Un outil de connaissance détaillée des loyers
Longtemps objet d'estimations plus que de véritables statistiques, le marché locatif privé est à présent doté d'instruments d'auscultation de précision croissante : après ceux mis en place par des organisations de professionnels tels que la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier) ou des réseaux d'agents immobiliers comme Century 21, un nouvel outil offre une exhaustivité et une précision encore jamais atteinte !
Issu dans un premier temps d'une initiative privée, l'Observatoire "SNOUPI" (Suivi national des observatoires de l'Union de la propriété immobilière), créé par l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière, regroupant 120 chambres syndicales de propriétaires) et le professeur Michel Mouillart, de l'université de Paris X Nanterre, déjà en partenariat avec l'ANAH, la CNAB (confédération nationale des administrateurs de biens), le groupe Foncia, et l'OLAP (Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne, association publique créée dans la foulée de la loi "Méhaignerie" pour fournir aux locataires et aux bailleurs les références de loyers nécessaires), l'Observatoire "CLAMEUR" (Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux), dont les chiffres 2006-2007 étaient présentés le 1er mars dernier, est le seul à collecter trimestriellement des références de loyers à la fois des professionnels, qui gèrent de 60 à 65% des logements locatifs privés, et des propriétaires qui gèrent leurs biens en direct, adhérents de l'UNPI. Soit chaque année près de 125.000 références de marché (nouvelles locations et relocations), triées, expurgées et échantillonnées de manière à être représentatives du parc locatif dans son ensemble...
Aux partenaires d'origine ont été joints le SNPI (Syndicat national des professionnels de l'immobilier, l'autre grand syndicat de professionnels), des promoteurs-administrateurs de biens (Bouygues immobilier, Tagerim, Nexity), un spécialiste des annonces immobilières et opérateur informatique (Se Loger), puis enfin des administrations publiques (la DGUHC, direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction au ministère du logement), ainsi que des organismes publics ou para-publics (Fédération des Pact Arim, le réseau Habitat et développement et la Foncière Logement, tous à la fois contributeurs en financement, en prestations ou en données de collecte, et utilisateurs potentiels des résultats au niveau le plus fin.
Car si les principales données - loyers au m2 moyens et mobilité résidentielle dans 95 départements et 22 régions plus un palmarès des loyers et variations de 650 villes - sont mises à la disposition du public sur un site Internet dédié (1), les plus fines sont réservées aux contributeurs : indicateurs détaillés par ville du taux de mobilité, de l'effort d'amélioration des logements, de qualité et de confort des locations proposées sur le marché, et d'augmentations de loyers intervenues entre deux locataires...
Si l'on peut regretter cette rétention, il n'en reste pas moins qu'il s'agit là de l'instrument de connaissance du marché locatif le plus sophistiqué, d'où au demeurant la contribution du ministère du logement et de l'ANAH, qui comptent bien se servir des précieuses données pour affiner les plafonds de loyers fixés pour les conventionnements et les régimes d'incitation fiscale, aujourd'hui trop grossiers pour éviter les effets d'aubaine coûteux pour le budget de l'Etat...
Une photographie du parc locatif privé
Outre les informations sur l'évolution du marché - loyers, mobilité, etc. -, l'observatoire CLAMEUR donne une image précise et à jour de la structure du parc des bailleurs privés, là où l'INSEE ne fournir que des informations trop globales et datant de plusieurs années. Ainsi, studios et 2 pièces totalisent plus de la moitié du parc (25 et 31% respectivement), les 3 pièces un quart, et les 4 pièces et plus un peu moins d'un cinquième.
Le parc est composé à 80% d'appartements et d'un peu moins de 20% de maisons individuelles, que l'on trouve surtout en milieu rural. Il est aussi plutôt urbain : près de la moitié est situé en centre-ville. Enfin, il est majoritairement aux mains de gérants professionnels : CLAMEUR évalue la part du parc des logements loués gérés directement par leur propriétaire à tout juste un tiers du nombre des logements, nettement moins que les estimations antérieures ! Il est vrai que la vague des achats de logements en défiscalisation "Robien" est passée par là, un grand nombre de propriétaires ayant acheté des produits "packagés", gestion comprise...
