La très influente Association des responsables de copropriétés (ARC) n'est pas pour la précipitation pour mettre les piscines collectives dans les copropriétés aux normes de sécurité obligatoires depuis le 1er mai 2004, dès lors qu'une piscine peut être accédée dans le cadre d'une location saisonnière (notre brève) : de peur de voir les syndics effectuer les travaux de mise en sécurité à la "va-vite", elle encourage ses adhérents à refuser les mises en sécurité avant le 1er janvier 2006, date à laquelle elles seront obligatoires pour tout le monde !
Remarquons qu'en préconisant cette temporisation, l'ARC fait fi de l'intérêt d'une mesure qui, au demeurant tardive, a été motivée par la constatation chaque année d'un nombre inacceptable d'accidents, la plupart du temps mortels, de jeunes enfants.
Mais elle ne s'arrête pas là : répondant par avance à l'incompréhension des copropriétaires qui donnent leurs appartements ou maisons en location pour l'été et qui se retrouvent sans cette mise aux normes hors la loi, l'ARC a une solution imparable : ils n'ont qu'à insérer dans leurs baux une clause interdisant d’accéder à la piscine !
L'ARC fait même plus : elle conseille aux syndics, pour dégager leur responsabilité, de faire "poser un panneau à l’entrée de la piscine rappelant que la piscine est interdite aux personnes qui louent, dans la mesure où cette piscine n’est pas encore sécurisée"...
Mesure évidemment très commerciale qui sera à n'en pas douter très appréciée si elle est appliquée par quelque professionnel suicidaire !
Il a dû certainement échapper aux dirigeants de l'ARC, en général mieux inspirés mais probablement nordistes, que les locations avec piscine (utilisable) sont un peu plus chères que celles qui n'en sont pas assorties, et que les copropriétaires obligés d'interdire la piscine à leurs locataires - solution au demeurant peu réaliste et qui ne les exonère probablement pas des risques de sanctions pénales - pourraient demander à leur très péremptoire association de prendre en charge le manque à gagner sur deux saisons de location...
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DROIT DE REPONSE:
Comme suite à la mise en ligne de cette information, l'ARC par la plume de son directeur, Bruno Dhont, a souhaité faire la mise au point suivante :
"1° L'ARC ne fait que rappeler que la date, pour les copropriétés, est le 1er janvier 2006 et non le 1er mai 2004.
"2° L'ARC informe ses adhérents afin de ne céder à aucun coup de force de certains syndics, par ailleurs mandataires de loueurs saisonniers, qui essaieront, ici et là, d'imposer des travaux aux copropriétés.
"3° L'ARC n'est pas "nordiste" mais bien "nationale" et défend ses adhérents du sud contre la stupidité de textes baclés et l'appétit de certains syndics.
"4° L'ARC supplie universimmo de ne pas faire de "chantage à l'accident" et le prie de répondre à cette question: combien y-a-t-il eu d'accident mortel la saison dernière dans une piscine de copropriété?
Réponse: aucun, les seuls accidents ayant eu lieu dans des piscines situées dans des résidences pavillonnaires.
"5° Si certains syndics ou loueurs saisonniers veulent engager la responsabilité du gouvernement pour le manque, éventuel, à gagner, nous les soutiendrons. Mais prétendre que les copropriétés devraient faire des travaux chers et en urgence pour éviter le manque à gagner d'investisseurs est plutôt singulier."
NOTRE REPONSE :
Cette réaction nous renforce dans notre étonnement de voir une association, dont nous mettons souvent en valeur la pertinence, et qui a acquis une influence certaine auprès des copropriétaires, enfourcher aussi indifféremment les bonnes et mauvaises causes, ce qui n'est malheureusement pas la première fois :
- sur le "chantage" à la sécurité : nous nous contenterons de rappeler que la loi du 3 janvier 2003 a été motivée entre autres par un avis de la Commission de sécurité des consommateurs dont la lecture est édifiante, et qui révèle à quel point les pouvoirs publics ont été longs à réagir ; avec toutefois une remarque quant au raisonnement curieux qui sous-tend la question posée : à partir de combien de décès l'ARC considérerait qu'il faut faire quelque chose : 2, 10, 100 ? Ne reproche-t-on pas assez aux autorités de ce pays de n'agir que lorsque l'accident s'est produit ?
- sur la date à laquelle la législation devient obligatoire pour les piscines installées avant le 1er janvier 2004 : nous restons pétrifiés par la considération que les copropriétaires qui louent leur appartement ne sont pas des copropriétaires comme les autres ! Nous croyions jusqu'ici que dès lors qu'une législation s'imposait à une partie au moins des copropriétaires, le syndicat avait le devoir de s'y conformer, faute de quoi les copropriétaires lésés pouvaient mettre en cause sa responsabilité pour le préjudice subi par l'impossibilité d'user librement de leur lot conformément à la destination de l'immeuble, dont la piscine fait partie (article 9 de la loi) ...
Le conseil donné par l'ARC au nom de la défense des intérêts des copropriétaires est donc non seulement inapproprié, mais de surcroît dangereux, et peut induire des syndicats à prendre des décisions au nom de l'économie, susceptibles d'entraîner des demandes de dommages et intérêts autrement plus coûteuses ! Malheureusement, dans ce cas, nous craignons que le conseil d'engager la responsabilité du gouvernement avec l'appui de l'ARC n'ait pas la portée pratique et concrète de ceux prodigués par ailleurs en général par cette association...
Ceci étant, nous ne nions pas – et nous l’avons au contraire dénoncé avec force - que la carence manifestée par le ministère du logement pendant la période "Robien" en matière de parution des textes réglementaires d'application, et le refus du secrétaire d'Etat actuel de repousser la date d'application pour les bailleurs saisonniers malgré les demandes insistantes des professionnels, aient mis les copropriétés concernées dans un "sacré pétrin" : les syndics sont censés avoir fait installer avant le 1er mai 2004, et pour une saison qui commence pratiquement le 1er juin (malheureusement les piscines sont utilisées surtout l'été) un dispositif de sécurité conforme à des normes parues ...le 2 mai, et avec un nouveau décret paru le 7 juin ! On nage effectivement en plein Kafka !
Alors même que l'installation d'un tel dispositif relève (décret du 17 mars 1967 modifié par le décret du 27 mai 2004, lui aussi tardif) d'une décision de travaux de l'assemblée générale, à prendre de surcroît à la majorité de l'article 25, donc à la majorité absolue, qu'on n'obtient pas facilement dans les copropriétés de résidences de vacances...
Cependant, une fois ce constat atterrant dressé, ne faudrait-il pas que l'ARC, au lieu de mettre l’huile sur le feu la mette pour une fois dans les rouages, et admette que les syndics puissent prendre sur eux, sous réserve de l’accord du conseil syndical et d’une ratification ultérieure de l’assemblée, de faire en sorte que leurs copropriétaires ne voient pas leur saison de location gâchée par les errements d’une machine politico-administrative décidément déconnectée du réel, et qui n’a que faire de ces basses considérations d’intendance ?
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