Alors,
au nom de cette logique d'exigence, fallait-il alourdir
jusqu'à l'insupportable la taxation des plus-values
de cession sur les biens logements locatifs, les résidences
secondaires et les terrains, supprimer le dispositif
Scellier, supprimer le PTZ+ dans l'ancien et augmenter
la TVA sur les travaux ? Encore ne fais-je pas la liste
exhaustive des efforts demandés à l'immobilier,
dans le premier plan annoncé le 24 août
et dans le projet de loi de finances initiale pour 2012
examiné par le Parlement. On peut en outre redouter
que les coups continuent de pleuvoir dans une loi de
finances rectificative du début de l'année
prochaine, lorsqu'on y verra plus clair sur la croissance
réelle, qui risque de décevoir.
Je
fais trois observations : le tribut payé par
l'immobilier est disproportionné par rapport
aux efforts consentis par les autres secteurs, la politique
immobilière est mise à mal, et le gouvernement
et le parlement font peser sur la croissance un péril
considérable.
La
disproportion d'abord. Tout s'est passé comme
si l'immobilier était un secteur nanti, outrageusement
favorisé, qu'il était nécessaire
d'aligner sur les autres secteurs d'activité.
La réalité n'est pas celle-là.
Structurellement, le décalage entre le coût
du logement pour les ménages et leur pouvoir
d'achat instantané rend indispensable l'intervention
publique, et ce, depuis toujours. Il est de la mission
de l'Etat de créer des amortisseurs financiers
pour l'accès au logement. Imaginer que les prix
des terrains à construire, des biens neufs et
des logements anciens vont s'ajuster assez vite et assez
fort pour que le marché puisse n'être pas
pénalisé et que les Français puissent
continuer à réaliser leurs projets est
illusoire.
En
deuxième lieu, les dernières décisions
budgétaires annulent toute politique du logement.
On ne conteste plus qu'il existe un parcours résidentiel,
et il est du rôle des politiques publiques de
le permettre et de le faciliter. Sans PTZ+ dans l'ancien
et sans Scellier, la chaîne du logement perd deux
maillons essentiels et se rompt : comment le locataire
du parc HLM va-t-il primo-accéder désormais
? Comment celui qui est déjà propriétaire
de son logement va-t-il pouvoir investir et du même
coup enrichir le parc locatif ? A la clef, la hausse
des loyers du fait de l'accroissement des tensions de
marché est certaine. On a ruiné la politique
du logement existante, alors qu'il aurait fallu au contraire
enrichir la palette des outils, en particulier en encourageant
la construction, par tous les moyens, de l'augmentation
de la densité à la libération du
foncier.
Je
m'étonne enfin que le gouvernement se comporte
en comptable, et pas en économiste, choisissant
des décisions à courte vue sans considération
de leurs conséquences. Au demeurant, l'obligation
constitutionnelle de procéder à des études
d'impact avant toute réforme fiscale ou financière
est totalement oubliée... Ce devait être
une sorte de luxe politique, qui n'a plus de sens en
période de crise.
Et
pourtant ! Les professionnels de l'immobilier sentent
bien que le marché va perdre l'essentiel de son
souffle et de sa vigueur. La première conséquence,
au fond la plus lourde, va être ces milliers de
parcours résidentiels et patrimoniaux compromis,
des locataires étant dans l'incapacité
d'accéder, ou encore des propriétaires
de résidences principales étant dissuadés
d'investir dans un bien locatif. On est certain aussi
que le nouveau régime des plus-values va conduire
des propriétaires de terrain à les conserver,
freinant les constructions et menant à une inflation
du prix du foncier. En fait, la France, peut-être
pour la première fois de son histoire depuis
la Reconstruction, n'a plus de politique du logement.
L'austérité mal comprise l'a tuée.
Mais
ce marché sans énergie, asthénique,
ne procurera pas non plus à l'Etat et aux collectivités
les recettes fiscales attendues. L'objectif de réduire
les dépenses et de préserver les recettes
ne sera évidemment pas atteint. L'approche étroitement
comptable va épuiser l'économie et casser
la croissance. Il y a longtemps qu'on sait que la politique
du logement, en satisfaisant les besoins de la population,
rapporte au pays, au nom d'un cercle vertueux incontestable.
Du
coup, les attentes des Français envers le prochain
Président de la République et envers le
futur parlement changent de nature : il s'agira pour
les nouveaux gouvernants, non plus d'améliorer
l'efficacité de la politique immobilière,
mais d'en bâtir une. Passer de ce qui n'est même
plus un brouillon, à force d'incohérence,
à une belle histoire ; oublier la vision électoraliste
pour, enfin, mener une véritable politique du
logement sur le long terme. Cette histoire commencera
par le rétablissement de leviers forts à
l'accession et à l'investissement locatif, pour
réparer sans délai les erreurs de ces
20 dernières années, les gouvernements
successifs n'ayant jamais eu de véritable stratégie
politique de défendre le logement des citoyens.
Par
Philippe Taboret, Directeur Général
Adjoint de Cafpi
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