La
profession immobilière et les représentants
des propriétaires ont réagi immédiatement
en criant au scandale, et en prédisant une vague
de désinvestissement. Dont acte. Je me démarquerai
des discours entendus sur deux points, le constat de
la gravité de la situation et les remèdes
proposés.
Le
marché d'abord: on ne peut nier que dans les
agglomérations économiquement les plus
attrayantes les loyers aient fini, au gré des
évolutions de ces quinze dernières années,
de se déconnecter de la solvabilité moyenne
des locataires. Globalement, entre 2000 et 2010, les
augmentations se sont faites deux fois plus vite que
la progression des revenus. Les conséquences
pénalisent non seulement les locataires, mais
aussi les bailleurs et leurs mandataires. Le taux d'effort
des premiers frôle ou dépasse l'insupportable.
Quant aux seconds, ils constatent une montée
des retards de paiement et des impayés, dans
des proportions qui témoignent d'un vrai dysfonctionnement
de marché. En clair, je souscris à l'analyse
de la gravité du problème, et à
l'idée qu'il faut agir.
En
revanche, les solutions que j'ai entendu évoquer
sont à mes yeux tout à fait inadaptées.
Non, la construction de logements locatifs, encouragée
par la fiscalité à grands frais, n'apportera
pas la solution, pour deux raisons. Le neuf ne se bâtit
que là où il y a une disponibilité
foncière, c'està- dire là où
la demande locative est la moins forte, et on sait bien
que le Scellier et les dispositifs précédents
ont conduit à abonder l'offre là où
les besoins ne s'exprimaient même pas! En second
lieu, il y a le délai de construction; un plan
de relance de la construction locative met deux ou trois
ans à produire ses effets, alors que les ménages
peinent tous les jours.
C'est
l'investissement locatif dans l'ancien qui règlera
tout, et c'est lui qu'il faut d'urgence catalyser. Il
présente tous les avantages. D'abord, il constitue
une offre mobilisable sur le champs, puisque les logements
sont par définition déjà construits,
et qu'il s'agit seulement de faire en sorte que des
logements ayant une autre destination soient acquis
pour être loués, ou que leurs propriétaires
actuels en fassent des biens locatifs. Mais surtout,
l'ancien est exactement là où l'on a besoin
d'une offre locative, au coeur des villes et dans leur
périphérie directe.
Comment
y parvenir? Aujourd'hui, et ce depuis vingt, la proportion
d'achats de logements anciens à destination locative
est autour de 10%, 8 les mauvaises années, 12
les bonnes. En somme, le marché locatif urbain
et suburbain ne s'enrichit guère que de 60 à
70000 unités par an... Je fais observer quand
même que, sans booster fiscal, c'est un abondement
supérieur à celui provoqué par
les mesures Méhaignerie, Besson, Périssol
ou Scellier selon les époques...
Il
suffirait d'améliorer l'ordinaire fiscal de l'investissement
locatif dans l'ancien, manquant notoirement d'attrait
à ce jour, pour éveiller des vocations
supplémentaires. Et comme le marketing et la
lisibilité ont leur importance, c'est un authentique
statut du bailleur privé qu'il faut créer.
Au demeurant, puisque la disparition des avantages pour
le neuf est programmée, ce statut doit être
commun. Ce statut reposerait sur deux piliers: une meilleure
reconnaissance des charges d'exploitation des investisseurs,
et un contrat aux termes duquel cette reconnaissance
varierait selon le dividende social payé par
le bailleur. Je veux dire que le propriétaire
qui accepterait des loyers minorés par rapport
au marché aurait des possibilités de déduction
ou d'imputation supérieures.
Bien
sûr, cette innovation fiscale devrait être
de nature à améliorer l'état du
parc locatif privé français, en incitant
les bailleurs ou les nouveaux propriétaires locatifs
à engager des travaux de rénovation et
de mise aux normes énergétiques. On sortirait
ainsi d'une situation préjudiciable: les mesures
prises il y a deux ans, avec la faculté de faire
contribuer le locataire aux investissements énergétiques
par une ligne spécifique de sa quittance, se
sont révélées inefficaces. C'est
sur la prise en charge par le propriétaire, avec
un régime fiscal approprié, qu'il faut
miser désormais, sans quoi le Grenelle de l'environnement
ne se réalisera pas dans l'immobilier locatif
ancien.
Bref,
le déploiement d'une offre locative pertinente
passera par l'ancien, et seulement par l'ancien. Il
n'est que temps de le comprendre et d'en créer
les conditions sans attendre.
Par
Jean-François BUET,
Candidat à la présidence de la Fédération
Nationale de l'Immobilier (FNAIM)
Président de la Fédération Nationale
de l'Immobilier de Côte-d'Or (FNAIM)
Secrétaire général de la Fédération
Nationale de l'Immobilier (FNAIM)
Président du groupe Buet Immobilier
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