Résidences universitaires : un début de mise en oeuvre pour le plan "Anciaux"
Annoncé en juillet 2004 et confirmé à la rentrée 2005 (1), le plan pour le logement étudiant doit, dans la ligne des propositions du rapport "Anciaux" de janvier 2004 (2), permettre sur 10 ans la construction de 50.000 logements nouveaux et la rénovation de 70.000 des 150.000 chambres gérées par les CROUS (Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires). Ces deux objectifs répondent à l'analyse des besoins réalisée par le CNOUS, le centre national des CROUS, en 2002-2003, et qui chiffrait alors à 50.000 le nombre de nouvelles places nécessaires pour faire face à la stricte mission de service public (accueil social et international) confiée au réseau des oeuvres universitaires et scolaires par la loi. Ces besoins n'ont pu que croître depuis, en raison du développement de la mobilité interne des étudiants en France, d'une tendance remarquée à la décohabitation d'avec les parents, et au développement de l'accueil d'étudiants étrangers, accéléré par la constitution de l’espace européen des études supérieures et l’harmonisation des diplômes.
Un an plus tard, le ministre délégué à l'enseignement supérieur, François Goulard, doit déjà reconnaître un demi-échec. Si l'objectif des 5.000 créations de 2006 semble pouvoir être tenu, les communes peinent dans le cadre des plans Etat-régions à mettre à disposition le foncier nécessaire ; c'est pourtant dans ce domaine que, comme le souligne Laurent Wauquiez, député de la Haute-Loire, dans le rapport d'une mission parlementaire sur les conditions de vie étudiantes (2), les collectivités locales peuvent utiliser leurs moyens avec le plus d'efficacité, plutôt que "dans le développement d’un mitage d’aides à l’attention des étudiants"...
Quant à l'objectif des 7.000 rénovations, il a déjà pris du retard : la réhabilitation se fait en effet petit à petit pour ne pas fermer entièrement une résidence universitaire. "On essaie de compenser en proposant, à mesure des créations, des logements neufs aux étudiants dont les chambres vont être réhabilitées", a-t-il notamment indiqué.
Du coup, la pénurie dénoncée par le rapport Anciaux n'est pas près de se résorber : en 2003 déjà, un peu moins de 149.000 logements ou chambres étaient proposés par les CROUS face à 383.000 demandes éligibles (sur un total recensé de 2,2 millions d'étudiants), soit 38% des demandes (1 place pour 3 demandes), avec de fortes inégalités entre les villes universitaires, allant de 73,5% en Corse à 9,8% à Paris (1 place pour 10 demandes !)... Parmi les pas trop mal lotis on trouvait Versailles (69%), Amiens (57,6%), Caen (56%) ou Strasbourg (48,5%), les autres se situant plutôt autour de la moyenne.
Mieux vaut être riche ou pauvre plutôt qu’entre les deux...
Bien entendu, dans un tel contexte de déficit, la sélection par la situation de revenu familial joue à plein, l'offre de logement public spécifique étant nécessairement réservée aux catégories les plus modestes. Le sacrifice des classes moyennes se retrouve aussi dans l'attribution des aides, comme le montre le rapport de Laurent Wauquiez (3), que ce soit pour les bourses dans lesquelles l'Etat investit 1,7 milliard d'euros par an, les aides au logement - 1,1 milliards - financées par l'Etat pour les allocations logement (AL et ALS) et l'APL, et les organismes du 1% logement pour l'aide Loca-pass, et enfin les aides fiscales aux familles - 1,2 milliards.
