Marché de l'ancien : atterrissage ou crash ?
C'est la question du moment : alors que les signes d'une détente se confirment - ralentissement de l'activité, quasi-arrêt de la hausse des prix sur les derniers mois, augmentation du délai moyen de transaction - et alors que les professionnels maintiennent le scénario d'un simple ralentissement de la hausse, des voix de plus en plus nombreuses annoncent un retournement analogue à celui de 1990-1991, avec une baisse des prix et chute du volume des transactions ! Hier c'était le président du Crédit immobilier de France, aujourd'hui celui de Particulier à particulier, le n°1 des supports d'annonces immobilières entre particuliers. Ce dernier prédit même une chute des prix de 30 à 40% sur une période de 4 à 5 ans (1)!
En termes plus mesurés, la Banque de France multiplie depuis quelque temps les avertissements aux banques, pointant à la fois du doigt l'augmentation du taux d'endettement des ménages, lié principalement aux crédits immobiliers, et les risques pour les établissements de crédit de devoir constituer des provisions s'il faut "faire face à une baisse de la qualité des contreparties qui, comme le passé a pu le montrer, peut survenir rapidement", indiquait récemment la secrétaire générale de la commission bancaire (2)...
Un rapport de la commission des finances du Sénat, déposé le 5 octobre 2005, concluait son analyse du marché en excluant l'existence d'une "bulle immobilière" mais en considérant que "le point haut du cycle du marché immobilier paraît atteint".
De fait, le recul de la part des primo-accédants parmi les acquéreurs et l'augmentation du revenu moyen de ces derniers nettement au dessus de l'augmentation du revenu moyen des français semble bien montrer que les prix ont atteint une limite haute par rapport au pouvoir d'achat des candidats. Dès lors, une poursuite de la hausse des prix, en l'absence de perspective de nouvelles baisses des taux - la tendance est plutôt à la remontée -, ne pourra continuer longtemps à être compensée par l'augmentation du taux d'endettement et l'allongement de la durée des prêts ! L'élastique semble tiré au maximum et désormais toute nouvelle augmentation des prix sera immédiatement répercutée sur le montant des remboursements...
L'augmentation des plafonds de ressources à six SMIC au lieu de 4 pour bénéficier du prêt à taux zéro (PTZ), décidée par le gouvernement dans le cadre de la loi de finances pour 2006 allègera un peu la charge des primo-accédants, mais son impact devrait resté très limité : selon Michel Mouillart, professeur à Paris X Nanterre, cité par Le Monde (3) 10.000 foyers devraient être concernés, à comparer aux 180 à 200.000 foyers qui auront profité du PTZ en 2005...
Dans ce contexte, tout dépend en fin de compte de la tenue des taux d'intérêt : une augmentation un peu brutale (il est prévu un point de hausse au cours de l'année 2006) peut entraîner un retrait de la demande solvable. Or un tel retrait, même marginal mais combiné à un raidissement des banques dans leur politique d'octroi de crédits, peut à son tour être le facteur déclenchant d'un retournement majeur : raréfaction des acheteurs, apparition de comportements de baisse chez les vendeurs, encourageant en retour l'attentisme des acheteurs, etc. (4)
Mais il est vrai aussi que ce scénario catastrophe n'est pas inéluctable : d'une part parce que les taux des crédits immobiliers proposés aux acquéreurs peuvent n'évoluer que de manière très amortie par rapport à une augmentation des taux des marchés monétaires, les grandes banques de dépôt les finançant pour une grande part sur des ressources propres indépendantes de ces taux, et aussi parce que le principal moteur de la hausse des prix et des loyers de la dernière décennie est, comme nous l'avons dit ici à plusieurs reprises, toujours là : une demande forte liée à des facteurs démographiques et sociologiques de fond, face à une offre globalement déficitaire, selon les estimations de quelque 600.000 logements...
