Le ministre délégué au logement et à la ville, Marc-Philippe Daubresse, avait déjà annoncé vendredi dernier, lors des voeux du ministre de la Cohésion sociale Jean-Louis Borloo, qu'un dispositif pour réglementer la vente d'immeubles "à la découpe" serait mis en place avant fin janvier. Il répondait ainsi à la vague de critiques qui a déferlé dans la presse ces dernières semaines contre la mise en vente systématique par lots des immeubles des institutionnels, vendus dans un premier temps par ces derniers en bloc, à des investisseurs spécialisés, parfois des fonds d'investissements anglo-saxons, qui mettent en oeuvre des techniques de vente par lot aujourd'hui bien rôdées.
Cette pratique, qui a pris ces derniers mois une grande ampleur, est accusée, même si elle est déjà sévèrement encadrée (voir notre article de septembre 2004), d'obliger un grand nombre de locataires des centres-villes à quitter leurs logements faute de pouvoir les racheter, en raison de la flambée des prix de l'immobilier, et d'amplifier de ce fait l'exode des classes moyennes vers la périphérie.
Contrer cette tendance ne sera pas chose facile : les propriétaires institutionnels ne vendent pas leur patrimoine de logements inconsidérément, mais parce que le moment est particulièrement propice pour eux de redéployer leurs actifs immobiliers et engranger les plus-values alors que le marché se trouve à un point haut ! Les villes peuvent certes faire jouer leur droit de préemption, mais leurs ressources sont insuffisantes pour endiguer le phénomène de manière décisive !
Un amendement socialiste à la loi de finances pour 2005 (1), accepté par la majorité, a réduit de quatre à deux ans le délai dont les professionnels disposent pour revendre un bien ayant bénéficié de l'exonération de droits de mutation accordée pour leurs opérations d'achat-revente (opérations de marchands de biens) lorsqu'elles consistent en une revente "à la découpe". Cette mesure gênera quelque peu ces opérations lorsqu'elles se font par l'intermédiaire d'un "découpeur", mais n'empêchera pas les institutionnels de vendre "à la découpe" eux-même comme ils sont aussi nombreux à le faire !
Le ministre, qui donnait dans le ton compassionnel en vogue depuis le début de cette législature - "il y a des personnes âgées qui sont actuellement "vidées" de leur logement, cela n'est pas acceptable", a-t-il notament déclaré -, envisage donc d'autres mesures qui seront présentées le 17 janvier à la Commission nationale de concertation, qui réunit représentants des bailleurs et des locataires, et qui pourront faire partie de la loi "Habitat pour tous" ; celle-ci, annoncée depuis longtemps, devait cependant être présentée au conseil des ministres du mercredi 19 janvier et ne l'a pas été...
Le jeudi 20 janvier, c'était au tour du ministre de l'économie et des finances, Hervé Gaymard : "Il faudra mettre en place un certain nombre de garanties pour les personnes âgées, handicapées, ou en difficulté financière, a-t-il indiqué, ajoutant que "le président de la République, Jacques Chirac, a évoqué cette question lors du dernier conseil des ministres et, s'il le faut, nous réglementerons et nous légifèrerons".
Enfin, le même jour, la députée UMP Martine Aurillac annonçait avoir déposé une proposition de loi qui prévoit qu'en cas de vente appartement par appartement, la base prise en compte pour fixer le prix soit celle de la première vente en bloc effectuée dans les trois années précédentes. Cette mesure aurait pour effet d'inciter les propriétaires institutionnels à faire eux-même la vente "à la découpe" plutôt que de vendre en bloc à des investisseurs opportunistes, motivés par la seule plus-value !
Enfin, selon des informations rapportées par le Figaro (2), certains élus proposent d'instaurer un "permis de diviser" par lequel un bailleur demanderait à la mairie, préalablement à la mise en copropriété de l'immeuble dont il est le propriétaire, l'autorisation de procéder à sa vente "à la découpe", ou encore d'établir un "droit de priorité" plutôt qu'un droit de préemption au profit du locataire, sur la base d'un prix "sur-mesure" proposé par le vendeur...
(1) article 105 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 - voir le dossier législatif
(2) Le Figaro du 22 janvier 2005
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