Un retournement annoncé
Ce n’est pas parce que les fondamentaux du marché sont bons - demande forte pour des raisons démographiques notamment - qu’une crise conjoncturelle n’est pas possible : c’était en résumé le point de vue exprimé déjà en janvier par Guy Marty, président de l’IEIF (Institut de l'épargne immobilière et foncière), dénonçant ainsi le pronostic répété depuis deux ans par la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier) : "un atterrissage en douceur ça n'existe pas, un marché ça monte ou ça descend" ! Selon lui, le retournement du marché se transmet plus brutalement sur le rythme des transactions que sur les prix, qui suivent à la baisse de manière amortie, et il voyait déjà que "c’est précisément ce à quoi nous sommes en train d’assister"...
Le président de l'IEIF n'était déjà pas seul à exprimer ce point de vue : en octobre 2007 l’institut Precepta, division du groupe Xerfi, prévoyait une baisse de 18% dans les 3 ans à venir, et le BIPE (Bureau d’information et de prévision économique), associé au courtier immobilier en ligne Empruntis dans un baromètre conjoint semestriel, qui avait déjà prévu le ralentissement de la fin 2007, passait en février de 3 à 5% sa prévision de baisse générale des prix pour 2008, et prévoit désormais une nouvelle baisse en 2009, de -4 à -6%. Les économistes des banques, HSBC et Crédit Agricole prédisent aussi depuis plusieurs mois un "ajustement" du marché plus marqué que prévu.
La nouveauté est désormais la traduction de ce retournement en chiffres, d'abord dans le neuf, puis dans l'ancien, y compris déjà chez les notaires, qui ne mesurent l'activité et les niveaux de prix qu'avec deux à quatre mois de retard sur les agents immobiliers, travaillant quant à eux sur les transactions dès la conclusion de l'avant-contrat de vente, promesse ou compromis...
Le ralentissement en chiffres dans le neuf...
Coup de tonnerre dans un ciel déjà chargé, les chiffres publiés fin mai pour le 1er trimestre 2008 par les services statistiques de la direction de l'urbanisme, de l’habitat et de la construction, la fameuse DGUHC, ont surpris jusqu'aux promoteurs-constructeurs, qui via une fédération bien organisée suivent pourtant leur activité avec une grande précision ! Au premier trimestre 2008, 26.700 logements de promotion immobilière ont été vendus, soit 27,9% de moins qu’au premier trimestre 2007. Le recul est de 10,3% par rapport aux douze mois précédents. Il est vrai que l'offre de neuf - "sur plans" pour l'essentiel - a tendance à s'ajuster assez rapidement ; les mises en vente ont suivi le même rythme : au cours du premier trimestre 2008, 28.800 logements ont été mis en vente, soit 28,3% de moins qu’au premier trimestre 2007. Le repli est de 19,3% par rapport au quatrième trimestre 2007. Les mises en vente de logements en immeubles collectifs ont reculé de 29,4% et celles de maisons de 21,0% par rapport au premier trimestre 2007. Du deuxième trimestre 2007 au premier trimestre 2008, ce sont 136.600 logements neufs qui ont été mis sur le marché, soit 11,6 % de moins que du deuxième trimestre 2006 au premier trimestre 2007, période au cours de laquelle le niveau des mises en ventes avait été particulièrement élevé.
Le niveau des ventes restant inférieur à celui des mises en ventes, l'encours de logements neufs proposés à la vente a tout de même continué de progresser. Au 31 mars 2008, il était de 105.600 logements, chiffre qui n’avait jamais été atteint de la décennie.
Le délai moyen d’écoulement reste à 11 mois pour le collectif et passe à douze mois pour l’individuel, ce qui de l'avis des professionnels n'est pas encore catastrophique, et ne s'est pas encore traduit dans les prix de vente : entre le premier trimestre 2007 et le premier trimestre 2008, le prix moyen au mètre carré des logements en immeubles collectifs a augmenté de 3,7%. A l'inverse, dans l’individuel le prix moyen du lot a baissé de 1,8 %. Une explication à cette résistance des prix : le stock de logements neufs en vente ne comprendrait d'après la Fédération des promoteurs-constructeurs (FPC) qu'à peine 3.000 logements achevés, et surtout plus de 57.000 logements seulement encore en projet, "véritable variable d’ajustement en cas de difficulté", selon un communiqué.
Il n'en reste pas moins que fin juin un des promoteurs les plus prestigieux, Kaufman & Broad dévissait en bourse après avoir annoncé une baisse d'un tiers de ses ventes et de 71% de son bénéfice, une semaine après avoir mis en vente 260 logements sur le site www.vente-privee.com avec des remises de 5 à 7% sur le prix catalogue...