Ceux qui sont "trop pauvres pour être riches mais trop riches pour être pauvres" se retrouvent ainsi dans la situation la plus difficile : une série de simulations effectuées par les CROUS d'Aix-Marseille, Bordeaux, Reims et Versailles, citée dans le rapport (4) montre qu'un étudiant boursier au taux maximum avec parents allocataires au RMI en résidence universitaire peut, avec ou sans ALS (allocation logement sociale) à peu près subvenir à ses besoins vitaux sans aide de ses parents, alors que le même, sans bourse et logé en ville parce qu'il n'a pas été prioritaire pour une chambre du CROUS, même avec ALS, a besoin de 616 euros par mois si ses parents ont un revenu de 28.770 par an, qui n'est pourtant pas l'antichambre de la richesse ! Encore ne s'agit-il que d'une ville où les loyers restent raisonnables car ses besoins montent à 736 euros par mois à Versailles...
Le secteur privé au plus haut
Car, alors qu'ils sont, selon l'Observatoire de la vie étudiante (OVE) plus d'1,3 million à devoir se loger à distance du domicile parental, ceux qui ne trouvent pas à se loger dans les CROUS (150.000 chambres ou logements) ou en HLM (le mouvement HLM compterait 80.000 chambres, gérés par des associations adhérentes d’ADELE ou par les CROUS sous forme de résidences entières ou de réservations dans des immeubles HLM voire même de locations simples, sans compter les logements loués individuellement à des étudiants dans le parc traditionnel des HLM, dont le nombre est difficile à évaluer...) doivent se rabattre sur le parc locatif privé, au prix fort : si d'après le guide du logement étudiant réalisé en août 2006 par le réseau Century 21 (5) un étudiant peut trouver à se loger à Carcassonne ou Epinal pour 230 euros par mois, il doit compter au minimum 300 à Clermont ou Bordeaux, 350 à Annecy, Grenoble, Marseille ou Montpellier, 450 à Aix-en-Provence, 500 à Saint Denis et 600 à Paris rive gauche ! Sans mentionner les résidences étudiantes avec services, où les loyers s'échelonnent de 350 à 500 euros, voire 600 à Nice et 800 à 900 à Paris rive gauche...
On peut certes se loger pour 200 euros par mois, mais à Auch, qui a paraît-il un excellent IUT...
Une solution en vogue : la colocation
Pas étonnant dans ces conditions que les étudiants plébiscitent la colocation (6) : comme le montrent les chiffres du tout nouvel observatoire "CLAMEUR" (7), le m2 de 3 pièces coûte au moins un tiers de moins que celui d'un studio, les m2 des pièces telles que le séjour, cuisine, salle de bains sont de surcroît payés en commun...
Une étude réalisée en juillet 2006 par Ipsos pour Appartager.com (8)révèle sans surprise que la colocation, déjà expérimentée par près d’un Français sur cinq, attire particulièrement les jeunes de moins de 25 ans. L’étude révèle en effet que 61,57% des colocataires sont des étudiants, que 70,8% ont moins de 25 ans, et que la motivation économique prime : 87% déclarent ainsi que la colocation est une bonne solution pour avoir un logement moins cher et plus confortable. L'an dernier, une enquête du même type montrait déjà que pour 52% des jeunes, la colocation était d’abord une solution à la hausse des loyers. Ils sont certes 80% à penser aussi que ce système est un bon moyen pour se faire des amis ou des connaissances, mais ils ne sont "que" 62% à juger que c’est un mode de vie original et attirant...
(1) Plan pour le logement étudiant : une mise en route laborieuse... - Univerimmo.com, 27/9/2005
(2) Rapport Le logement étudiant et les aides personnalisées - de Jean-Paul Anciaux - janvier 2004
(3) Les aides aux étudiants - Les conditions de vie étudiante : comment relancer l'ascenseur social ? - Laurent Wauquiez - juillet 2006
(4) annexe 8 du rapport
(5) Guide du logement étudiant - Century 21 France
(6) La colocation : un mode de vie à organiser - Editions SEFI
(7) Observatoire "Connaître les Loyers et Analyser les Marchés sur les Espaces Urbains et Ruraux" - le site
(8) Enquête Ipsos/Appartager.com menée par téléphone du 21 au 22 juillet 2006 auprès d’un échantillon de 577 personnes, âgées de 18 à 50 ans, représentatif de la population française.
UniversImmo.com
|