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ACTUS
Marché immobilier : quel crédit accorder aux analyses des banques ?
Le
14/11/2009
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Pour avoir présenté une vision réaliste des risques encourus par les candidats investisseurs en "Scellier" dans certaines régions, le directeur de l'observatoire immobilier du Crédit foncier a été licencié par son employeur : l'étude qu'il a présenté à la presse en juillet 2009 sans consultation préalable de sa hiérarchie a été, selon des informations rapportées par Le Monde, jugée "à la tonalité générale trop négative, en trop grand décalage par rapport au discours général volontariste de relance, préjudiciable à la notoriété du Crédit foncier". Cette information, apparemment non démentie, jette une suspicion grave sur les analyses publiées par les institutions financières, censées être celles d'économistes au moins intellectuellement indépendants. Le plus inquiétant est qu'elle ne semble pas avoir provoqué chez ces derniers le sursaut auquel on aurait pu s'attendre, leur passivité face à une mise en cause de leur liberté d'analyse risquant de les discréditer durablement...
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En cause : une cartographie des risques du Scellier
Selon un article du quotidien Le Monde, le directeur de l'observatoire immobilier du Crédit foncier, Jean-Michel Ciuch, a été licencié le 31 juillet pour avoir tenu, dans la presse et sans en référer à sa hiérarchie, des propos sur le marché immobilier "à la tonalité générale trop négative, en trop grand décalage par rapport au discours général volontariste de relance, préjudiciable à la notoriété du Crédit foncier". Si le licenciement évoque des propos repris dans un article de La Tribune, daté du 4 juillet 2009, sur la conjoncture dans l'immobilier d'entreprise, pour Le Monde qui mentionne plusieurs sources internes concordantes, l'étude qui aurait provoqué le licenciement est celle présentée à la presse le 7 juillet 2009, à propos du marché locatif résidentiel, qui a rencontré un large écho dans les médias (1).
L'étude (2) désignait une centaine de communes, dont une soixantaine de plus de 50.000 habitants, situées dans les zones d'éligibilité aux régimes "Robien", "Borloo" et "Scellier", et où l'offre de logements locatifs est déjà ou est susceptible de devenir rapidement excédentaire, mettant en danger les investisseurs qui y achètent des logements attirés par l'avantage fiscal auquel ils ouvrent droit, y déconseillant l'investissement immobilier. Une carte de France des zones concernées y était montrée, qui aurait fait réagir de grands promoteurs tels Nexity, filiale, comme le Crédit foncier, des Caisses d'épargne, et François Pérol lui-même, devenu, en février, président de Banque populaire-Caisse d'épargne (BPCE). En plein plan de relance de l'économie, le tout nouveau secrétaire d'Etat au logement, Benoist Apparu s'était cru aussi obligé de se mettre à la rescousse des promoteurs, réagissant lui aussi, dans un communiqué du 8 juillet, et prenant la défense du "Scellier" en réaffirmant que "l'objet de cette incitation fiscale est avant tout de soutenir le secteur du logement et d'accroître l'offre sur le locatif dans les villes où la demande est forte".
Que le Crédit foncier craigne d'être pénalisé par des informations risquant de décourager l'achat de logements, donc la distribution de crédits, notamment aux particuliers investisseurs, un créneau porteur pour cet établissement, comme le fait remarquer Le Monde, cela se comprend, d'autant qu'une évolution négative du marché augmente aussi ses besoins en fonds propres pour couvrir le niveau accru des risques encourus sur les prêts déjà octroyés. Mais alors qu'il garde pour lui-même les études de ses économistes et ne prétende pas en même temps en tirer un avantage en termes de communication institutionnelle !
Le précédent des "subprime"
Cette désastreuse affaire n'est pas sans rappeler la communication imposée par les institutions financières américaines à leurs analystes financiers sur les produits de placement qu'elles savaient "toxiques", car contenant des titres représentatifs de crédits "subprime", ruinant leur crédibilité après avoir précipité l'économie mondiale dans la crise que l'on sait ! Il a été découvert après coup que ces analystes, en même temps qu'ils donnaient des avis favorables sur des produits qui se sont avérés "pourris", s'échangeaient entre eux des e-mails dans lesquels il apparaît clairement qu'ils savaient à quoi s'en tenir...
Ce qui étonne aussi pour des professions - analystes financiers comme économistes de banque - dont la parole est susceptible d'influencer les marchés, c'est la faiblesse de leurs réactions quand des dirigeants à l'éthique approximative les mettent en situation de voir ruinée ce qui fait leur raison d'être, à savoir le crédit que l'on accorde à leur indépendance. Nulle rumeur de grève n'est venue du Crédit Foncier, institution créée en 1852, dotée d'un service d'expertise immobilière d'une centaine de professionnels, pas plus qu'il n'y en a eu chez Morgan Stanley...
En tous cas, nous voilà prévenus : si à l'avenir le Crédit Foncier nous brosse une image optimiste du marché et annonce sa reprise, il ne faudra surtout ne pas le croire : ce ne sera que pour soutenir le principal moteur de son activité...
(1) notre article du 13 juillet 2009 : "Immobilier locatif : et si l'offre du parc privé devenait excédentaire..."
(2) Crédit Foncier, juillet 2009 : "L’investissement en immobilier résidentiel neuf Cartographie régionale des risques - Synthèse"
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