Les syndics de copropriété se souviendront longtemps de leur saison d'assemblées générales de 2020 ! Ils auront en effet pris de plein fouet le report et les contraintes liées à la crise sanitaire du coronavirus, puis la nécessité depuis le 2 juillet de permettre aux copropriétaires de voter par correspondance, ce qui va s'avérer tout sauf anodin !
La pandémie Covid-19 leur a fait reporter une saison entière d'assemblées ! Alors qu'ils ont souvent du mal à boucler chaque année le planning des assemblées qui doivent se tenir au 1er semestre - ce sont celles des copropriétés, majoritaires, dont les comptes sont arrêtés au 31 décembre -, ils vont devoir les tenir en quatre ou cinq mois à partir de septembre en même temps que celles qui se tiennent habituellement à l'automne : celle des copropriétés à exercices décalés au 30 juin ou au 30 septembre.
Certes, le gouvernement a fait le nécessaire pour que juridiquement les syndics ne soient pas rattrapés par l'échéance de leur mandat : après plusieurs tâtonnements, la dernière ordonnance en vigueur permet un renouvellement automatique des contrats de syndic expirant ou ayant expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juillet 2020 inclus, et la prise d'effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires, qui devra intervenir au plus tard le 31 janvier 2021. Le même principe est au passage appliqué aux mandats des membres des conseils syndicaux.
Cependant, la situation créée par l'épidémie complique encore plus les choses : il trouver des salles plus grandes pour permettre la distanciation et équipées sur le plan sanitaire, et si de trop nombreux copropriétaires sont réticents à se déplacer, leur proposer des solutions de participation à distance, alors que des solutions techniques fiables ne sont pas encore disponibles. Certes, la législation avait autorisé la participation des copropriétaires aux assemblées par visioconférence "ou tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification", mais il fallait que cette possibilité soit décidée par une assemblée tenue classiquement, et les syndics professionnels n'avaient pas encore eu le temps de s'y préparer, alors que les textes réglementaires n'étaient sortis qu'en juin 2019. Là aussi le gouvernement a essayé de leur faciliter la tâche, en leur permettant, jusqu'au 31 janvier 2021, de décider de recourir à la visioconférence sans décision préalable de l'assemblée, et même de faire des assemblées sans aucune participation physique des copropriétaires. Egalement, pendant cette période, un copropriétaire pourra recevoir des délégations de vote jusqu'à détenir 15% des voix du syndicat, au lieu de 10% depuis novembre 2018, et 5% auparavant...
Enfin, cerise sur le gâteau pour les syndics, il leur faut à présent intégrer la possibilité de voter désormais par correspondance, la possibilité devant être donnée aux copropriétaires pour toutes les assemblées convoquées à compter du 3 juillet ! On dira que c'est un bon remède contre la réticence à se déplacer et les risques de diffusion du coronavirus. Les syndics ont même, jusqu'au 31 janvier 2021, la possibilité, "lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible", d'organiser une assemblée intégralement en vote par correspondance.
Mais contrairement aux apparences, le vote par correspondance va modifier en profondeur la préparation et la tenue des assemblées, et poser de redoutables questions aux syndics et aux copropriétaires. Alors qu'une assemblée est en principe un lieu de débat, où sous réserve de rester dans l'esprit et le cadre des projets de résolution, les décisions proposées peuvent être modulées suivant la volonté majoritaire des copropriétaires, avec le vote par correspondance, les résolutions annexées à l'ordre du jour, et relativement auxquelles les votants pourront cocher sur le formulaire "pour", "contre" ou "abstention", devront être fixées au dernier détail près. En cas d' "amendement" d'une résolution par les copropriétaires présents en assemblée, les votants par correspondance ayant voté favorablement sur le texte initial pourront en effet contester la décision prise, ce qui est somme toute logique. Pour l'éviter, les assemblées risquent en conséquence de se transformer en chambres d'enregistrement de décisions pré-formulées, si ce n'est en chambres de rejet systématique...
Même le nom du président et des scrutateurs proposés devra figurer sur le formulaire de vote, ainsi que celui des candidats à l'élection en tant que membre du conseil syndical. Les propositions de travaux devront être proposés en autant de variantes que l'on proposera au choix des copropriétaires, etc.
Bref, en attendant que syndics et copropriétaires s'habituent aux nouvelles règles, les assemblées de 2020 et 2021 risquent de ne pas être simples...
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