La fin d'un enrichissement illusoire
Si la hausse des prix de l'immobilier a pu avoir un effet euphorisant pour la grosse moitié de français propriétaires de leur logement ou d'un bien de rapport, elle a non seulement contribué à mettre l'accession hors d'atteinte de couches de plus en plus larges de locataires, mais aussi à gêner progressivement les transactions de confort, la mise de fonds exigée pour passer d'un bien à un autre plus grand ou mieux équipé augmentant par l'effet de bulle. Et ce malgré des mesures couteuses comme le crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt (2,4 milliards d'euros en année pleine !), dont le seul effet ne semble avoir été, comme de nombreux observateurs avaient averti, que d'alimenter encore un peu la hausse des prix, puis de retarder le retournement de la tendance...
Cette euphorie s'est avérée aussi communicative que dangereuse : l'emballement du crédit bon marché et facile a entraîné de nombreux acquéreurs à acheter à des prix déraisonnables et susceptibles de "dévisser" malgré les assurances prodiguées par les milieux professionnels, alors que la dette contractée pour les acheter est fixe. En les encourageant à s'endetter, on a surtout favorisé le renchérissement sans précédent du foncier. Selon l'INSEE, le prix du terrain représentait, en 2007, 56 % de la valeur du logement, contre 20%, en 1978, ce qui revient à dire qu'en trente ans, sa valeur a progressé de 572%, tandis que le bâtiment seul ne gagnait que 32%...
Au contraire, même si la baisse des prix donne le sentiment à de nombreux propriétaires d'un appauvrissement, celui-ci n'est qu'apparent, sauf pour ceux qui doivent se défaire d'un patrimoine immobilier sans réinvestir immédiatement ; par contre, combiné à une baisse à nouveau spectaculaire des taux d'intérêt, elle resolvabilise de nombreux primo-accédants qui peuvent à nouveau, pour peu que les banques sortent de leur tétanie, envisager des projets qui étaient hors d'atteinte il y a encore un an !
En cela, la crise vient à point nommer palier l'échec de décennies de politique du logement comme le montre une analyse de l'institut Xerfi publiée en avril (1).
Politique du logement : l’échec français
"Quelle que soit leur couleur, tous les gouvernements font du logement une priorité : en parole. Cela se traduit par une superposition de lois et de règlementations. Un véritable maquis dans lequel même les experts se perdent. C’est surtout totalement inefficace", pointent les auteurs de l'institut d'études économiques, puisque malgré les plans successifs, il manque toujours 800.000 logements accessibles, et que selon les chiffres incontestés de la Fondation Abbé Pierre, 1 million de personnes sont encore privées de logement personnel...
En cause, le désengagement de la collectivité en faveur du logement opéré sur une longue période malgré les annonces spectaculaires et les effets médiatiques : la part des dépenses rapportées au PIB est passée de plus de 2% en 2000 à moins de 1,8% en 2008. Concrètement, cela se traduit par une construction neuve de moins en moins sociale : depuis 2004 moins de 50% des logements construits correspondent à des logements qui seront octroyés sous conditions de ressources ou à des loyers inférieurs à ceux du marché libre.
En conséquence, le poids des dépenses courantes de logement des ménages n'a cessé de s’alourdir au fil du temps et surtout de progresser plus rapidement que le revenu et de prendre le pas sur d'autres dépenses. "La racine du problème est donc bien le prix du logement (même si l’ensemble des charges tendent à augmenter) : le poids des charges financières (loyers ou remboursements d’emprunts) dans le budget de l’ensemble des ménages est passé de 7,7% à 11,4%.
Calculé uniquement sur ceux qui doivent s’acquitter de ces charges (locataire et accédant, excluant donc les propriétaires qui ont fini de rembourser leurs emprunts), le taux d’effort a quasiment doublé pour atteindre près de 20% en 2006.
Pire encore si l'on ajoute toutes les dépenses liées à l’usage courant du logement telles que les dépenses de chauffage, d’éclairage, de cuisson ou de production d’eau chaude et d’eau froide, l’entretien du logement et des parties communes, les primes d’assurances et les taxes...
