Fait
sans précédent: personne n'est satisfait.
C'est bien le signe que la politique s'est absentée.
Une politique, engagée, claire, ne peut donner
satisfaction à tout le monde, mais par définition
elle choisit des priorités et les favorise, quitte
à ne négliger aucun dossier et à
tout traiter sur la durée d'une législature.
Aujourd'hui, personne ne s'y retrouve.
Peut-on
prétendre que le Gouvernement préfère
le logement social, au moment où les crédits
aux HLM baissent historiquement et où le président
de l'Union parle d'"extrême ponction"
? Peut-on envier le 1% logement, alors qu'il intente
un procès à l'Etat pour captation de fonds
illégale ? Le bâtiment et les promoteurs
doivent-ils être jalousés, eux qui voient
le Scellier et le Censi-Bouvard passer à la trappe
? Les constructeurs de maisons individuelles ont-ils
de quoi se réjouir, quand le PTZ+ est réduit
dans les zones de prédilection de l'habitat individuel
? Les aménageurs peuvent-ils garder espoir, quand
leurs propositions de modernisation du droit de l'urbanisme,
pourtant commandées par le Gouvernement, sont
enterrées ? Et peut-on penser que les grandes
foncières emportent la mise, au moment où
leur statut fiscal est mis à bas ? Enfin, les
plus démunis captent-ils toute l'énergie
publique, quand la Fondation Abbé Pierre rend
des rapports de plus en plus alarmants ?
Parlons
enfin des agents immobiliers et des administrateurs
de biens : entre la suppression du PTZ+ dans l'ancien
et les nombreux embarras contenus dans le projet de
loi Lefebvre sur la consommation, ils ont le sentiment
d'être mis au ban de l'immobilier. Pour incarner
ces activitéslà, j'en parle en connaissance
de cause : le Congrès de la FNAIM s'est tenu
il y a quelques jours dans un climat d'inquiétude
historique.
Alors
bien sûr, il y a la crise économique mondiale,
qui bouleverse tout et place les décideurs publics
dans la situation de médecins urgentistes au
chevet d'Etats gravement malades. Les professionnels
immobiliers sont aussi des citoyens, et ils regardent
les choses en face. Mais tout de même, l'impression
prévaut d'un haut degré d'improvisation
et d'une gouvernance désemparée et troublée
par le désarroi. On cherche de l'argent, on s'agite,
on coupe dans les dotations, sans discernement, avec
la croyance, presque religieuse, que la croissance n'en
sera pas affectée ! On le fait en outre sans
considération de l'objectif premier de la politique
du logement: loger les ménages, tous les ménages.
A
cet égard, je voudrais rappeler que la France
a sans doute inventé la politique du logement.
Mieux, elle a été exemplaire dans la conscience
sur le logement. Nous sommes définitivement marqués
par la réflexion et l'action qui ont fondé
la Reconstruction, qui fut d'abord immobilière,
où se sont mêlées les trois dimensions
de l'économie, du social et de la générosité.
Que fait-on de cet héritage ? Qu'en font nos
ministres et nos parlementaires ? Le budget du logement
est-il autre chose pour eux qu'une poche profonde ?
Favoriser
la construction et la résorption du déficit
en logements passe-t-il du statut d'objectif politique
impératif à celui de voeu pieux ? Encourager
la propriété des classes moyennes n'est-il
plus de saison ? Développer une offre locative
privée accessible est-il périmé
? Soutenir le logement HLM est-il superflu ? Permettre
aux salariés de se loger à proximité
de leur entreprise est-il surérogatoire ? Protéger
les plus fragiles et les sans abri n'est-il plus une
urgence républicaine ? Tout se passe comme si
on choisissait la syncope, le coma, ou encore, comme
le disait le Rapporteur général du budget
à l'Assemblée Nationale, "le saut
dans l'inconnu".
La
France ne saurait s'accommoder de cette situation inédite
d'une marche sans boussole ni destination : il faut
à notre pays une politique du logement, une stratégie
en somme et pas des tactiques. Au rang des attentes
les plus fortes des Français pour l'élection
présidentielle, il y a celle-là. C'est
un enjeu de démocratie.
Par
Jean-François BUET,
Candidat à la présidence de la Fédération
Nationale de l'Immobilier (FNAIM)
Président de la Fédération Nationale
de l'Immobilier de Côte-d'Or (FNAIM)
Secrétaire général de la Fédération
Nationale de l'Immobilier (FNAIM)
Président du groupe Buet Immobilier
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