L'ajustement de l'offre se traduira tôt ou tard sur les mises en chantier, et donc sur l'offre de demain: celles-ci avaient chuté de 18,8% sur un trimestre par rapport au trimestre précédent, et si sur un an elles ne marquaient qu'un léger recul (-0,8%) à 417.000 unités, celui-ci a toutes les chances de s'accentuer car les autorisations de construire étaient déjà en baisse de 9% sur un an et même de 16,3% sur 3 mois... Pire, ces chiffres masquent en fait des disparités, et des reculs encore plus flagrants : les mises en chantiers des logements collectifs ne reculent "que" de 4,6% sur 3 mois, et restent en hausse sur un an de 7,6 %, alors que les mises en chantiers de maisons sont en chute libre (sur 3 mois -36% pour l'individuel "pur", et -11,7% pour le "groupé", en fait les lotissements, et sur un an déjà respectivement -7,7% et -2,1% pour les mêmes catégories) !
...et dans l'ancien
Après avoir longtemps résisté à reconnaître la possibilité d'un retournement, parlant plutôt de "baisse de la hausse" ou d' "atterrissage en douceur", les différents milieux de professionnels admettent aujourd'hui plus ou moins nettement l'entrée dans une nouvelle phase du cycle. Présentant tour à tour leurs chiffres, les uns pour le 2ème trimestre, les autres pour le 1er semestre, tous reconnaissent une baisse brutale du nombre de transactions : de -10 à -15% en moyenne pour les agences Century 21 et Guy Hoquet, -6 à -10% pour les notaires d'Ile-de-France - les seuls qui publient des chiffres précis sur le nombre de ventes - et même -13% à Paris, alors qu'ils n'enregistrent les ventes qu'à leur signature, et que leurs chiffres reflètent en réalité les ventes conclues au 4ème trimestre 2007 ! Même convergence des avis sur les délais de vente, du moins chez ceux qui les mesurent : de 66 jours en 2005 ils frisent aujourd'hui les 90 jours, et ce n'est qu'une moyenne, susceptible de masquer des écarts importants entre les biens qui partent vite, car de qualité et bien situés, et ceux qui restent en vente un semestre et plus, car moins attractifs ou trop chers...
Côté prix, les chiffres concordent sur une tendance à la stabilisation de la moyenne nationale - en fait une hausse sur un an de moins de 2% chez les agents immobiliers et de 4%, retard oblige, chez les notaires -, avant une baisse éventuelle... De manière générale, les taux d'évolution sur un an montrent une certaine résistance des prix.
L'indice INSEE/Notaires publié le 2 juillet, seule donnée fiable sur l'évolution réelle de l'ensemble du marché - les professionnels n'en appréhendent qu'une grosse moitié -, mais qui ne traduit que les prix des transactions conclues fin 2007, indique une stabilisation globale des prix au 1er trimestre, même à Paris qui affiche encore une hausse de 9,4% sur 12 mois : sur les 3 premiers mois de 2008, l'indice général des prix marque une baisse de 0,8%, avec toutefois une hausse de 0,4% en Ile-de-France (mais encore +1,1% à Paris) et une baisse, plus forte, de 1,4% en province.
Les chiffres de juillet de la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier), qui reflètent l'évolution sur un an mais avec la prise en compte des transactions jusqu'à fin juin, ne mettent en évidence que peu de baisses : Bayonne (-3,8%), Boulogne (-3,4%), Colmar (-5,4%), Grenoble (-1,3%), La Rochelle (-6,8% !) ; petites baisses aussi pour Marseille, Limoges, Nîmes, Quimper, Rennes, Rodez...
Le réseau Century 21 (près de 1.000 agences dans toute la France) met en évidence des évolutions sur 6 mois et elles sont plus spectaculaires : des régions entières plongent comme le Limousin (-7,6%) et les Pays de Loire (-6,4%) ; plus réactif encore, le baromètre du site d'annonces Se Loger, établi à partir des demandes des vendeurs, voit en taux d'évolution sur 3 mois déjà certains arrondissements de Paris dévisser, comme le 19ème arrondissement (-4,4%), et des grandes villes comme Nice, Lyon ou Toulouse rejoindre la liste des villes qui baissent !
Presque tous prévoient aussi un tassement des prix voire une baisse modérée en 2008 et probablement en 2009 : le réseau Century 21 est le moins pessimiste, prévoyant que les prix au m² resteront en moyenne nationale stables, voire en légère baisse maximum de 2%, et voit les ajustements déjà enclenchés s'effectuer "marché par marché", leur amplitude étant directement liée à l'évolution des conditions de crédit. Le réseau Laforêt (850 agences) y va plus franchement en annonçant des prix à -10% en septembre 2008 et à -15% en septembre 2009 par rapport au point haut atteint en 2007 !
Selon les dirigeants du réseau Century 21, le marché est affecté par un triple "tiraillement" :
- des disparités régionales importantes : pour les maisons de + 7 % (région Centre) à – 5 % (Yvelines) et pour les appartements de + 8 % (Val-d'Oise) à – 12 % (Basse-Normandie) ; à l'intérieur même de chaque région, les écarts se creusent entre les centres villes dont, en règle générale les prix résistent (voire restent orientés à la hausse) et les banlieues et surtout les grandes banlieues où les prix accusent des baisses atteignant souvent 10 % ;
- l'écart entre la "demande structurelle" - celle liée aux besoins - et la "demande solvable" - celle des possibilités réelles d'achat -, sous le triple impact du resserrement des critères d'octroi des prêts par les banques, des hausses des taux de crédit (+1% en un an) et du renchérissement du prix des carburants ; du coup, les catégories d'acheteurs qui étaient les plus actives sur le marché, telles que les primo-accédants et les CSP Employés/Ouvriers qui, au cours des quatre dernières années, n'hésitaient pas à s'éloigner des villes pour satisfaire leur besoin d'accession à la propriété, se trouvent pour environ 20 % d'entre eux désolvabilisés et contraints de différer leur projet...
