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ACTUS
Immobilier et présidentielle: qu'attendre des deux finalistes ?
Le
23/4/2007
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Curieusement le logement, thème central de la campagne électorale en raison des difficultés d'un nombre croissant de français du fait de la flambée des prix et des loyers du secteur privé ou de la pénurie de logement social, a finalement été escamoté par des sujets de dispute plus "classiques" comme la sécurité et l'immigration ! Le mouvement des "Don Quichotte", désamorcé par la loi sur le droit au logement opposable, a fait long feu, et les programmes des candidats du second tour en sont restés aux incantations du début : pour l'un une France de propriétaires, et pour l'autre un bouclier logement, un "service public de la caution", et 120.000 logements sociaux nouveaux par an, sans que l'on sache exactement comment sera obtenu ce "coup de rein" par rapport à la production actuelle, qui atteint péniblement 80.000, et encore... Chacun saura y trouver son compte ? Pas sûr, et une lecture entre les lignes s'impose...
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A droite : une France de propriétaires
C'est le slogan phare de Nicolas Sarkozy répété de discours en discours : parce qu' "on est moins vulnérable aux accidents de la vie professionnelle quand on est propriétaire de son logement", il faut inciter par tous moyens les français à acquérir au moins leur résidence principale. Et pour faciliter l'accession, il faut en réduire le coût et faciliter le financement :
- par le développement du crédit hypothécaire, déjà dans le credo de l'ex-ministre des finances lors de son passage à Bercy : la simplification de l'hypothèque doit permettre de faire en sorte que les banques cessent de ne "prêter qu'à ceux qui n'en auraient pas besoin", et tant mieux si les français, selon lui insuffisamment endettés, s'endettent davantage, car cela fait "marcher l'économie"... Pour les y aider, l'Etat devra garantir les crédits de ceux qui ne seraient pas acceptés par les banques en raison de revenus insuffisants ou trop précaires, et prendre en charge les surprimes d'assurance de ceux qui ont aujourd'hui difficilement accès au crédit parce qu'ils présentent un risque aggravé de santé...
- par la déductibilité des intérêts des emprunts immobiliers, et même une aide de l’État pour emprunter pour ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu !
Le candidat de l'UMP ne doute pas par ailleurs que les incitations (actuelles ?) à la construction de logements feront baisser les prix (projet en 15 points) ; il mise aussi sur le droit au logement opposable : "je veux que le droit au logement soit opposable devant les tribunaux" écrit-il en toutes lettres dans le projet en 15 points, "afin que les pouvoirs publics soient obligés d’agir pour assurer la construction d’assez de logements dans toute la gamme des besoins"...
Autre mesure pour développer l'accession à la propriété, le président de l'UMP s'engage à obtenir la vente de 40.000 logements HLM par an à leurs occupants (1% de parc), faisant le pari - c'est dit plus discrètement - que des locataires devenus propriétaires seront plus respectueux de leur logement et leur immeuble... Pari hasardeux s'il en est, car c'est aussi prendre le risque de multiplier les copropriétés en difficulté : tant que les organismes HLM resteront majoritaires dans les copropriétés créées dans les ensembles mis en vente, l'entretien des immeubles restera assuré, quitte à mettre sur la paille nombre d'ex locataires devenus copropriétaires qui ne pourront pas payer leur participation aux travaux, mais après c'est une autre affaire ! Or on sait que la dégradation physique des immeubles précède la descente aux enfers financière, et on sait aussi depuis 2005 et Clichy sous Bois (les émeutes ont commencé dans une copropriété) que les copropriétés dégradées font encore plus sûrement le lit des désordres urbains que les grands ensembles HLM...
Par contre, tout en promettant pour la bonne forme d'intensifier la construction de logements sociaux (sans s'engager sur des chiffres, mais en indiquant tout de même que les programmes immobiliers lancés dans les territoires comptant peu de HLM devront comporter une part minimale de logements sociaux), Nicolas Sarkozy comme la majorité de son électorat refuse que la France soit "couverte de logements sociaux" et souhaite que le décompte pour quota de 20% de logements sociaux pour chaque commune puisse inclure les opérations d'accession sociale à la propriété ; plusieurs tentatives en ce sens ont d'ailleurs été faites par des députés UMP proches du candidat au cours de la législature écoulée, et contrées par les sénateurs...
A gauche : une France de locataires ?
A l'opposé, Ségolène Royal fixe un objectif de 120.000 logements sociaux nouveaux par an, notamment grâce à une incitation au livret A (principale source de financement des HLM en France), et un doublement du nombre de résidences étudiantes.
Incitation, mais aussi utilisation de la contrainte ! Ainsi, tout programme de constructions neuves devra comporter une part de logement sociaux, avec sanctions à la clé : "si le permis de construire n'est pas respecté, une partie des logements construits pour le marché sera décrétée logement social et louée au prix du logement social"...
