'ils disposent de baux fermes. Mais avec l'arrêt de l'appareil judiciaire, ils ne peuvent espérer une décision rapide, et en cas de résiliation, ils se retrouvent à devoir gérer eux-mêmes leur bien... Du coup, la FNAPRT appelle les propriétaires à ne pas se diviser en agissant seuls, et à rester regroupés en association de propriétaires, seule manière de peser dans les négociations avec les gestionnaires.
Selon ces propriétaires, la démarche des gestionnaires serait abusive: les gestionnaires vendent leurs séjours à l’avance, ils ont déjà encaissé les recettes, souligne Me Jacques Gobert, l'avocat de l'association. Et dans le même temps, la quasi-totalité des enseignes ont mis leur personnel au chômage partiel et pourraient même être exonérées de charges. Ces entreprises auraient donc de la trésorerie et n’auraient aucune raison de ne pas verser de loyers. Il dénonce l'attitude des gestionnaires qui ont beau jeu de renvoyer les propriétaires endettés vers leurs banques pour négocier un étalement de leur crédit, "une autre façon de laisser ces derniers se débrouiller entre eux et payer eux-mêmes les pots cassés". A leur décharge, les gestionnaires de ces résidences font face, comme l’ensemble du secteur du tourisme, à la perspective de semaines voire de mois d’inactivité totale. Et par ailleurs, les séjours vendus non effectués devront être au mieux échangeables sur une période de 18 mois, voire remboursés à l’issue de laps de temps.
Du coup, les pouvoirs publics sont appelés à la rescousse : afin de rapprocher les positions des uns et des autres des discussions seraient prévues prochainement, rassemblant les pouvoirs publics, les gestionnaires et les représentants des propriétaires. Si la question des résidences de tourisme est particulièrement sensible, des difficultés pourraient par la suite toucher les résidences étudiantes voire les résidences seniors si la crise sanitaire s’étend sur une longue période, avertit Le Figaro...
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