Le plan de rénovation énergétique se mue en plan d'urgence pour le logement
C'est au cours d'une réunion ministérielle à l'Elysée pour les arbitrages sur le plan de rénovation énergétique des logements, en présence notamment des ministres Cécile Duflot et Delphine Batho, le 26 février, que le gouvernement, alerté par l'effondrement des ventes et des mises en chantier de logements neufs et par le marasme de l'ensemble de la filière du bâtiment a souhaité englober les mesures en faveur de l'amélioration de la performance thermique dans un plan de relance plus vaste en faveur du logement. Il a été présenté par le président de la République lui-même à l'occasion d'un déplacement à Alfortville, à la suite d'une réunion de dernier cadrage avec les ministres concernés.
A noter que le recul de l'activité et la chute des ventes avaient commencé bien avant l'arrivée du gouvernement actuel, et sont imputables davantage à une crise européenne aggravée par l'austérité commencée sous l'ancienne majorité, qu'aux mesures fiscales - elles-mêmes partagées entre l'ancienne et la nouvelle majorité - que les acteurs économiques ont beau jeu de dénoncer comme la cause de tous les maux.
Mais les acteurs du bâtiment et les promoteurs n'ont eu de cesse ces derniers mois de dénoncer, notamment dans les concertations organisées dans le cadre de l'élaboration du projet de loi "Logement et urbanisme", qu'il est toujours prévu de présenter en conseil des ministres avant l'été, les freins règlementaires et juridiques à l'aboutissement des projets de construction de logements. Le gouvernement s'est laissé convaincre que des mesures techniques, rapides à prendre, étaient susceptibles de lever ces obstacles, et a décidé d'utiliser la voie des ordonnances, procédure censée être adaptée à la situation d'urgence que connaît le secteur.
D'ici la fin du mois d'avril, il déposera donc au Parlement un projet de loi d'habilitation. Ces mesures d'urgence viseront à diviser par 3 les délais de procédure des autorisations d'urbanisme - l'outil de la déclaration de projet va être renforcé pour faciliter la réalisation d'opérations d'aménagement et de construction, et la concertation des citoyens et l'évaluation environnementale seront améliorées en amont - et par 2 la durée de traitement des contentieux du permis de construire et notamment les recours des tiers ; là encore il sera procédé par voie d'ordonnance et les sanctions pour recours abusifs seront alourdies.
Trouver du foncier et des investisseurs, encourager la construction
Plusieurs mesures sont également annoncées pour favoriser la construction au plus près des besoins, en particulier en Ile-de-France, en y permettant plusieurs dérogations aux règles d'urbanisme : elles auront pour but de densifier la ville et lutter contre l'étalement urbain, en facilitant la construction sur les "dents creuses", ces immeubles qui ne comportent qu'un ou deux étages et sont insérés entre des bâtiments plus hauts, la surélévation des immeubles de logements, et la transformation des immeubles de bureaux en logements ; les obligations de stationnement fixées aux constructeurs ne pourront pas être supérieures à une place de parking par logement dès lors que leur projet de construction est prévu à proximité d'une gare ou d'une station de transport collectif.
Il a été annoncé également la création d'un "géo-portail de l'urbanisme" accessible à tous, la suppression de la garantie "intrinsèque" pour sécuriser les ventes en état futur d'achèvement" (VEFA), la création d'un mode de vente sur plan d'appartements "prêts à aménager" pour les acquéreurs qui souhaitent finir eux-mêmes le second oeuvre...
Par ailleurs, un effort particulier sera fait pour relancer le secteur du logement intermédiaire, en attendant de voir y revenir les assureurs-vie et autres investisseurs institutionnels, avec lesquels les discussions patinent : un statut de ce type de logements va être défini (respect d'un plafond de loyer de niveau intermédiaire, ainsi que de plafonds de ressources du locataire), afin qu'il puisse être prescrit par les collectivités dans les zones tendues, où il existe un écart important entre les loyers pratiqués dans le parc social et les loyers de marché. Il serait réservé aux logements neufs, afin d'encourager à la construction. Afin d'enclencher cette mobilisation pour le logement intermédiaire, la Caisse des dépôts, au travers de sa filiale, la SNI, lancera cette année la construction de 10.000 logements intermédiaires.
Enfin, afin de lutter efficacement contre la rétention foncière, il est annoncé la suppression de tout avantage pour durée de détention des terrains constructibles. C'est la reprise de l'idée de créer un "choc d'offre", stoppée net en fin d'année dernière par le Conseil constitutionnel ; la mesure s'appliquerait à toutes les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2014 (les plus-values sur des cessions résultant de promesses de vente enregistrées jusqu'au 31 décembre 2013 conserveraient le bénéfice du régime actuel d'abattement). L'objectif est bien d'encourager les personnes propriétaires de terrains constructibles depuis de nombreuses années à bénéficier, en cas de vente intervenant avant cette date, du dispositif actuel qui leur ouvre droit à un abattement significatif (voire à une exonération) sur leur plus-value.
