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ACTUS
Vers un marché locatif plus favorable aux locataires ?
Le
16/6/2004
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Après des années de pénurie de logements à louer et d'envolée des loyers des nouvelles locations, les premiers signes d'une détente, apparus il y a un an, se confirment , y compris sur les marchés les plus "chauds" comme Paris et sa proche couronne. Si les baisses de loyer ne concernent pour le moment que les grands appartements (4 pièces et plus), la réapparition d'une offre abondante ne trompe pas, permettant aux candidats d'être plus exigeants quant à la qualité du produit, et de mieux résister aux demandes de garanties parfois exagérées des propriétaires...
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Les signes d'une détente du marché
Perceptible depuis le début de l'année, la détente du marché locatif semble se confirmer : moins de concurrence sur les locations proposées, réapparition de logements vacants en attente de relocation là où les locataires se succédaient du jour au lendemain, propriétaires qui baissent leur loyer ou qui rénovent l'appartement pour pouvoir le relouer, les témoignages d'agents immobiliers et d'administrateurs de biens rapportés ici et là par la presse sont révélateurs. A défaut de se traduire dans des statistiques, en retard de plusieurs années...
Les causes peuvent être multiples : parmi celles avancées le plus fréquemment, la baisse des taux des crédits immobiliers qui a transféré une partie de la demande locative - notamment des jeunes ménages - vers le marché de l'accession, en rapprochant le montant des remboursements d'un prêt du montant du loyer à payer pour un bien comparable, avec en prime le fait de se constituer une épargne pour un futur de plus en plus incertain...
Il est probable aussi qu'il y ait un effet d'augmentation du nombre de biens proposés à la location, du fait d'un retour en grâce de l'investissement locatif ; il faut toutefois être prudent sur l'effet réel sur le marché de cet engouement récent, trop récent pour être mesuré, et probablement pour avoir changé la donne de manière significative sur un marché aussi vaste - il y a près de 5 millions de logements loués par des propriétaires privés - d'autant qu'une bonne partie des investisseurs s'est portée sur le neuf en état futur d'achèvement, et que les immeubles sont tout juste en train de sortir de terre...
Il ne faut pas non plus oublier les effets du désengagement important d'une partie des investisseurs institutionnels de l'immobilier de logement pour se porter sur l'immobilier d'entreprise et les locaux commerciaux, d'un meilleur rapport : certes les appartements des immeubles vendus "à la découpe" (voir notre article) sont vendus pour partie à leurs locataires, mais aussi à des investisseurs qui donnent ou vont donner congé pour revendre ou habiter eux-mêmes à l'issue de la période de bail en cours...
Peut-être faut-il aussi reconnaître à ce marché comme pour d'autres un caractère cyclique lié à des tendances de fond de la société difficilement mesurables, et le fait qu'à une période de forte pénurie doit nécessairement succéder une période d'accalmie, voire d'offre excédentaire ! Après tout, c'est pour le moment la seule explication qui puisse être avancée à la disparition des candidats locataires dans les années 1993-1994, où l'on a vu les logements les moins attractifs rester vacants des mois, au grand dam de propriétaires peu habitués à ce type de situations...
Le retour d'une capacité de négociation à l'entrée
Cet infléchissement du marché, à défaut de pouvoir encore parler de retournement, est en attendant une bonne nouvelle pour les candidats locataires qui commencent à retrouver la possibilité d'un choix, voire même d'une marge de négociation.
Ou tout au moins pouvoir se demander quel est le juste loyer (1) et refuser les demandes excessives. La conjoncture va leur permettre d'être aussi plus exigeants sur l'état du logement proposé et négocier une remise en état, aux frais du propriétaire, réalisée avant leur entrée dans les lieux ou mise à leur charge en contrepartie d'un sacrifice permanent ou temporaire sur le loyer. Rappelons que la loi permet au bailleur de s'entendre avec le locataire pour fixer dans une clause expresse insérée dans le bail, une liste de travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités et la durée de leur imputation sur le loyer, avec un dédommagement éventuel "sur justification" des dépenses effectuées en cas de départ avant que l'investissement effectué ait été totalement récupéré (2) ! D'autant que le locataire peut bénéficier de formules comme le "Pass-travaux" (3) ou même de subventions de l'ANAH (4) s'il s'agit de travaux de mise en conformité...
Moins de pénurie veut dire aussi pour les candidats moins de concurrence, et donc le recul d'exigences parfois exorbitantes de la part des propriétaires en termes de situation professionnelle et de revenus, ou de garanties à fournir, par exemple sous forme de cautions bancaires ou familiales ! Les titulaires d'un "Loca-pass" (5) vont retrouver grâce aux yeux des propriétaires ou leurs gérants qui devant le choix avaient tendance à les bouder !
Des propriétaires nécessairement plus attentifs
La fin de la pénurie change aussi nécessairement le climat pour les locataires en place et leurs rapports avec leur propriétaire : le risque de difficultés pour relouer ne peut que favoriser l'écoute des demandes d'entretien ou de réparations de leurs locataires, voire même les inciter à mieux les défendre lorsqu'ils sont l'objet de discriminations ou de tracasseries dans les copropriétés, comme c'est malheureusement fréquemment le cas...
La crainte de perte à la revente, si le marché de la vente venait à s'infléchir, comme c'est probable dans les deux à trois ans à venir, fera disparaître aussi pour quelque temps, comme ce fut le cas dans les années 90, l' "épée de Damoclès" que constitue pour les locataires la perspective d'un congé pour vente, dissuasion efficace à trop vouloir jouer les clients-rois...
Connaître et faire valoir ses droits
Or, pour le locataire, la difficulté de trouver une location, et la crainte, en indisposant le propriétaire, de la perdre quand on il en a une, sont les meilleures armes de ce dernier pour se soustraire à ses obligations, que ce soit en ce qui concerne l'état du logement proposé ou pour effectuer l'entretien et les réparations qui lui incombent.
Il est vrai que les locataires les ignorent en général autant que les propriétaires : obligation de respecter les critères minimaux de "décence" fixés par le décret du 30 janvier 2002 - ils concernent notamment le "clos et le couvert" et la ventilation (et donc l'absence de toute infiltration ou humidité), la sécurité électrique (et donc dans la pratique la nécessité de mise aux normes des anciennes installations), le chauffage et la production d'eau chaude, etc. -, obligation de réparation des équipements défectueux et leur remplacement lorsqu'ils sont devenus vétustes, et même obligation de remise en état des peintures et revêtements au bout d'un certain nombre d'années d'occupation !
Combien ont en effet à l'esprit que le bailleur est tenu "d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués" (2), le Code civil ajoutant qu' "aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires, quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure" (6) ?
Exiger d'être traité en client plutôt qu'en obligé n'est certes pas près d'être acquis pour tous les locataires, mais un retour au calme sur un marché locatif longtemps surtendu peut accélérer la nécessaire "professionnalisation" des propriétaires bailleurs...
(1) Pour l'évaluation du juste loyer en fonction de la localisation et des caractéristiques de l'appartement ou de la maison, voir l'Argus du logement
(2) Article 6 de la loi du 6 juillet 1989
(3) "Pass-travaux" : prêts délivrés par les organismes collecteurs du "1% logement" aux salariés des entreprises assujetties
(4) ANAH : Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat
(5) "Loca-pass" aide accordée notamment aux salariés des entreprises du secteur privé, aux jeunes de moins de 30 ans en situation ou en recherche d’emploi, et aux étudiants, sous forme d'avance du dépôt de garantie et de garantie solidaire de 18 mois de loyer et charges accordée au propriétaire.
(6) article 1755 du Code civil
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