Des classes moyennes asphyxiées
Le dernier rapport du Credoc (2) met en évidence le poids de plus en plus écrasant des "dépenses contraintes" (logement, eau, gaz, électricité, téléphone, assurance) qui, avec les dépenses "incontournables" (alimentation, transports, santé, éducation) représentent 80% des budgets "médians" (classes moyennes, 1.467 euros de ressources par personne) ! Elles ne représentent que 65% du budget des budgets des 10% des personnes les plus riches. En 2008, 72% des ménages des classes moyennes inférieures déclarent s’imposer régulièrement des restrictions, mais ils sont aussi 59% dans les classes moyennes supérieures !
Il faut par contre reconnaître que l’augmentation du coût du logement reflète aussi une amélioration du confort : sur une longue période, le parc des logements rajeunit, la qualité s’améliore par la généralisation des installations sanitaires et électriques, par l’utilisation de matériaux plus performants, par la mise en place d’équipements de plus en plus sophistiqués... La taille des logements a aussi augmenté: depuis le début des années 1960, les français ont gagné une pièce (un logement compte en moyenne 4 pièces aujourd’hui, contre 3 en 1962). Le nombre moyen de personnes par foyer ayant diminué, la surface moyenne par personne est passée de 31 mètres carrés en 1984 à 40 mètres carrés en 2006.
Il n'empêche que dans un contexte économique de stagnation des revenus depuis de nombreuses années (et pas seulement depuis la crise !), cette amélioration qui correspond aussi à une exigence culturelle coute cher et fait vivre une part croissante des ménages à la limite de leurs moyens, phénomène qui se traduit dans l'évolution des impayés.
Une raison de plus de se réjouir, voire même d'encourager une baisse des prix que les estimations situent aujourd'hui entre 20 et 30% par rapport au plus haut atteint début 2008, et qui fera repartir le marché d'autant plus vite qu'elle sera franche ! A condition bien entendu que la crise économique n'ampute pas le pourvoir d'achat encore plus fortement...
(1) Xerfi Previsis - n° 144 - avril 2009 - Dossier spécial p.20 : "Politiques du logement : l'échec français"
(2) CREDOC - n°219 - mars 2009 : "Les classes moyennes sous pression"
Voir aussi l'excellente étude de Bernard Vorms pour l'ANIL "Système financier mondial, marché du logement national - Les politiques d'aide à l'accession à la propriété à la lumière de la crise" - mars 2009
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Commentaire posté par
Daphné
, le
10/8/2009 à 02h32 En matière de pouvoir d’achat, j'ai souvent l’impression que tout ce qui n’est pas indispensable devient moins cher, et je suis de mieux en mieux fournie en biens d’équipement en tous genres. En revanche, le poids de tout ce qui est logement s’alourdit d’année en année: prix au m² (acheté ou loué), ressources (électricité, eau, gaz), charges et dépenses en travaux. J’ai l’impression que les mesures pour encourager l’accès à la propriété menées par les gouvernements successifs (baisse des droits de mutation, prêts à taux favorables, etc…) sont systématiquement anéanties par la loi de l’offre et la demande: l’offre est tellement faible par rapport à la demande que dès que les frais d’accession diminuent, les prix demandés par les vendeurs augmentent proportionnellement. Bref, il me semble que ces politiques de relance ne riment à rien dans le contexte actuel. Comme cet article, je suis d’avis qu’une bonne petite “crise” immobilière serait bienvenue, si on ne veut pas vivre à plusieurs dans des cages à lapins. Cependant, l’idéal serait que la “crise” consiste en une réelle baisse des prix, sans qu’il y ait nécessairement une diminution des transactions et des constructions comme cela se produit actuellement. L’activité relative à l’immobilier s’effondre, ce qui engendre faillites et chomage, alors que les prix restent exhorbitants. Evidemment, si les prix baissent fortement, ceux qui ont acheté leur résidence principale au prix fort auraient peut être la sensation d’être lésés. Mais ils doivent penser aussi que la baisse des prix leur confèrerait un regain de pouvoir d’achat immobilier qui leur permettrait d’acheter plus de surface dans le futur.
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