Une tendance nationale à la stabilisation
Très réactif, l'observatoire CLAMEUR donne les chiffres relatifs aux loyers de marché non seulement pour l'année 2006, mais aussi pour le début 2007 ; ils marquent globalement une nette décélération : si la hausse a été encore sur la France entière de 3,5% en 2006, elle est très inférieure à celle des années précédentes : +5,1% en 2005, +5,8% en 2004, et +6,8% en 2002 ! Seule l'année 2003 fait figure de "trou d'air" avec une hausse "que" de 2,2%...
Mieux, la hausse a encore décéléré en fin d'année et début 2007, les loyers des nouvelles locations et des relocations de ce premier trimestre ne marquant qu'une hausse de 1,2% sur ceux de l'année précédente à la même époque !
Autre indicateur, la mobilité résidentielle, bien que tendanciellement à la baisse, reste haute début 2007 : 28,5% par an en moyenne, soit un déménagement tous les 3 ans et demi ; mais la baisse de la mobilité depuis le point haut atteint en 2001 (30,1%) représente selon Michel Mouillart un parc de 70 à 80.000 logements de moins sur le marché, soit une année de construction neuve pour le locatif privé ! Surtout, cette baisse s'est brutalement accélérée fin 2006, puisqu'on était encore à 29,9% pour l'année entière...
L’environnement économique n'est pas étranger à cette stabilisation : morosité économique et dégradation du climat social sont venues renforcer les hésitations qui prévalaient jusqu’alors, la demande ne paraissant guère convaincue par la baisse du chômage. Du coup, le marché se cherche, à l’image du moral des ménages depuis plus d’un an : moindre fluidité, allongement des délais de remise en location, accroissement des exigences des candidats à la location. "Les propositions de loyers des propriétaires ont dû largement tenir compte de cela pour faciliter une mise en relocation rapide des biens. Et si tous les segments de marché sont concernés, ce sont les petits logements (2 pièces et moins) pour lesquels l’évolution est la plus sensible : la demande y a été particulièrement affectée par les hausses des loyers de ces dernières années, alors que les aides personnelles n’étaient quasiment pas revalorisées", note le commentaire de la présentation des résultats de CLAMEUR.
Dans l'ensemble et sur une plus longue période, l'observatoire CLAMEUR met en évidence quelques grandes tendances : ce sont les loyers des petits logements qui progressent le moins rapidement, la demande pour ce type de produit ayant été (fortement) pénalisée par la dérive des aides personnelles au logement ; ainsi en 2006, les loyers des studios et 1 pièce ont progressé de 3.1% (contre +4.0% en moyenne chaque année, entre 1998 et 2006) et les 2 pièces de 3.3% (contre +4.2 %) ; les loyers des logements de taille moyenne ont en revanche augmenté à peu près au même rythme que l'ensemble (+3.9 % pour les 3 pièces et +4.0 % pour les 4 pièces contre, respectivement, +4.2 % et +3.6 % en moyenne chaque année, entre 1998 et 2006) ; enfin, les loyers des plus grands logements (les 5 pièces et plus) ont cru plus vite que tous
les autres (+4.5 % sur un an, contre +3.7 % en moyenne chaque année, entre 1998 et 2006)...
Enfin, autre ralentissement tendanciel : celui de la hausse des loyers en cas de relocation par rapport au loyer du locataire sortant : de +7,6% en 2001, ce taux d'augmentation n'a pratiquement fait que baisser pour se situer à +6,3% début 2007 : il révèle une situation générale du parc où, sous l'effet probable des fortes hausses de l'ICC (indice INSEE du coût de la construction) avant qu'il ne soit remplacé comme indice de référence des révisions des loyers d'habitation par l'IRL (Indice de référence des loyers), moins inflationniste, le décalage des loyers pratiqués avec les locataires en place par rapport à ceux du marché s'amenuise...