Par ailleurs, en cas de non respect de la part des maires du quota de la loi SRU de 20% de logements sociaux dans chaque commune, les sanctions financières seraient triplées, et l'Etat pourrait se substituer aux maires et réquisitionner les terrains. Quant au prix de vente des terrains et bâtiments appartenant à l'Etat, il serait divisé par deux pour la construction de logements sociaux.
Justement, autre point de désaccord, la réquisition des logements vacants, qui pour la droite est une atteinte au droit de propriété : Ségolène Royal veut permettre aux villes de procéder à des acquisitions/réquisitions, en indemnisant les propriétaires, afin de remettre en location les logements laissés volontairement vacants par les propriétaires pour des raisons spéculatives, transférer aux collectivités locales le droit de réquisition/préemption au bout de 2 ans de vacance d'un logement, et surtaxer les logements vacants au bout de 2 ans.
Mais l'accession à la propriété n'est pas négligée pour autant : outre l'extension du prêt à taux zéro (PTZ) à de plus larges catégories de ménages, la candidate socialiste promet comme son concurrent (mais sans fixer d'objectif) la possibilité pour les locataires qui ont payé le loyer de leur logement social pendant 15 ans d'accéder à la propriété de ce logement.
La mesure phare demeure cependant le "bouclier logement", à savoir l'augmentation des allocations logement de manière à limiter à 25% le montant des dépenses de logement pour les ménages modestes.
Une convergence : accès au logement locatif et sécurisation des bailleurs, même combat
L'idée de la gauche en 2002 a fait son chemin ! La "CLU" (couverture logement universelle), qui avait à l'époque fait hurler la droite et les propriétaires se retrouve presque entière dans la proposition de Nicolas Sarkozy (projet en 15 points) : "Je faciliterai la location en supprimant l’obligation de caution et de dépôt de garantie. En contrepartie, les propriétaires seront protégés contre les risques d’impayés de loyers". Il est vrai que depuis quelque temps elle est demandée avec une insistance croissante par l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), organisation assez largement représentative des propriétaires privés, en fait sous la forme d'une garantie généralisée contre les impayés, financée de manière tripartite par les propriétaires, les locataires et l'Etat ou le 1% logement.
La candidate socialiste n'est évidemment pas en reste avec la proposition de "créer un service public de la caution afin que celle-ci ne soit plus un frein à l’accès au logement tout en sécurisant le propriétaire", précisant même qu' "en contrepartie, les procédures d’expulsion des locataires de mauvaise foi seront simplifiées". Ailleurs cette proposition est définie comme "une garantie mutualisée des risques locatifs qui permettra au bailleur de louer sans risque et au locataire de ne pas subir de discriminations"...
Elle doit permettre aussi de maintenir les locataires de bonne foi dans les lieux sans que le propriétaire n'ait à en subir les conséquences !
La copropriété : ignorée à droite
Le clivage gauche-droite se retrouve en matière de copropriété : le candidat de l'UMP fait silence radio - il est vrai que ce secteur a été gavé de réformes depuis plusieurs années et qu'il essaie tant bien que mal de les digérer - alors que la candidate des socialistes reprend plusieurs demandes actuelles des associations de consommateurs : faire du Tribunal d’Instance le tribunal de la copropriété au lieu du TGI, devant lequel les coûts de justice sont plus élevés et les procédures plus longues, instaurer les fonds travaux obligatoires et rémunérés dans des conditions fiscalement favorables, améliorer la transparence et la prévisibilité des honoraires de syndic et renforcer les droits des copropriétaires à leur égard, enfin renforcer la majorité nécessaire pour échapper à l'obligation d'ouvrir un compte bancaire séparé au nom de la copropriété, etc.
Régimes de défiscalisation : après le dopage, le sevrage ?
Nette différence d'approche également sur le très sensible sujet des aides fiscales à l'investissement locatif : critiqué de tous côtés, le régime "Robien" dans sa forme actuelle, même "recentrée" est jugé antiéconomique. Même s'il est indéniable qu'il a eu, avec 25 à 30.000 ventes d'appartements neufs par an de plus qu'avant sa mise en place, un effet d'accélérateur de la construction, avec tous les effets bénéfiques sur les rentrées fiscales (la TVA sur les logements supplémentaires vendus compense le coût de l'avantage fiscal accordé), sur l'emploi, et sur l'offre locative, il lui est reproché de ne pas encourager le type d'immobilier le plus utile (le logement intermédiaire notamment), voire même d'avoir conduit à des situations d'excès d'offre qui risquent de léser de très nombreux investisseurs...
Ségolène Royal veut sa suppression pure et simple, annonçant que dans la nouvelle politique du logement, "chaque aide aura une contrepartie sociale", sans en dire beaucoup plus.