Immobilier neuf : entre pénurie de foncier, excès du "Robien" et réorientation fiscale
Si 2005 a permis d'atteindre des sommets en termes de logements construits, avec plus de 400.000 unités, il n'est pas certain que ce rythme puisse être maintenu dans les années qui viennent, en raison des prix atteints par le foncier et sa raréfaction ; l'effet risque de se ressentir notamment sur la maison individuelle, grande consommatrice d'espace, qui représente sur ce total 224.000 unités, dont 180.000 réalisés par des aménageurs et lotisseurs qui aujourd'hui poussent un cri d'alarme : les opérations achevées aujourd'hui le sont sur du foncier réservé avant 2000, et depuis la préparation de foncier prêt à urbaniser ne se fait plus du tout au même rythme !
Un retournement du marché avec baisse des prix accentuerait la chute de production, rendant une partie au moins des opérations irréalisables dans des conditions économiques viables.
Même chose pour la production de logements collectifs, qui a déjà montré des signes de ralentissement en fin d'année. Cette dernière risquerait de surcroît de pâtir d'une désaffection possible pour la défiscalisation "Robien", qui serait victime de son succès : l'engouement des acquéreurs a conduit les promoteurs à réaliser des opérations dans des conditions hasardeuses, vendues trop cher sur la base de simulations exagérément optimistes quand elles ne sont pas truquées, ou en trop grandes quantités au risque de saturer les marchés locatifs ! Du coup, les déboires d'investisseurs qui commencent à être constatés ici et là, s'ils se multiplient, peuvent refroidir les candidats à venir.
Autre conséquence du succès : son coût pour l'Etat, alors que le type d'immobilier encouragé n'est pas précisément celui qui fait le plus défaut aujourd'hui, à savoir le locatif social et intermédiaire ! D'où les mesures récentes en cours dans le cadre de la loi "Engagement national pour le logement" (ENL), en cours de discussion au parlement, réaménageant et limitant l'amortissement du régime "Robien", et créant un nouveau régime d'incitation, le "Borloo populaire", plus intéressant fiscalement mais avec réintroduction d'un plafond de ressources pour les locataires (comme dans le régime "Besson"), et un plafonnement des loyers à 70 % du prix du marché (pour le "Robien" ils sont plus près de 90%)...
Or, les appartements vendus en "Robien" ont représenté en 2005 61.000 unités, soit plus de la moitié de la production de neuf collectif ! S'il est encore trop tôt pour savoir si les promoteurs se précipiteront sur le "Borloo populaire" avec autant d'empressement que sur le "Robien" - à vrai dire on en doute un peu -, il est par contre presque sûr que la production de "Robien" soit revue à la baisse !
Fiscalité : réforme de l'impôt sur le revenu et retour des niches fiscales
Sur le plan fiscal, la principale réforme de la loi de finances pour 2006 est celle de l'impôt sur le revenu, avec notamment ses dispositions réformant une fois de plus l'imposition des revenus fonciers : suppression ou réduction suivant les cas de la déduction forfaitaire mais admission en contrepartie à la déduction de nouvelles charges (primes d'assurance, les frais de procédure, les commissions de location, etc.), et suppression de la contribution sur les revenus locatifs (CRL). Mais cette réforme ne s'appliquera qu'en 2007, pour l'imposition des revenus de 2006.
Citons aussi des allégements fiscaux pour les personnes dont la reprise d’une activité salariée s’accompagne d’un changement d’habitation principale et ceux qui mettent en location leur habitation principale à la suite d’une mutation professionnelle qui les oblige à déménager...
La mesure qui inquiétait les professionnels et qui était censée compenser l'allègement de l'impôt sur le revenu des classes moyennes et aisées, à savoir le plafonnement des "niches fiscales", et notamment les économies d'impôt procurées par les régimes d'incitation à l'investissement locatif, a quant à elle été invalidée lors de l'examen de la loi de finances par le Conseil constitutionnel.
Enfin, le tableau de la fiscalité en 2006 ne serait pas complet sans citer l'augmentation des droits d'enregistrement en contrepartie de la suppression des droits de timbre, et l'incertitude concernant la TVA à 5,5%, avec une réunion de la dernière chance le 24 janvier 2006, date à compter de laquelle en cas d'échec la TVA au taux réduit en vigueur depuis 1999 cessera d'être applicable...
