La lutte contre l'habitat insalubre ou menaçant péril connaît un nouvel épisode : après la "loi Borloo" du 1er août 2003 qui donnait de nouveaux pouvoirs d'intervention aux maires "lorsque, du fait de la carence du ou des propriétaires, des équipements communs d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation présentent un fonctionnement défectueux ou un défaut d'entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou à compromettre gravement leurs conditions d'habitation" (1), la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a habilité le gouvernement à prendre de nouvelles mesures par ordonnance nécessaires à la lutte contre "l'habitat indigne", dont le traitement relève des pouvoirs de police administrative exercés par les maires et les préfets. Sont visés spécifiquement les logements insalubres, les immeubles menaçant ruine et les établissements d'hébergement dangereux.
Deux ordonnances sont concernées, dont la première a été présentée le 14 décembre par le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo (2) : elle a selon le ministère pour objectif la simplification des procédures, le traitement d’urgence des situations d’insalubrité, la préservation des droits des occupants de bonne foi et leur relogement, la clarification des responsabilités de l’État et des collectivités territoriales en matière de travaux d’office et de relogement.
Dans le domaine du traitement des situations d’insalubrité ou de péril dans l’habitat, elle prévoit :
- l’institution d’une procédure de traitement d’urgence des situations d’insalubrité qui autorise le préfet à mettre en demeure le propriétaire d’effectuer les travaux de sécurité et de salubrité indispensables et, en cas de carence, à les effectuer d’office à la charge du propriétaire, avant même la notification de l’arrêté d’insalubrité ;
- la simplification de la procédure de l’arrêté de péril non imminent, permettant au maire de prescrire au propriétaire les travaux (ou la démolition de l’immeuble) nécessaires pour mettre fin au risque que l’état de solidité du bâtiment fait courir à la sécurité des occupants. L’arrêté du maire, désormais exécutoire dès sa notification, pourra interdire les locaux à l’habitation et autorisera le maire à engager les travaux d’office ;
- l’accomplissement de travaux exécutés d’office dans les copropriétés en péril ou insalubres. L’autorité publique pourra ne se substituer qu’aux seuls copropriétaires défaillants et non au syndicat de copropriété pour les travaux, d’où une économie de temps et de deniers publics ;
- des précisions concernant les travaux prescrits par le préfet pour sortir un immeuble de l’insalubrité ; ces travaux privilégient le maintien ou le retour dans les lieux des occupants, une fois les travaux faits. Ces travaux pourront inclure la réalisation des équipements nécessaires pour que le logement soit décent après travaux et donc conforme à l’usage d’habitation ;
- une expropriation facilitée des immeubles insalubres interdits à l’habitation.
En ce qui concerne l’amélioration de la protection des occupants des logements insalubres ou en péril, l’ordonnance prévoit :
- la suspension du bail et la prorogation de sa durée en cas d’arrêté d’insalubrité ou de péril jusqu’à réalisation des travaux prescrits ou au relogement définitif (rappelons que la loi "SRU" avait déjà prévu la suspension du paiement du loyer...) ;
- l’impossibilité de résilier un bail et de prononcer l’expulsion d’occupants de bonne foi à la suite d’un arrêté d’insalubrité ou de péril, sans offre effective de relogement, même si le délai d’interdiction d’habiter est échu ;
- une protection renforcée des occupants d’hôtels meublés soumis à prescription de travaux de sécurité (suspension des loyers ou redevances et du bail jusqu’à réalisation des travaux) ;
- la clarification des responsabilités entre maires et préfets pour assurer le relogement provisoire ou définitif des occupants en cas de carence des propriétaires : le maire assure le relogement en cas de péril, le préfet en cas de déclaration d’insalubrité. Le montant de la contribution du propriétaire, due à celui qui a été relogé, est sensiblement alourdi pour mieux correspondre à la réalité économique de l’action de relogement ;
- le renforcement du dispositif pénal et des sanctions contre les " marchands de sommeil "...
Une seconde ordonnance est en préparation pour le premier semestre 2006, prévoyant, toujours en application de la loi d'habilitation, la création d'un dispositif de "séquestre immobilier spécial" pour la récupération sur les propriétaires du coût des relogements et des travaux exécutés d'office par les collectivités publiques, mesure pour laquelle le gouvernement disposait d'un délai supplémentaire de 4 mois...
(1) article 18 de la (1) loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et décret n° 2004-1442 du 23 décembre 2004
(2) ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et rapport au Président de la République
|