Attaqués depuis plusieurs années par les milieux économiques qui leur reprochent une concurrence déloyale avec le secteur immobilier marchand, les bailleurs sociaux n'ont pas tardé, dès la mise en place du confinement, à apporter la preuve de leur utilité sociale, à la fois en mettant en place des structures d'écoute des difficultés financières de leurs locataires, ou par toutes sortes d'initiatives pour lutter contre l'isolement des personnes fragiles.
L'Aorif (qui rassemble les bailleurs sociaux d'Ile-de-France) a recensé les organismes ayant mis en place des actions à destination de leurs locataires les plus fragiles, en particulier les seniors, mais aussi les personnes en situation d'isolement ou de handicap. De nombreuses équipes des organismes - gardiens, employés d'immeubles et conseillers sociaux - se sont organisées pour passer des appels de 20 à 30 minutes, "afin de garder un lien, de lutter contre l'isolement en les rassurant, en rappelant les consignes sanitaires et en les orientant vers les bons services des collectivités et des partenaires", selon l'Aorif, qui cite Batigère, Adoma, Elogie-Siemp, Emmaüs Habitat, Erigère, Gambetta, ICF Habitat La Sablière, IDF Habitat, l'OPH d'Aubervilliers, l'OPH de Villejuif, Poste Habitat, RIVP, Seine-Saint-Denis Habitat, ou encore Seqens. Du côté de Paris Habitat, ce sont 30.000 appels qui auraient été menés mi-avril selon le bailleur, en partenariat avec la Protection civile.
CDC Habitat indiquait de son côté le 23 avril avoir lancé une campagne d'appels de vigilance auprès de plus de 45.300 locataires âgés de plus de 70 ans. ICF Habitat (SNCF Immobilier), faisait de même dès le 15 avril, annonçant avoir "multiplié" les initiatives pour "renforcer le lien avec les locataires, en particulier les personnes seules ou âgées".
D'autres comme Clésence (groupe Action Logement) ont mis en place une cellule d'aide avec une ligne téléphonique dédiée.
Sur le plan financier, les bailleurs sociaux ne s'attendent pas forcément à une explosion des impayés. Tel est le cas de la Fédération des ESH (entreprises sociales de l'habitat), qui ne gèrent pas, il est vrai, la part la plus "sociale" du parc HLM. Elles se contentent d'accompagnement personnalisé. Les offices publics communaux, métropolitains ou départementaux, sont plus exposés, particulièrement dans les secteurs difficiles comme la Seine-Saint-Denis. Le maire de Bobigny, Stéphane de Paoli, s'est même engagé, le 23 avril, à annuler l'ensemble des loyers du mois d'avril pour les 4.000 locataires de son office public de l'habitat (OPH), pour "privilégier le pouvoir d'achat des familles". Mesure à financer à 50% par la Ville et à 50% par l'OPH. Mais ce dernier, qui n’est plus sous la tutelle de la mairie depuis le 1er janvier 2019, émet de sérieux doutes et refuse de l’appliquer. "Cette annonce, qui est du ressort du seul conseil d’administration de l’OPH et non de la ville, a expliqué son président dans un courrier aux locataires. Elle fragiliserait la structure financière de l’OPH, selon lui. Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, favorable à "un dispositif ciblé pour aider les personnes en difficulté", a jugé la mesure "un peu démesurée, dans le sens où la plupart des locataires n'ont pas de baisse de revenus"...
De son côté, Paris Habitat a décidé, sur décision de la maire Anne Hidalgo, un moratoire sur les contentieux liés aux difficultés de paiement de loyers du fait de la crise, pour tous les locataires concernés, et a également décidé de modifier la régularisation des charges qui a habituellement lieu au mois de juin. S'il est débiteur, le locataire se verra reporter son rappel de charges sur l'avis d'échéance du 1er juillet, tout en bénéficiant des aides mises en place par l'Office pour en faciliter le règlement. S'il est créditeur, le locataire à jour de ses loyers bénéficiera d'une anticipation du remboursement de son solde de charges, qui viendra en déduction de l'avis d'échéance du 1e mai au lieu du 1e juin.
Ainsi que le rapportent nos confrères de Batiactu, plusieurs bailleurs sociaux sont allés plus loin qui l'assistance aux locataires en difficulté. L'Aorif indiquait par exemple, le 14 avril, que 3F, RIVP et Vilogia avaient mis des logements à disposition des soignants. Certains bailleurs ont noué des partenariats afin que ces logements soient meublés et utilisables dans l'immédiat. 3F précise que 45 appartements, soit 75 lits à proximité des hôpitaux, ont été proposés aux soignants.
Le groupe Gambetta a décidé de son côté de maintenir une résidence hôtelière ouverte en renonçant à en percevoir les loyers pour une période initiale de deux mois. L'association Fac Habitat, qui gère la résidence, peut ainsi loger environ 300 personnes, migrants ou sans domicile fixe. L'organisme Seqens a sollicité sa filiale Seqens Solidarités pour mobiliser un ex-Ehpad afin de venir en aide aux personnes sans domicile fixe ou logées dans des structures d'hébergement d'urgence touchées par le Covid-19.
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