Le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo a annoncé le 27 février avoir signé une déclaration commune avec des représentants des agents immobiliers, des administrateurs de biens et des propriétaires bailleurs "pour faciliter l’accès au logement de tous les jeunes salariés" grâce "à la mise en place dans les mois qui viennent d'un dispositif "Loca-pass amélioré" indique prudemment le communiqué commun...
Ont signé cette déclaration avec le ministre René Pallincourt, Président de la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier), Serge Ivars, Président de la CNAB (Confédération nationale des administrateurs de biens) et Jean Perrin, Président de l’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière).
Cette déclaration mérite pour le moins d'être décodée : le contrat "nouvelles embauches" (CNE) créé en août dernier et le futur contrat première embauche (CPE) en cours d'adoption au parlement étant critiqués pour la précarité qu'ils créent pendant les deux ans de la "période de consolidation" à leurs bénéficiaires, et par effet d'aubaine à tous les nouveaux embauchés qui auraient été recrutés de toute manière, le premier ministre et le ministre de l'emploi n'ont eu de cesse depuis plusieurs mois d'affirmer que cette précarité serait sans conséquence sur deux besoins majeurs des salariés concernés : celui d'obtenir des crédits et celui d'obtenir un logement !
Si pour le premier ils ont obtenu de la FBF (Fédération bancaire française) un engagement d'assimiler les CNE et CPE à des contrats à durée indéterminée classiques (CDI), engagement qui n'engage pas à grand chose, aucun établissement bancaire n'étant tenu de justifier les raisons pour lesquelles il accorde ou refuse un crédit, il leur fallait l'équivalent concernant le logement ! Or les bailleurs sont plus que réticents à consentir une location à des personnes en situation précaire, et exigent des garanties sous forme de caution solidaire solvable que les candidats ont du mal la plupart du temps à fournir.
Qu'à cela ne tienne ! Premier ministre et ministre de l'emploi n'ont pas tardé à appeler le "Loca-pass" à la rescousse, garantie équivalant à un engagement de caution pour 18 échéances de loyer pendant les 3 premières années du bail, théoriquement accessible à tous les salariés quel que soit leur type de contrat et délivrée par les organismes collecteurs du 1% logement. Et comme il n'est pas imaginable que l'UESL (Union d'économie sociale pour le logement) qui regroupe les organismes distributeurs de cette garantie et met depuis plusieurs années sa "cagnotte" accumulée depuis des décennies au service de la politique du logement des gouvernements successifs, refuse cette aide aux titulaires de CNE et CPE, alors qu'ils y ont droit en tant que simples salariés, le dossier semblait bouclé !
En fait ce n'est pas si simple : parce que les bailleurs, même avec un Loca-pass sont allergiques aux situations précaires, parce que nombre d'entre eux se méfient d'une garantie dont on dit que la mise en oeuvre n'est pas toujours concluante, et parce qu'un nombre croissant d'entre eux, Loca-pass ou pas, préfère s'en remettre aux garanties loyers impayés proposées par plusieurs compagnies et courtiers, soit en direct soit par l'intermédiaire des administrateurs de biens. Or celles-ci ne semblent pas se laisser enrôler si facilement : contrairement à l'affirmation du communiqué du ministère, toutes n'acceptent pas de considérer comme le voudrait le premier ministre les CNE et CPE comme des CDI, un des plus importants courtiers indiquant considérer ces contrats pendant les deux premières années comme des CDD !
D'où la formulation alambiquée de la déclaration commune mentionnée et la référence à un "Loca-pass" amélioré ! En fait il s'agit d'une autre opération en cours : une négociation est engagée avec l'UESL pour que les organismes collecteurs du 1% financent une compensation aux compagnies d'assurance qui accepteraient de couvrir de leur garantie loyers impayés des locataires qui n'entreraient pas dans les critères habituels requis pour ce type de garantie (emploi stable, ressources mensuelles nettes au moins égales à 3 fois le loyer plus charges, etc.
Ces garanties seraient offertes aux bailleurs qui acceptent de conventionner leur logement (ce qui implique le respect de plafonds de loyers et de ressources des locataires) et de souscrire à une police d'assurance pour impayés de loyer respectant un cahier des charges social (1).
L’article 32 de la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale prévoit déjà un crédit d’impôt pour ces bailleurs qui souscrivent une assurance contre les impayés de loyers, égal à 50 % du montant des primes d’assurance de ce type payées contre les impayés de loyers au cours de l’année d’imposition.
Encore faut-il que les bailleurs se ruent en masse vers le conventionnement, ce qui n'est pas forcément gagné !
On peut de plus s'interroger sur cette nième sollicitation des fonds du 1% logement, si l'on se réfère à l'avertissement de la Cour des comptes, rapporté par ailleurs sur ce site, quant à l'opacité et les risques du mode de gestion actuel des fonds collectés...
(1) Rép. min. n° 72789, JOAN 07 février 2006
|