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Des plafonds de loyer excessivement généreux ?
L'argumentaire du secrétaire d'Etat chargé du logement, Benoist Apparu, présentant le 26 août à la presse les plafonds révisés pour les investissements qui interviendront à compter du 1er janvier 2011, sonne comme un aveu : les plafonds de loyer applicables aujourd'hui aux investissements locatifs sous le régime "Scellier" sont excessifs dans la plupart des secteurs où la réduction d'impôt est accessible (toutes zones sauf zone C - v. notre section des indices et chiffres-clés).
Une étude privée, de la société d'expertises immobilières Immogroup Consulting avait en mai dernier confirmé ce que l'Observatoire CLAMEUR, auquel l'Etat participe, avait déjà indirectement révélé : les plafonds de loyers du régime "Scellier" sont supérieurs aux loyers de marché dans tout ou partie des trois quarts des agglomérations situées en zone classée B2 (marché locatif moyennement tendu - agglomérations comprenant entre 50.000 et 250.000 habitants), des deux tiers de celles situées en zone B1 (marché un peu plus tendu - agglomérations de plus de 250.000 habitants, Corse, grande couronne parisienne) et de 40% des agglomérations de zone A (marché locatif en pénurie), notamment une large partie de la première et seconde couronne parisienne. Le décalage entre les plafonds de loyers autorisés par ce régime fiscal et les prix réels du marché tend à s’accroître dans les bassins économiques en difficulté.
Les moyennes des écarts par région sont éloquentes : Aquitaine de 10 à 40%, Ile-de-France (1ère et 2ème couronnes) et Bourgogne de 5 à 35%, Champagne-Ardenne et Alsace Lorraine : de 10 à 30%, Côte d’Azur, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon de 10 à 40%, Haute Normandie de 8 à 35%, Nord-Pas-de-Calais de 5 à 40%, Rhône-Alpes de 10 à 25%...
Lorsque c'est le cas, les investisseurs bénéficient d'un avantage fiscal sans contrepartie de modération de loyer - effet d'aubaine coûteux pour les finances publiques (environ 60.000 euros par logement sur la totalité de la période d'application de la réduction d'impôt) ; une telle politique peut se justifier, comme à l'époque des régimes "Méhaignerie" ou "Périssol", s'il s'agit d'encourager un investissement dans l'immobilier concurrencé par d'autres placements plus attractifs. Or ce n'est pas le cas actuellement où l'immobilier est devenu un placement refuge, sans grand risque quand on sait se border (GRL, assurances contre la vacance et la perte à la revente), et à rendement correct quoi qu'on en dise.
Cette situation présente aussi des dangers pour les investisseurs qui peuvent, afin d'être incités à acheter, se voir présenter comme praticables des loyers proches des loyers plafonds mais nettement supérieurs aux loyers du marché. Il leur est alors difficile de trouver des locataires et peuvent se retrouver piégés, la location effective du bien conditionnant le bénéfice de la réduction d'impôt...
C'est évidemment sur ce registre, de la défense du petit investisseur, que le secrétaire d'Etat a fondé la justification de son "tour de vis", le présentant comme une "opération vérité" et de moralisation du marché : "le Scellier est un produit de logement et en aucun cas un produit financier", a notamment déclaré M.Apparu, rappelant qu'il faut une contrepartie sociale à l'avantage fiscal consenti...
Le secrétaire d'Etat ajoute qu'il présentera "d'ici à trois semaines la refonte globale des aides à l'accession à la propriété" et que le dispositif Scellier sera "bien entendu concerné" par l'abaissement des niches fiscales voulu par le gouvernement.
Curieusement, les promoteurs à qui l'avantage fiscal a permis en 2009 de réaliser environ les deux tiers des 105.000 ventes de logements neufs, ne sont pas catastrophés par la nouvelle : la FPC a fait part sans tarder dans un communiqué de son approbation, estimant que les ajustements présentés "permettent de sécuriser les investisseurs et de consolider un dispositif qui induit 12 milliards d’investissements et 120 000 emplois par an". A preuve que même avec des plafonds de loyers "rabotés", le Scellier est loin d'être mort, alors que le gouvernement n'y est pas allé avec le dos de la cuillère...