- l'écart entre les aspirations des vendeurs en matière de prix et le budget des acquéreurs, perceptible dans l'accroissement des délais de vente : 86 jours en moyenne soit un accroissement de 6 jours en un semestre) et celui des marges de négociation (5,49 % contre 5,13 % au 2e semestre 2007)...
En cause : la hausse des taux d’intérêt, orientés résolument à la hausse dans le sillage du discours orthodoxe de la BCE, des banques majoritairement désireuses de reconstituer leurs marges. Par contre, de nombreux observateurs, comme le BIPE et Empruntis, ne voient pas de réel assèchement du crédit : les critères de risque n’ont pas changé (sauf pour le crédit relais dont la quotité est en diminution par endroit), mais "la plus grande proportion d’emprunteurs aux limites des critères d’endettement rend la perception des règles plus stricte", indique l’étude. A preuve : "toutes les banques partenaires d’Empruntis.com offrent aujourd’hui des produits de financement à 100% et à 110% pour l’investissement locatif", et "les spécialisées proposent toujours du 110% pour tout type de projet", peut-ont notamment y lire...
Le courtier Meilleurtaux.com voit cependant un autre danger se profiler : les conditions de refinancement des banques sur le marché monétaire ont tendance à les rendre plus réticentes à proposer des crédits de longue durée : s'ajoutant aux effets de la hausse des taux, une réduction de la durée des prêts pourrait aggraver encore le coût de l'acquisition et désolvabiliser de nouvelles catégories de candidats à l'accession ou à l'investissement !
Vers une baisse des prix brutale ou rampante ?
Selon l’institut Precepta, division du groupe Xerfi déjà cité, la France ne peut faire exception dans le concert international de retournement des marchés immobiliers (Etats-Unis, Irlande, Royaume Uni, Espagne…), elle n’a pas fait exception pendant la phase montante du cycle (+131% entre 1997 et 2006) et cela tiendrait du miracle si elle le faisant dans la phase descendante, alors que sur une longue période la croissance des prix de l’immobilier ne s’est jamais écartée durablement de l’inflation. Or, cet écart s’est fortement creusé au cours des dix dernières années, ce qui laisse d’amples marges pour un réajustement à la baisse des prix de l’immobilier. Autrement dit, indique le groupe Xerfi, les excès passés devront être purgés, en France comme ailleurs ! Reste à savoir quelle sera l'ampleur de ce réajustement !
Du côté des ventes d’immobilier neuf, les promoteurs se veulent rassurants : la Fédération des promoteurs constructeurs (FPC) conteste toute comparaison du marché français de 2008 avec celui des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou de l’Espagne car l’écrasante majorité des prêts immobiliers est à taux fixe en France (85 %), et les banques y prêtent en fonction des revenus des emprunteurs et non de la valeur des biens qu’ils acquièrent, mais aussi toute comparaison avec la crise des années 90 : la FPC, la première, avait annoncé dès 2007 la baisse des ventes, permettant ainsi à la profession de s’y préparer et l’offre de 105 600 logements à la vente, tant stigmatisée, comprend moins de 3.000 logements neufs achevés, et plus de 57.000 logements encore en projet, véritable variable d’ajustement en cas de difficulté ! Pour le moment, indique aussi la FPC, le renouvellement de l’offre (mises en vente) suit parfaitement le rythme des ventes, évitant ainsi l’augmentation de l’offre totale et une baisse générale des prix...
Dans l'ancien, le marché est moins sous contrôle. De nombreux signes montrent qu'une forte demande est toujours là, et prête à s'exprimer dès lors que le prix d'achat permet à l'opération de respecter les critères de solvabilité qui conditionnent son financement. "Les acheteurs n’hésitent plus désormais à faire aux vendeurs des offres inférieures de 10% par rapport au prix demandé", indiquaient début juillet les dirigeants du réseau Laforêt, ajoutant que le nombre de demandes excède très largement le nombre d'offres, mais que celles-ci ne peuvent encore s'exprimer aux prix qui sont demandés !
Du coup, à durées de prêts et taux d'intérêts constants, chaque point de baisse des prix est de nature à resolvabiliser des centaines de milliers d'acquéreurs. Les mois qui viennent seront cruciaux car ils permettront de tester à la fois les limites de résistance des vendeurs à la baisse, et les seuils de déclenchement des achats ! Nul doute qu'une baisse brutale des prix serait de nature à faire redémarrer le marché plus rapidement qu'un marasme rampant qui verrait perdurer prix élevés et attentisme des clients...
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