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ACTUS
Suppression annoncée de la loi de 1948 (suite) : qui doit s'en réjouir, qui doit la craindre ?
Le
26/12/2002
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Signe des temps, près de quarante cinq ans après sa promulgation, l'annonce de la suppression de la loi de 1948 n'a suscité que des réactions discrètes ! Locataires protégés et bailleurs brimés seraient-ils devenus fatalistes ? Lâchée par le gouvernement comme un lot de consolation aux bailleurs et professionnels - faute de moyens financiers, les mesures fiscales tant espérées seront pour plus tard - la fin d'une loi tant détestée peut-elle avoir aujourd'hui une portée autre que symbolique ? D'autant qu'une fois de plus, comme en 1986, le gouvernement s'apprête à laisser à la charge des bailleurs la protection sociale des locataires âgés ou aux revenus modestes...
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Un parc peau de chagrin
A coups de hache ou par petites touches, les réformes successives (voir notre article précédent) n'ont pas manqué leur but, celui de vider progressivement la loi de 1948 de son objet en faisant régresser le parc immobilier soumis : le nombre de logements concernés est en effet passé de 1,4 millions en 1970 à 337.000 en 1996 et probablement à moins de 300.000 aujourd'hui !
Et ce sous un double effet :
- la disparition de nombreux locataires âgés sans successeurs pour bénéficier des possibilités de transmission du droit au maintien dans les lieux (celle-ci n'est plus possible au décès du locataire en titre qu'au conjoint et, lorsqu'ils vivaient effectivement avec le locataire depuis plus d'un an, aux ascendants, aux personnes handicapées telles que définies par l'article 27 de la loi de 1948, ainsi que, jusqu'à leur majorité aux enfants mineurs...),
- la ruée en masse des propriétaires sur la possibilité de proposer des baux de huit ans, qui a fait pendant des années le quotidien des commissions de conciliation, points de passage obligés en cas de contestation...
Que reste-t-il aujourd'hui sous le régime de la loi de 1948 ?
Trois types de logements :
- ceux de catégorie II-B ou II-C dont les propriétaires n'ont pas voulu, pas su ou pas pu bénéficier de la possibilité des baux de huit ans (notamment pour des raisons de conditions de ressources des locataires),
- ceux des catégories III occupés depuis des décennies par les mêmes locataires, ou dont le bail, s'il n'a pas fait l'objet du congé dit "de pure forme" a été transmis par héritage, ou encore, si le bail est expiré, dont le droit au maintien dans les lieux a été régulièrement transmis dans les cas prévus par la loi de 1948 : les occupants sont, pour simplifier, pratiquement inamovibles, sauf relogement ! Rappelons que ces logements, s'ils ne respectent pas les conditions de confort et d'habitabilité du décret du 6 mars 1987, doivent néanmoins respecter les caractéristiques du logement "décent" fixées par le décret du 30 janvier 2002...
- ceux de la catégorie IV : s'ils sont occupés, leur régime est le même que pour la catégorie III ; s'ils se libèrent, et s'ils sont conformes au décret du 6 mars 1987, ils doivent néanmoins passer par la case des articles 3 octies et 3 nonies de la loi de 1948 (bail de 6 ans) ; s'ils ne sont pas conformes, ils doivent être reloués suivant les conditions de la loi de 1948, à savoir avec un loyer calculé à la surface corrigée, et avec à l'expiration du bail droit au maintien dans les lieux !
Une portée plus psychologique que réelle
C'est aujourd'hui dans ce contexte qu'est annoncée la fin de la loi de 1948, réclamée à cors et à cris depuis des décennies par les organisations de propriétaires et de professionnels, qui mettent en avant la difficulté d'entretenir les immeubles lorsqu'ils sont occupés par un grand nombre de locataires soumis.
Soyons clairs : l'impact de la suppression risque d'être très limité si la "sortie" des logements est assortie comme il est indiqué de conditions :
- conditions de conformité des logements aux conditions de confort et d'habitabilité du décret du 6 mars 1987, ou au moins aux caractéristiques du logement "décent" fixées par le décret du 30 janvier 2002 ; le problème est que nombre des logements encore soumis ne pourront, en raison de l'exiguïté des locaux ou de la vétusté et l'inadaptation des immeubles être mis en conformité sans reconstruction pure et simple !
- conditions d'âge ou de ressources des locataires : il est à craindre que ceux qui restent dans les logements encore soumis, dans des conditions de confort et d'environnement très médiocres, se révèlent dans leur grande majorité en deçà des minima qui seront fixés pour les "sortir" de la loi de 1948...
Une enquête réalisée par la Chambre parisienne des propriétaires et copropriétaires (membre de l'UNPI, Union nationale de la propriété immobilière) auprès de ses adhérents, donne sans ambition de constituer un travail scientifique, quelques indications : notamment que 64% des locataires concernés ont plus de 70 ans et 66% des logements sont occupés par des personnes seules (95% des logements d'une pièce et 80% des deux pièces !)
Supprimer les rentes de situation
Ce serait probablement l'effet le plus bénéfique d'une suppression "en douceur" de la loi de 1948 ! La même enquête révèle que près d'un tiers des locataires soumis possèdent une résidence secondaire, et que près de la moitié payent en loyers et charges moins de 20% de leur revenu (taux d'effort très inférieur à la norme qui est de 30%) ; ce n'est pas surprenant si l'on tient compte que deux tiers des locataires sont dans les lieux depuis avant 1948 ou ont obtenu leur logement par transmission du droit au maintien dans les lieux...
Et si l'Etat prenait enfin ses responsabilités ?
Il y aurait évidemment un moyen d'organiser la sortie de la loi de 1948 sans mettre en danger certains locataires, et en cessant de léser les propriétaires ! C'est même étonnant que ces derniers, ou leurs fédérations représentatives n'aient pas eu l'imagination de le revendiquer : que l'Etat prenne en charge le manque à gagner des propriétaires dans tous les cas où les locataires justifient d'un réel besoin de continuer de bénéficier du régime protecteur...
Ne nous faisons cependant pas trop d'illusions ! Et de toutes façons, il ne faudrait pas oublier que, même dans ce cas, il resterait une catégorie de propriétaires définitivement lésés : ceux qui ont dû vendre leur bien à vil prix parce qu'il était occupé - et solidement - en "loi de 1948", souvent à des investisseurs et sociétés spécialisées qui se sont fait un métier de "libérer" les logements par des moyens légaux dont la finesse échappe au commun des propriétaires, voire au moyen d'indemnités pour départ volontaire, et faisant leur bénéfice essentiellement des plus values réalisées par ces libérations...
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