Trop beau pour être vrai ? Peut-être parce qu'il tranche avec l'inspiration libérale du reste des mesures annoncées dans le cadre de la préparation du budget 2005, le projet de loi "de programmation pour la cohésion sociale" (1) inspire la méfiance des commentateurs après celle exprimée par le Conseil économique et social (2) : certes il affiche des budgets importants - il est vrai seulement à partir de 2006 voire plus tard... - mais ces budgets dépendent de l'atteinte d'objectifs dont le réalisme n'est pas assuré. Déjà, les objectifs la loi "Borloo" (3) que l'actuel ministre de la cohésion sociale a fait voter quand il était ministre de la ville ont dû être révisés en baisse : des 40.000 démolitions-reconstructions de logements sociaux par an annoncées, auxquelles personne n'avait cru tant la conduite de ce type de projets est délicat et demande du temps, il n'en reste plus que 15.000 dans le nouveau plan... si 49 projets de rénovation urbaine, concernant quelque 70 quartiers, ont reçu à ce jour un avis favorable de l'ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine, création de la loi) et devraient faire l'objet de "conventions", signées à l'automne, ils prévoient la démolition d'environ 24 000 logements et la reconstruction de 21 000 habitations, et prendront pour leur réalisation plusieurs années...
Le même scepticisme s'impose quant aux mesures de "mobilisation du parc privé". Certes il est prévu de donner des moyens à l'ANAH (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat) pour financer, en sus de son programme actuel, 200 000 logements "à loyers maîtrisés" entre 2005 et 2009, ce qui correspond, en moyenne, à un doublement du rythme annuel actuel, et contribuer, avec les autres mesures destinées à consolider le statut des bailleurs privés, à la remise sur le marché de 100 000 logements vacants sur la même période. La prime actuellement versée à certains propriétaires, sous conditions d’ancienneté de la vacance et de loyer, sera portée à 5 000 € en zone tendue et à 2 000 € sur le reste du territoire. Il est également prévu d’exonérer de CRL pendant trois ans les logements vacants depuis plus de douze mois conventionnés ainsi avec l'ANAH.
Par ailleurs, le projet de loi propose de favoriser le développement des logements loués à des associations d’insertion, y compris par le biais de SCPI, en relevant le taux de la déduction forfaitaire de 6 à 40 % applicable dans le cadre du dispositif d’amortissement fiscal d’aide à l’investissement locatif privé. Pour bénéficier de la hausse de la déduction forfaitaire cette location devra être effectuée aux conditions de loyers et de ressources du dispositif actuel en faveur des locations "très sociales" (régime "Lienemann" - voir nos indices et chiffres-clés).
Le problème est que ces objectifs (et donc les crédits qui seront réellement dépensés) dépendent du bon vouloir des bailleurs, et de leur propension à investir dans du locatif "social", aujourd'hui assez faible il faut le reconnaître au vu des plafonds de loyers et de ressources des candidats locataires pratiqués, et au vu aussi des incitations et l'attractivité du locatif "libre" (4)...
Notons toutefois que le gouvernement sera autorisé à prendre par ordonnance des mesures pour lutter plus énergiquement contre l'habitat "indigne" : notamment pour simplifier et harmoniser les divers régimes de police administrative, faciliter la réalisation des travaux ainsi que l’hébergement et le relogement des occupants et préciser en la matière les responsabilités respectives des autorités de l’Etat et des collectivités locales ou de leurs groupements, mieux préserver les droits des occupants et propriétaires de bonne foi (?), aménager et compléter le régime des sanctions pénales, et créer un dispositif de "séquestre immobilier spécial" permettant de récupérer tout ou partie de la créance due à la collectivité publique qui a assuré des travaux d’office ou supporté des dépenses d’hébergement ou de relogement des occupants incombant au propriétaire...
(1) Projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
(2) voir le rapport du Conseil économique et social
(3) loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine
(4) notre article "Les bailleurs privés peuvent-ils faire de la location "sociale" ? "
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