Une réduction drastique de la quasi-totalité des plafonds de loyer
Le secrétaire d'Etat chargé du logement, Benoist Apparu, a présenté le 26 août à la presse les plafonds révisés pour les investissements qui interviendront à compter du 1er janvier 2011 : logements acquis à compter du 1er janvier 2011 (signature de l'acte authentique devant le notaire), ou logements dont la demande de permis de construire a été déposée à compter du 1er janvier 2011, s'agissant de logements que le contribuable fait construire. Il a tenu à préciser que les logements acquis avant fin 2010 ne sont pas concernés par cette disposition, les plafonds de loyers restant donc inchangés.
Il est créé une zone A bis, composée de Boulogne-Billancourt, Clichy, Issy-Les-Moulineaux, Levallois-Perret, Malakoff, Montrouge, Neuilly-Sur-Seine, Puteaux, Saint-Cloud, Suresnes, Vanves, Aubervilliers, Bagnolet, Lilas, Montreuil, Pantin, Pre-Saint-Gervais, Saint-Denis, Saint-Ouen, Charenton-Le-Pont, Fontenay-Sous-Bois, Gentilly, Ivry-Sur-Seine, Joinville-Le-Pont, Kremlin-Bicetre, Nogent-Sur-Marne, Saint-Mandé, Saint-Maurice, Vincennes, et Paris. Les plafonds de cette zone seront ceux actuels de la zone A ; les plafonds des autres zones sont par contre tous réduits, dans une proportion allant de 14 à 26%. Ainsi, les plafonds du reste de la zone A passent de 21,72 à 16,10 euros par m2 et par an pour le secteur libre et de 17,38 à 12,90 pour le secteur intermédiaire (1) ; ceux de la zone B1 passent respectivement de 15,10 à 13 et de 12,08 à 9,90, et ceux de la zone B2 de 12,35 à 10,60 et de 9,88 à 8,50 (v. notre section des indices et chiffres-clés mise à jour).
Ce faisant, le gouvernement achève de prendre le contre-pied de l'approche d'un Robien, revenant en 2002 à une politique d'incitation sans contraintes excessives après celle d'un Louis Besson ou d'une Marie-Noëlle Lienemann, adeptes au contraire de dispositifs à forte contrepartie sociale. Ce retour à la justification de l'avantage fiscal par la contrepartie en matière de loyers avait été timidement amorcée par Jean-Louis Borloo, sans grand succès. Il fait aujourd'hui consensus, y compris dans les milieux proches des propriétaires, qui réclament un statut fiscal cohérent du bailleur, offrant une imposition inversement proportionnelle au taux d'effort consenti sur les loyers...
Le problème est que les régimes d'incitation avec forte contrepartie sociale (le "Besson neuf", le "Lienemann", le "Borloo neuf", le "Borloo ancien" avec convention ANAH) n'ont jamais eu un succès suffisant chez les investisseurs pour peser efficacement sur les loyers...
Un timide retour en zone C
La zone C, essentiellement rurale et de petites agglomérations avait été exclue à la fois du régime "Robien", aujourd'hui arrêté, et du régime "Scellier" ; toutefois, sous la pression d'élus locaux trouvant cette exclusion injuste dans certains secteurs présentant quelques tensions locatives, le parlement a dans un amendement à la loi de finances pour 2010 devenu l'article 83, après une première tentative avortée courant 2009, réintroduit la possibilité de bénéficier du régime "Scellier" dans les communes classées en zone C lorsqu'elles ont fait l'objet d'un agrément ministériel sur demande des collectivités territoriales concernées en fonction des besoins en logements adaptés à la population. Pour l'application éventuelle de cette possibilité, le gouvernement a fixé les plafonds de loyers applicables : ils seront de 6,10 euros par m2 et par en en secteur libre et de 4,90 euros en secteur intermédiaire.
La procédure pour les communes demanderesses est contraignante : le dossier de demande devra comporter en particulier le programme local de l’habitat lorsqu’il est obligatoire, et tous les éléments de nature à établir l’importance des besoins en logement non satisfaits. L’instruction du dossier sera complétée par l’avis obligatoire du comité régional de l’habitat, saisi par le préfet du département concerné à la demande du ministre. La décision reposera sur l’examen d’une liste d’indicateurs statistiques servant à apprécier les tensions du marché immobilier et les besoins en logement locatif (nombre de transactions immobilières rapporté à la population, taux de mobilité dans le parc social, prix moyen au mètre carré, solde démographique etc.). Enfin, l’agrément délivré aura une durée de validité de trois ans.
(1) locations respectant les plafonds de loyer du régime "Borloo neuf" (ou "Borloo populaire"), donnant droit en plus de la réduction d'impôt à une déduction forfaitaire spécifique de 30% sur les revenus fonciers
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