Nicolas Sarkozy est sur un autre registre. Préconisant de mettre de l'ordre et de la stabilité dans le maquis des régimes d'incitation fiscale à l'investissement locatif, pourtant encore remaniés récemment avec la loi "ENL" (Engagement national pour le logement), et de régler leur progressivité sur l'effort consenti sur les loyers et les conditions de ressources des locataires, il se distingue de sa concurrente sur la nature de la remise à plat : il prône ni plus ni moins que la généralisation de l'amortissement fiscal à tous les bailleurs, qui se verraient ainsi reconnaître un statut d'acteur économique, et l'instauration d'un barème de déductions fiscales sur les revenus locatifs unifié, sans plus de distinctions désormais entre le neuf et l'ancien, en fonction du degré "social" de leur location...
Un diagnostic éludé
Il semble malheureusement que ni à gauche ni à droite on ait pris l'exacte mesure des conséquences sociales et économiques de la hausse vertigineuse des prix, que les gouvernements successifs ont laisser filer, probablement parce qu'elle est "agréable" à une majorité de français qui sont déjà propriétaires (près de 60%) et qu'elle a un effet euphorisant pour la consommation et la croissance.
Quand ils ne l'ont pas (involontairement ?) encouragée sur fonds publics, de deux manières :
- avec des aides "à la pierre", sous forme d'incitations fiscales à l'investissement locatif, insuffisamment ciblées, ayant permis aux promoteurs d'augmenter leurs prix de vente, le coût pour les investisseurs étant allégé par l'économie d'impôts, et par conséquent de payer plus cher les terrains tout en maintenant leur résultat...
- avec la multiplication des aides à la personne - allocations de logement et APL pour les accédants, prêt à taux zéro (PTZ) aux conditions d'octroi de plus en plus élargies, etc.
Ces aides font du bien à ceux qui les reçoivent, mais en fait, dans une situation de pénurie d'offre aggravée ou les candidats acquéreurs se font concurrence sur les produits en nombre insuffisant, elles se retrouvent dans la poche des vendeurs qui peuvent augmenter leur prix en trouvant des clients solvables. Une étude récente de l'ANIL, réalisée avec le concours de l’Observatoire des pratiques du Conseil National de l’Habitat (1), montre formidablement bien comment ces aides, associées à la baisse des taux et à l'allongement de la durée des prêts, ont alimenté une augmentation des prix de 125% en une décennie : sans l'effet PTZ, l'augmentation des prix n'aurait pu pour les primo-accédants être absorbée à partir de 2004, l'effet taux et l'effet durée ne suffisant plus à maintenir les mensualités de remboursement dans la limite des 33% fatidiques par rapport au revenu du ménage.
Comme une drogue, ces aides ne peuvent plus être supprimées, ni même diminuées sans provoquer une insolvabilité généralisée et un krach aux conséquences incalculables, y compris sur l'économie toute entière, dont l'immobilier et la construction sont l'un des principaux moteurs. Comme un coureur dopé, la France a besoin de maintenir le niveau de ses prix immobiliers et des aides qui le soutiennent !
Faut-il cependant en rajouter ? Faut-il pousser à l'accession aujourd'hui ou attendre une éventuelle baisse des prix qui faciliterait la vie de nombreux candidats à la primo-accession, mais dont on redoute les effets économiques, potentiellement dévastateurs ? Cette question se pose alors même que se confirment les premiers signes d'un essoufflement tangible du marché : les chiffres du 1er trimestre qui commencent à arriver mettent en évidence de nombreux phénomènes de baisse prononcée des prix et de chute du volume des ventes, même s'ils restent encore localisés. Par ailleurs, nul ne peut encore mesurer les effets potentiels de contagion de situations de retournement sur des marchés proches comme l'Espagne ou de déstabilisation par effet de dominos à partir de la crise de l'immobilier nord-américain d'institutions financières françaises ou opérant en France...
En d'autres termes est-il opportun de multiplier les soutiens au marché par une augmentation des aides à la personne préconisées peu ou prou par les deux candidats (allocations logement, PTZ, déduction des intérêts d'emprunt), quitte à pousser à la propriété de nouvelles classes sociales aux ressources modestes, et au risque d'aggraver les difficultés inévitables qu'entraînerait pour ces nouveaux acquéreurs une baisse des prix que l'on n'aura pu malgré cela éviter ?
L'accession à la propriété est un objectif louable, mais pas forcément en haut de cycle, et pour les plus fragiles...
(1) ANIL, avril 2007 "L'accession à quel prix - la baisse des taux alourdit l’effort global des ménages"
Voir : - pour Nicolas Sarkozy : le Projet en 15 points
- pour Ségolène Royal : le pacte présidentiel - propositions 7-13
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