S'agissant
de cette innovation du Sénat, je me limiterai
à deux commentaires: les périls de la
règlementation suspicieuse rodent sans cesse,
et la profession doit d'urgence en tirer les enseignements,
avec le souci de gagner en respectabilité. De
façon corollaire, je note que les agents immobiliers
seraient, si la mesure se confirmait dans la suite du
parcours législatif, les seuls professionnels
de service vendant des biens à devoir montrer
le montant de leurs émoluments. Je ne sache pas
que le revendeur de voitures d'occasion ou de montres
ou de vêtements d'occasion ou encore l'antiquaire
ait cette contrainte humiliante.
Mais
je vois du positif dans ces mesures, telles qu'elles
ont été votées par les sénateurs:
les professionnels de la transaction et de la gestion
immobilières sont conduits par le législateur
à entrer dans une culture de la transparence
et de la preuve. Au fond, il était temps que
cette prise de conscience des attentes du consommateur
ait lieu. Sans qu'il s'agisse de faire un plaidoyer
pro domo, je dirai que l'apport des réseaux de
franchise de transaction aura sans doute été
de cet ordre depuis une vingtaine d'années. Je
m'empresserai d'ajouter que d'autres intervenants ont
eu la même approche, organisations professionnelles
ou encore enseignes reconnues, familiales ou de groupes.
Car
tout est là, et je prétends que si l'ensemble
du corps professionnel des agents immobiliers et des
administrateurs de biens avaient donné cette
image, le législateur ne s'en serait pas mêlé,
et ce qui va être obligatoire eût été
délibéré, consenti et de l'ordre
de la valeur ajoutée. Revue de détails
si vous le voulez bien.
L'affichage
des honoraires dans chaque annonce de vente? Un vendeur
ou un acquéreur satisfait ne discute pas les
honoraires, ne s'étonne pas de leur montant,
ne rechigne pas. Il sait, quand les diligences de négociation,
donc aussi d'information sur le bien, ont été
bien menées, que le prix du bien "FAI"-frais
d'agence inclus- est un prix de marché et que
les honoraires sont au fond indifférents. Exactement
d'ailleurs comme lorsque on achète une voiture
de deuxième main: l'achèterait-on plus
cher que le marché à un revendeur? Ce
sont les clients insatisfaits, parce qu'ils n'ont pas
vu de travail effectif, qui ont provoqué la mesure,
qui finalement servira surtout d'électrochoc,
inclinant les agents à mieux mériter leurs
honoraires pour ceux qui étaient sur la pente
de la facilité. Au demeurant, la conjoncture
plaide également dans ce sens, croyez-moi...
La
reconduction des mandats avec obligation d'information
circonstanciée? Quoi de plus normal que de faire
le point au bout d'un an, ou de deux, avec un propriétaire
bailleur qui vous a confié l'essentiel sinon
la totalité de son patrimoine pour le faire fructifier
et en prendre soin? Ce sont ceux qui ne le font pas
qui ont provoqué la mesure. Les gérants
respectables et respectueux de leurs mandants ont cette
attitude commerciale depuis toujours, et n'attendent
pas la menace d'une résiliation de mandat pour
prouver.
Parlons
enfin du sauvetage sous condition du mandat exclusif.
Il faut regarder de près ce qui a été
voulu par le Sénat dans sa sagesse. D'abord un
plafonnement de l'indemnité due par un vendeur
qui vend lui-même pendant la durée du mandat:
quel agent immobilier correct aurait prétendu
à plus que ses honoraires dans ce cas? Ce sont
les excès de certains, manquant d'éthique
et de modération, qui sont à l'origine
de cette mesure. Ensuite, la possibilité pour
un vendeur de mettre fin à un mandat exclusif
avant le terme s'il n'est pas satisfait des prestations.
Voilà.
Tout est dit, et ceux qui se demandaient pourquoi le
législateur s'était emparé de cette
question alors que ne se posait aucun problème
ont là l'explication: figurez-vous que le client
parfois avait le sentiment qu'on ne se démenait
pas beaucoup pour trouver acquéreur à
son bien, et qu'il eût aimé qu'à
tout le moins on lui fît part des efforts déployés,
pour être rassuré. Mon réseau, comme
tous les professionnels sérieux, ont à
souci d'expliquer ce qui est fait, et y sont d'autant
plus enclins... qu'il est beaucoup fait!
En
clair, et quelle que soit l'issue de l'examen du fameux
projet de loi, je crois qu'il faut tirer les enseignements
des débats qu'il aurait suscités, et ne
pas faire comme si de rien n'était. Les professionnels
sont invités par la représentation parlementaire,
que je désigne ainsi parce qu'elle exprime l'opinion,
à entrer dans une culture de la preuve et de
la transparence. Ceux qui sont sur ce versant ne s'en
indigneront pas, et je suis de ceux-là, même
si je préfère les contraintes que je me
donne à celles qu'on me crée. A bon entendeur..,
Par
François Gagnon,
Président ERA Europe et ERA France
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