Les armes du propriétaire
Un propriétaire un tant soit peu rôdé peut en un court délai mettre en oeuvre deux armes redoutables :
- la saisie conservatoire des meubles et effets personnels garnissant le logement : cette saisie peut être diligentée sans délai après l'échéance du premier terme impayé, en même temps que la délivrance par l'huissier d'un commandement de payer ! Elle ne nécessite aucune sommation préalable sous forme de courrier simple ou recommandé, et elle a pour effet de rendre indisponibles les objets mentionnés sur une liste, de façon à ce qu’une fois obtenu un titre exécutoire, les biens puissent être vendus au profit du créancier...
Elle peut être effectuée sans avoir besoin d'une autorisation préalable du juge, en vertu d’un privilège permettant de la pratiquer d’office : c’est le privilège du bailleur sur les biens garnissant les locaux en application de l’article 2102 1er alinéa du Code civil.
Sur le plan pratique, une telle saisie est pénalisante, non pas parce que les biens saisis vont être enlevés - ils sont laissés sous la garde du débiteur - mais parce que tant qu'il n'a pas été donné "mainlevée" par le propriétaire ou par un tribunal, le locataire saisi ne peut les vendre, ni les déplacer sans l'autorisation du créancier, sous peine de sanctions pénales lourdes pour détournement d'objets saisis !
Cette mainlevée ne peut être obtenue qu'après arrêté des comptes de fin de bail et évaluation des réparations, à moins que le propriétaire n'engage pas dans le mois suivant la saisie l'action nécessaire pour convertir sa saisie conservatoire en saisie-vente : cette action se passe devant le tribunal, avec possibilité pour le locataire en cas de litige sur les demandes du propriétaire de se défendre comme il se doit !
- la saisie conservatoire sur le compte bancaire, si le propriétaire le pense suffisamment garni : elle a pour effet de rendre indisponible sur le compte bancaire du locataire une somme à hauteur des loyers et charges impayés, en attendant que le compte définitif soit arrêté d'un commun accord et que le locataire autorise le transfert du solde dû, ou bien que le propriétaire obtienne un titre exécutoire sous forme de jugement ou d'ordonnance de condamnation à payer...
Cette opération peut aussi prendre par surprise car s'agissant de loyers, le propriétaire est également dispensé de l'autorisation préalable du juge (article 68 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991) !
Bien entendu, la saisie conservatoire n'est opérante que s'il y a un solde créditeur le jour où l'huissier se présente à la banque du saisi, et par ailleurs une disposition récente a créé un minimum insaisissable : le montant mensuel du revenu minimum d'insertion pour un allocataire, soit 411,70 euros au 01/01/2003(1) ; par ailleurs, en cas de compte joint, seuls les gains et salaires du débiteur peuvent être saisis, même quand il s’agit "d’époux communs en biens" (2)...
Par contre, comme pour la saisie des meubles et effets personnels, les sommes saisies ne peuvent être débloquées qu'après règlement complet du litige, à moins que le propriétaire n'engage pas dans le mois suivant la saisie l'action nécessaire pour convertir sa saisie conservatoire en saisie-attribution : cette action se passe devant le tribunal, avec possibilité encore une fois pour le locataire en cas de litige de se défendre contre des demandes abusives !
Les conséquences en cas de litige sur l'état du logement
Par peur de la concurrence ou par principes, les tribunaux n'aiment pas qu'on se fasse justice soi-même ! En cas de différend sur un montant de charges ou de réparations réclamé par le propriétaire, la position du locataire débiteur de ses derniers termes est, qu'on ne le veuille ou non inévitablement affaiblie face à un bailleur ayant beau jeu de plaider la mauvaise foi...
Les frais
Le propriétaire qui engage ce type d'actions veut en général rentrer dans ses frais : faute d'accord amiable de la part du locataire pour une prise en charge au moins partielle, et même après règlement des sommes éventuellement dues en principal, il est en droit de poursuivre l'action devant le tribunal pour obtenir sa condamnation à les lui régler ! Or, même si la dette au départ n'excédait pas le dépôt de garantie, il a toutes chances d'avoir gain de cause, faisant ainsi de la rétention de paiement une opération à la rentabilité douteuse pour le locataire...
(1) Décret n° 2002-1150 du 11 septembre 2002 instituant un dispositif d'accès urgent aux sommes à caractère alimentaire figurant sur un compte saisi et modifiant le décret n°92-755 du 31 juillet 1992
(2) Article 48 du décret du 31 juillet 1992 précité
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