Des contextes locaux variés
Cette appréciation globale cache des disparités régionales et locales souvent surprenantes :
- au niveau de la mobilité résidentielle : des régions voient la mobilité, déjà en dessous de la moyenne chuter, comme la région PACA, ou stagner (Ile-de-France, Franche-Comté) autour de 25-26% (un déménagement tous les quatre ans), ou la Bourgogne à 28%, alors que d'autres révèle une véritable "bougeotte" : la Basse Normandie avec presque 48% (un déménagement tous les deux ans), Champagne-Ardennes avec presque 45%, Poitou-Charentes avec presque 44% ! Autres régions à forte mobilité : la Haute-Normandie, la Bretagne, le Centre, le Midi-Pyrénées, le Languedoc Roussillon ; plus sages, l'Est, le Nord, l'Aquitaine, le Limousin, et encore plus Rhône-Alpes et l'Auvergne...
- au niveau de l'évolution des loyers de marché : sur 639 villes suivies (arrondissements pour Paris), les situations de hausse parfois encore forte voisinent avec les situations étales, voire un nombre croissant de situations de baisse : régions Franche Comté et Languedoc-Roussillon dans leur moyenne, villes de Marseille, Aix, Strasbourg et Lyon, plusieurs arrondissements de Paris, ainsi que plusieurs villes d’Ile-de-France comme Nanterre...
Curieusement ce ne sont pas les villes ou secteurs où les loyers ont atteint les plus hauts niveaux qui ralentissent forcément le plus : exemple : le champion toutes catégories du loyer au m2, Chaville (25,2 euros) baisse en 2006 de 6,2%, mais le second au palmarès, Paris 3ème (24,1 euros) augmente de 7,9%... Plus loin dans le classement, la Ferté Bernard à 6,6 euros le m2 a vu encore ses loyers baisser de 2,2% !
Sans surprise, les loyers de l'Ile-de-France se situent en moyenne au double de ceux du reste de la France...
Une tendance préoccupante : la baisse de l'effort d'amélioration et d'entretien des logements
Autre indicateur suivi par CLAMEUR : la part des relocations avec travaux de remise aux normes, révélateur de l'effort d'amélioration et d'entretien du parc ; mauvaise nouvelle : il se détériore : entre 1998 et 2002, par exemple, la part des relocations avec travaux était en moyenne de 25.2%, chaque année ; avec une stabilisation à haut niveau en 2000 et 2001 ; or elle a commencé à diminuer en 2003 pour s'établir à 24.4 % en moyenne en 2004, puis après une embellie en 2005 descendre à 21.9% en 2006, point le plus bas constaté depuis 1998 !
Certes, ce n'est qu'une moyenne, et on constate par exemple que l'effort d'amélioration et d'entretien du parc reste plus élevé pour les 3 pièces et plus : 25.9 % pour les 3 pièces, 28.2 % pour les 4 pièces et 25.3 % pour les 5 pièces et plus ; en fait ce sont les studios et une pièce qui tirent la moyenne vers le bas : 18.7% seulement d'entre eux sont reloués après travaux, ce qui s'explique aussi par la plus forte fréquence de changements de locataires sur ce type de produits.
Il n'en reste pas moins que la tendance n'est pas bonne et que cela pourrait, si le mouvement se poursuivait comme le notent les commentaires de l'étude, peser sur la qualité et le confort des logements proposés à la location !
(1) site www.clameur.fr - données consultables : chiffres complets nationaux et régionaux, ainsi que les loyers au m2 et taux d'augmentation de 639 villes
Pour estimer la valeur au 1er semestre 2007 d'un appartement ou d'une maison à la vente ou à la location : consultez l'Argus du logement
UniversImmo.com
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