Alors que la Cour de cassation vient de rejeter (1) les pourvois formés par un propriétaire et un agent immobilier qu’il avait mandaté pour louer un logement, à l’encontre d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse (2) les ayant déclarés coupables du délit de discrimination dans l’offre ou la fourniture d’un bien ou d’un service, la gérante d'une autre agence immobilière toulousaine a été condamnée mercredi 3 août à huit mois de prison avec sursis pour ne pas avoir soumis des offres de logement pendant des années à des candidats étrangers ou d'origine étrangère.
Selon l'association SOS Racisme qui s'était portée partie civile, citée par l'AFP, cette condamnation marque "une prise de conscience des tribunaux vis-à-vis de la gravité" du phénomène de discrimination. "C'est une peine relativement élevée face à la banalisation de la discrimination", s'est félicité Samuel Thomas, vice-président de l'organisation antiraciste, partie civile, qui se voit allouer 10.000 euros de dommages et intérêts. Le tribunal correctionnel de Toulouse a également ordonné la publication du jugement dans quatre journaux, dont un spécialisé dans l'immobilier.
SOS Racisme avait déposé plainte, en mai 2003, contre l'agence Sud-Location, après le témoignage d'une ancienne salariée qui dénonçait des pratiques discriminatoires à l'encontre de certaines populations, principalement maghrébines et d'Afrique noire.
Toujours selon l'AFP, durant l'enquête, la gérante de l'agence Sud-Location, Réjane Massarès, avait fourni une liste de 250 propriétaires qui auraient demandé l'utilisation de la mention P.E. pour "pas d'étranger", qu'elle leur proposait. Lors du procès, elle aurait reconnu avoir eu "l'idée de ce fonctionnement", mais elle avait affirmé avoir ainsi "rendu service" à des clients étrangers qui lui demandaient eux-mêmes de "faire le tri" dès le départ, pour ne pas se rendre à des visites de logements vouées à l'échec et perdre du temps...
"Ce qui est glaçant, c'est la bonne conscience de Mme Massarès, (...) on passe du racisme honteux à un racisme assumé, public, sans mauvaise conscience", avait déclaré à l'audience le procureur Yves Delpérié, rappelant que "le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit".
Cette nouvelle affaire - c'est la 3ème à Toulouse - montre que les peines commencent à devenir significatives. Renforcée par ce jugement, l'association entend selon l'AFP poursuivre son combat sur cette affaire, et remonter aux 250 propriétaires qui ont demandé à voir leur offre de location marquée "P.E." Lors du procès, le troisième de ce type à Toulouse, SOS Racisme avait stigmatisé l'attitude du commissaire de police qui, lors de l'enquête, avait refusé pour manque de temps d'enquêter sur les 250 propriétaires.
Rappelons que les personnes s’estimant victimes de discrimination peuvent désormais saisir la Haute autorité pour la lutte contre les discriminations qui, sans empiéter sur les pouvoirs de la justice, peut les aider à constituer leur dossier, grâce à un pouvoir d’investigation important permettant notamment de demander des explications, d’auditionner des personnes, de consulter des documents ou même dans certains cas de procéder à des vérifications sur place. Elle peut également organiser une médiation et obliger la partie incriminée à s’y soumettre, sous peine de publication de ses recommandations (3).
(1) Cass., Ch. crim., 07 juin 2005, n° 04-87073
(2) CA Toulouse 5 octobre 2004, 3ème Ch. n° 03/00593
(3) Loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 et décret n°2005-215 du 4 mars 2005
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