Une législation en chantier
Pas moins de cinq grandes réformes ont été entreprises, et attendent, après avoir été adoptées sur le plan législatif ou par ordonnances, l'intégralité de leurs textes d'application !
Le record revient au droit de l'urbanisme : déjà profondément réformé par la loi "SRU", puis retouché pour assouplissement après l'alternance politique par la loi "Urbanisme et habitat", il était encore remanié par la loi de programmation pour la cohésion sociale, puis par l'ordonnance du 8 décembre 2005 réformant le permis de construire.
Il est à nouveau sur le métier dans le cadre de la loi "Engagement national pour le logement" (ENL), déjà citée, pour une meilleure mobilisation de la ressource foncière en vue de la construction de logements sociaux, plus quelques compléments de sécurisation des autorisations d'urbanisme...
Par ailleurs, une ordonnance a réformé l'assurance construction.
Dans le domaine des rapports locatifs, la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a créé un nouvel indice pour la révision des baux d'habitation mis en application de manière anticipée dès le 1er janvier 2006...
Les habilitations à légiférer par ordonnances en vue de la simplification du droit ont permis de jeter les bases du dossier de diagnostic technique qui, lorsque les textes d'application seront parus, regroupera en cas de vente et partiellement en cas de location d'un bien immobilier tous les diagnostics créés par les législations successives - constat amiante, plomb, termites, installation gaz, risques naturels et technologiques, performance énergétique, plus ceux en cours d'ajout comme le diagnostic de l'installation électrique (loi ENL...).
2006 verra aussi en principe la réforme par ordonnance du droit des sûretés - hypothèques et nantissements - avec notamment l'unification des privilèges, l'introduction de la possibilité de "recharger" une hypothèque inscrite sur un bien au fur et à mesure du remboursement des emprunts qu'elle garantit, et la création d'un prêt viager hypothécaire.
La loi ENL déjà citée sera aussi le dernier "véhicule" législatif pour toute une série de réformes ponctuelles, dont certaines annoncées maintes fois et reportées d'une loi "fourre-tout" à l'autre :
- possibilité de libération des logements inclus dans un bail commercial en vue de leur location à titre d'habitation,
- incitation fiscale à remettre sur le marché les logements vacants (pendant de la taxe pénalisant ceux qui ne le font pas...)
- suppression de la possibilité d’hériter d’un bail soumis à la loi de 1948, maigre consolation il est vrai pour ceux qui spéculaient sur des possibilités de "sortie" de cette législation plus rapides que celle permise par le décès ou départ en maison de retraite des locataires qui en bénéficient encore...
- création, dans l'esprit de la VEFA (vente en état futur d'achèvement) d'un régime de vente en état futur de rénovation - "vente d'immeubles à rénover",
- révision de la liste des charges récupérables par les bailleurs sur les locataires,
- amélioration des dispositifs visant à la sécurisation des bailleurs conventionnés (c'est à dire acceptant des plafonds de loyers et de ressources des locataires) déjà introduits par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale...
Enfin, n'oublions pas la loi en cours d'adoption par le parlement, subie plus que voulue par le gouvernement, visant à restreindre les ventes "à la découpe" (mise en vente par lots d’immeubles locatifs en mono-propriété)...
Bref, que ceux qui n'y croyaient pas encore se le disent, la veille législative et réglementaire est devenue définitivement un travail de professionnel...
(1) L'Expansion Conjoncture Hebdo - n°195, 2 janvier 2006
(2) Le Monde du 30 novembre 2005
(3) Le Monde du 5 janvier 2006
(4) notre article Hausse des taux d'intérêts : quelles conséquences sur le marché immobilier ?
Voir aussi nos informations "En bref" :
Budget 2006 et immobilier : les mesures pour les particuliers
Le gouvernement réforme le permis de construire
La loi ENL enrichie au Sénat
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