Icade, une filiale de la Caisse des dépôts et consignations qui possède environ 45 000 logements intermédiaires en Ile-de-France, a visiblement entrepris une vaste opération de remise à niveau des loyers de ses locataires, faisant usage de la faculté offerte par l'article 17c de la loi du 6 juillet 1989 à l'occasion du renouvellement des baux. Cette disposition, existant en réalité depuis la loi Méhaignerie, permet au bailleur, au lieu de laisser le bail se reconduire tacitement à son échéance avec simple application de la clause de révision annuelle du loyer, de proposer un renouvellement avec réajustement du loyer s'il est en mesure, en fournissant des références de loyers constatés dans le voisinage pour des logements comparables, de prouver que le loyer est "manifestement sous-évalué".
Selon des informations parues dans la presse, de nombreux locataires se sont plaints de demandes de hausses de loyers brutales, dans quelques cas, comme à L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), l'augmentation proposée atteignant plus de 62 %, étalée il est vrai sur six ans comme le prévoit cette même disposition de la loi.
Interpellés par ces locataires en colère, des parlementaires du Val-de-Marne, de droite comme de gauche, s'apprêtent à signer deux lettres communes destinées à attirer l'attention du ministre en charge du logement, Jean-Louis Borloo, et du directeur général de la Caisse des dépôts, Francis Mayer. Le 8 février, Jean-Pierre Brard, député (app. PCF) de Seine-Saint-Denis et maire de Montreuil-sous-Bois, s'est rendu, avec plusieurs dizaines de personnes, au siège d'Icade pour exhorter les dirigeants de cette société de renoncer à l'appel qu'ils avaient formé contre une décision judiciaire favorable à des locataires.
Rappelons que ces derniers peuvent contester la demande du bailleur : celui-ci a alors la possibilité dans un premier temps de saisir la commission départementale de conciliation, puis le tribunal pour faire fixer le loyer à dire d'expert...
Les conflits qui opposent Icade à des locataires et à des élus ne sont pas nouveaux : ils ont accompagné la restructuration du secteur immobilier de la Caisse des dépôts autour de deux pôles : l'un, dédié au logement social avec la Société nationale immobilière (SNI) ; l'autre au secteur concurrentiel avec Icade.
Or, comme le rapporte le quotidien Le Monde (1) le patrimoine de cette dernière provient pour une grande part d'une grande opération de réhabilitation entre 1982 et 1994 financée par des aides publiques en contrepartie d'engagements, à travers des conventions signées avec l'Etat, de plafonnement des loyers pendant neuf à douze ans. Au terme de cette période, les logements pouvaient, à nouveau, être soumis au droit commun, avec pour conséquence une possibilité d'augmentation des loyers et une diminution du taux de logements sociaux dans les communes concernées, ces habitations "déconventionnées" ne pouvant plus être assimilées à des logements sociaux !
De nombreux élus ont dénoncé de tels changements de statuts, car ils alourdissent leurs obligations au regard de la loi de solidarité et de renouvellement urbains (SRU) - qui impose à environ 740 municipalités d'atteindre le quota de 20 % de logements sociaux sur leur territoire. Dans une lettre adressée, à la mi-janvier, au PDG d'Icade, le maire (UMP) de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne), Jean-Marie Poirier, déplore que le déconventionnement d'un millier d'appartements situés sur sa ville majore "d'autant l'amende que la commune est tenue de payer pour chaque logement manquant".
Toujours selon Le Monde, le maire (UDF) de Sceaux (Hauts-de-Seine), Philippe Laurent, avait déja indiqué en décembre dernier qu'il demanderait au préfet une déclaration d'utilité publique afin d'exproprier Icade de 704 logements situés sur sa commune. But de l'opération : transférer ces habitations à un organisme HLM. A Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), la majorité municipale, conduite par le maire, Pascal Buchet (PS), a présenté un voeu allant, grosso modo, dans le même sens.
Chez Icade on fait valoir sans surprise que es hausses de loyers permettent de réhabiliter les immeubles, En outre, les personnes de plus de 70 ans sont exonérées de toute augmentation de loyer...
(1) Article paru dans l'édition du 14.02.06
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