Mais quand on sait que là où du foncier est disponible, des maires bloquent des programmes de logements sociaux pour ne pas déplaire à leurs électeurs, restreignent l'ampleur des programmes privés pour éviter d'avoir à faire suivre les équipements collectifs (écoles, crèches, équipements sportifs et culturels), ou privilégient l'immobilier d'entreprise pour développer les emplois et les recettes fiscales, on se dit que des réformes plus structurelles sont nécessaires, et que la loi "SRU", même renforcée n'y suffira pas...
Créer un choc de simplification
Autre domaine d'action : la simplification des "normes" pour donner aux acteurs la stabilité juridique dont ils ont besoin pour construire plus vite ; le gouvernement promet un moratoire de deux ans sur l'instauration de nouvelles normes techniques et affirme mener parallèlement une évaluation globale des normes existantes de construction. "Il ne s'agira pas de déréglementer mais de se passer des normes présentant le rapport coût/efficacité le moins probant", indique le communiqué du ministère du logement, et de "réformer certaines réglementations aujourd'hui rédigées avec des objectifs de moyens et non avec des objectifs de résultats, ce qui limite les possibilités de créativité et d'innovation des acteurs du bâtiment" ; sur ce point il faudra juger le gouvernement aux actes, des promesses de simplification des "normes" ayant été souvent faites sans que l'on sache jamais avec précision celles qui étaient visées...
Reste à savoir si un réel "choc de simplification", pour reprendre les termes de l'intervention télévisée du président de la République le 28 mars, est possible, et s'il est vraiment susceptible de permettre une baisse sensible des prix, seule condition d'un redémarrage des ventes de logements neufs. Car le marasme de la construction privée, celle qui est le plus en souffrance, vient de la désolvabilisation des acquéreurs potentiels, ou de leur manque d'appétence à l'investissement immobilier par manque de rendement, réduction des carottes fiscales et disparition - pour un temps au moins - des espoirs de plus-value...
Mais croit-on qu'il suffira de ne plus imposer de normes sismiques excessives là où la terre n'a jamais tremblé, comme le suggère le rapport qu'Alain Lambert, président de la Commission consultative d’évaluation des normes, et Jean-Claude Boulard, maire (PS) du Mans, ont remis au Premier ministre ce 26 mars 2013 ? Il faudrait taper dans le dur et mettre en veilleuse comme le suggèrent certains les normes d'accessibilité (un ajustement de certaines contraintes est certes utile, comme ne pas imposer l'accessibilité à tous les étages, mais cela reste à la marge...), voire même les normes thermiques ! Une régression de plusieurs années, ou l'acceptation d'une construction au rabais, pour pauvres, dont on sait ce que cela donne quelques décennies plus tard !
La rénovation énergétique passe au second plan
Si le gouvernement réaffirme sa volonté de lancer à grande échelle la rénovation énergétique de l'habitat, les mesures annoncées laissent dubitatif : certes la mise en place sur tout le territoire d'ici à l'été 2013 un véritable service public de la rénovation énergétique, réseau de guichets uniques permettant de simplifier les démarches des particuliers et à chaque ménage de bénéficier des aides auxquelles il peut prétendre, n'est pas inutile. Mettre 1.000 ambassadeurs de la rénovation énergétique qui iront à la rencontre des ménages en situation de précarité énergétique, et des financements renforcés et incitatifs, pour les ménages modestes comme pour les classes moyennes non plus ! Mais la prime exceptionnelle de 1.350 euros, en plus des autres aides pendant 2 ans aux ménages qui en ont le plus besoin, n'est prévue que pour les ménages à revenus annuels maximum de 35.000 euros pour un couple, et ne fera qu'effleurer les catégories les plus modestes des classes moyennes... Enfin, penser qu'une fois le plan amorcé sur 2013 et 2014, un dispositif de tiers-financement venant suppléer les subventions publiques à compter de 2015 permettra d'atteindre, en vitesse de croisière, 380.000 rénovations lourdes chaque année dans l'habitat privé, relève du plan sur la comète...
Même avec la mise en place de tiers instructeurs techniques pour assister les banques dans l'instruction des éco-prêts à taux zéro ("Eco-PTZ"), aujourd'hui boudés par ceux qui sont censés les distribuer...
Il n'y a notamment rien encore de tangible en faveur des copropriétés, en dehors d'une assistance accrue que pourront leur apporter les "guichets uniques" de l'ADEME et des collectivités, sous réserve qu'ils soient dotés de moyens suffisants et que leurs équipes soient formées aux contraintes particulières de l'action en copropriété...
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