Dans une étude diffusée le 15 avril 2020 par l’Institut de recherche économique et sociale (Ires), on peut lire qu’entre "6 et 7 millions de personnes" peuvent avoir des difficultés à payer leurs dépenses de logement, ou avoir à sacrifier d’autres dépenses pour payer leur loyer ou rembourser un crédit immobilier. Ces données ont été établies sur le fonds documentaire de l'enquête Logement de 2013 de l’INSEE et d’une étude de la Fondation Jean Jaurès parue le 15 avril 2020. L'Ires dénombre ainsi 12,4 millions d’actifs "potentiellement à risque", dont les ressources dépendent majoritairement d’un revenu d’activité. Parmi ceux-là, 35% n’ont pas perçu l’intégralité de leur rémunération à la suite du confinement, d'après la Fondation Jean Jaurès. Ainsi, l'Institut "conclut que 4,3 millions de ménages se trouvent à risque à raison de 3,6 millions qui devront honorer leurs dépenses fixes de logement avec des revenus d’activité en baisse et 700 000 en l’absence de tout revenu d’activité". L’Ires a montré que la crise sanitaire n’a pas que des conséquences sur les commerçants, mais aussi sur les ménages.
Côté bailleurs privés, on fait pour le moment le dos rond, sachant que les propriétaires ne pourront pas en cas d'impayé demander la résolution du bail pendant la période protégée, soit pour le moment du 12 mars au 24 juin 2020, et peut-être au delà si l'état d'urgence est prolongé. Côté bailleurs sociaux, Marianne Louis, directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH) suggère, quant à elle aux locataires, de faire recalculer les droits à l'Aide personnalisée au logement (APL) et de déposer un dossier auprès du Fonds de solidarité logement (FSL).
Le 23 avril 2020, 15 propositions d'actions attenant à l'offre et à l'accès au logement ont été transmises par le Conseil national de l’habitat (CNH) au ministre de la ville et du logement, Julien Denormandie. Le CNH demande en premier lieu que le moratoire sur les délais d'expulsion soit prolongé du 31 mai au 31 octobre. Pour amortir la charge des bailleurs, l'instance propose de transférer le contrôle du fonds d’indemnisation des bailleurs du ministère de l'intérieur à celui du logement et qu'il soit abondé. Le CNH requiert par ailleurs, avec la Fondation Abbé Pierre et la Confédération nationale du logement (CNL), un fonds national d’aide à la quittance de 200 millions d’euros pour compléter le Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Il appelle également à "mieux mobiliser les dispositifs de garantie locative existants" vers un dispositif global de "mutualisation des risques face aux impayés de loyer dans le parc privé". Une reprise en somme de l'idée de la GUL (garantie universelle des loyers), créée par la loi ALUR de 2014, et morte-née avec le départ du ministère de Cécule Duflot...
Le CNH propose aussi notamment que soit programmé un "plan d’urgence pour faire appliquer la loi Dalo (Droit au logement opposable)" ainsi que l’indexation des aides personnalisées au logement (APL) sur l’inflation. La CNL souhaite entre autre le réengagement de l’État dans le financement de l’ANRU et un abondement du Fond national d’aide à la pierre (FNAP) "à hauteur de 1 milliard d’euros", afin d’accroître la production de logements sociaux pour les plus modestes, comme le demande l’USH qui propose en effet de faire passer la production de prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) de 40.000 à 60.000 logements par an, de supprimer la réduction de loyer solidarité (RLS) et un retour généralisé à une TVA à 5,5%. La directrice générale de l’USH, Marianne Louis, redoute en effet "un mouvement de précarisation des salariés, qui compliquera à nouveau l’accès au logement et reportera encore plus de demandes sur le parc social". Elle estime qu’une plus forte régulation du parc privé sera nécessaire pour éviter l’exclusion d’un nombre croissant de ménages en maintenant les efforts envers les publics éligibles au droit au logement opposable (Dalo). "Pour ce faire, il est indispensable de conforter les intercommunalités dans leur rôle de pilote des politiques locales de l’habitat et des politiques de gestion de la demande et des attributions", note l'USH...
Le député LREM du Val-d'Oise, Aurélien Taché, parmi 15 propositions formulées pour une politique du logement basée sur le "zéro expulsion", a plaidé en faveur de plusieurs de ces mesures. Prévoyant des "difficultés nouvelles d'impayés de loyers dans les semaines qui viennent" et estimant qu’ "à la fin du confinement, l'accès ou le maintien dans un logement décent sera sans doute la première des priorités", il juge nécessaire de retravailler les mécanismes qui peuvent faciliter l’accès à des logements décents. Il suggère d’augmenter le fonds d'indemnisation des propriétaires pour éviter au maximum les expulsions locatives. Il souhaite en outre la création d'un "fonds national d'aide à la quittance, doté au minimum de 200 millions d'euros". Il propose de "renforcer l'information auprès des ménages sur les aides au logement disponibles", et de « mettre en place un dispositif de mutualisation des risques face aux impayés de loyers dans le parc privé". L'élu aimerait enfin voir mettre en oeuvre un plan national de lutte contre l'habitat indigne et "prolonger le moratoire sur les procédures d'expulsion des locataires de bonne foi jusqu'au 31 octobre 2020"...
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