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ACTUS
La terrible sanction de la convocation tardive ou de la non-convocation d'un copropriétaire
Le
7/1/2002
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Parmi les erreurs ou omissions susceptibles d'entraîner la nullité globale d'une assemblée générale, et par conséquent de toutes les décisions prises, les plus graves sont de loin la convocation tardive et le défaut de convocation d'un copropriétaire ! C'est aussi de celles qui arrivent le plus facilement dans les cabinets de syndics qui convoquent chaque année des milliers voire des dizaines de milliers de copropriétaires... Pour une copropriété, ce peut être une redoutable bombe à retardement : elle peut mettre jusqu'à dix ans à exploser, et ses effets sont dévastateurs...
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Le droit de la copropriété ne plaisante pas avec les droits des copropriétaires et les assemblées générales : alors que les associations et sociétés commerciales peuvent se contenter de convoquer leurs membres ou actionnaires par lettre simple, par voie de presse, voire pour les associations par simple affichage dans les locaux du siège social, la convocation des copropriétaires ne peut se faire que par deux moyens, propres à permettre à la personne qui convoque - sauf cas exceptionnel le syndic - de faire la preuve à la fois de la réalité de la convocation et de sa date : la lettre recommandée avec avis de réception ou la remise contre émargement.
Or - la jurisprudence de la Cour de cassation est établie depuis longtemps - le copropriétaire convoqué tardivement ou non convoqué peut non seulement faire annuler l'assemblée à laquelle il n'a pu de ce fait participer dans les conditions légales, mais il peut le faire au delà du délai de deux mois : celui imparti pour les contestations de décisions d'assemblées générales à compter de la notification du procès-verbal par l'article 42 2è alinéa de la loi du 10 juillet 1965 , et donc dans le délai de dix ans de la prescription générale fixée par le 1er alinéa de cet article pour les actions entre un copropriétaire et le syndicat !
Et cette annulation est automatique - il faut juste assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance et donc tout de même prendre un avocat - et ce quelles qu'en soient les causes, et les responsables, sans même qu'il soit nécessaire au copropriétaire qui l'invoque de faire état d'un préjudice. Le copropriétaire convoqué tardivement ou non convoqué peut invoquer cette nullité quand bien même il aurait participé à l'assemblée et voté positivement à tous les votes !
Or, nombreux sont les syndics qui, pressés par le temps, convoquent au dernier moment et ne respectent pas le délai légal de quinze jours, qui doit être un délai "franc" entre la date de première présentation de la lettre recommandée (ou de la remise contre émargement) et celle de l'assemblée, c'est à dire que ces deux dates sont exclues du décompte ! Sans parler de ceux - et pas seulement les syndics bénévoles - qui ignorent ce mode de calcul et se contentent des quinze jours entre la date d'envoi et l'assemblée...
Et même quand toutes les précautions ont été prises, il reste encore la possibilité d'un retard de distribution de la poste !
Par ailleurs, la non convocation d'un copropriétaire, même présent de longue date est beaucoup plus fréquente qu'on ne le croit, malgré l'informatisation générale des cabinets : erreur de manipulation lors de la mise sous enveloppe et la préparation des lettres à poster, erreur de transcription d'adresse lors d'un changement de logiciel, etc.
Mais beaucoup plus fréquente encore est la non convocation d'un acquéreur venant de signer son acte de vente, et que le syndic ne connaît pas encore au moment où il va adresser ses convocations ; ou pire : il vient juste de recevoir notification de la signature et ses services ne l'ont pas encore traitée ! Or si un acheteur n'acquiert la qualité de copropriétaire qu'à compter de la notification du notaire au syndic - avant celle-ci le transfert de propriété n'est pas opposable au syndicat - il doit être convoqué dès lors que celle-ci intervient avant la date de l'assemblée ! Force est de constater qu'en raison de lenteurs administratives et de communication mal organisée entre services, de nombreux "loupés" de convocation interviennent dans ces circonstances, qui fort heureusement ne donnent pas tous lieu à des contentieux ; la plupart du temps, la convocation est transmise du vendeur à l'acquéreur, et celui-ci, qu'il participe ou non à l'assemblée, ignore en général tout du pouvoir de nuisance qu'il détient...
L'action en nullité d'un copropriétaire convoqué tardivement ou non convoqué entraîne la nullité de toutes les décisions prises par cette assemblée : ce peut être sans conséquences graves s'il ne s'agit que d'approbation des comptes et de quitus ; c'est plus ennuyeux si l'assemblée a renouvelé le mandat du syndic ou nommé un nouveau syndic : le nouveau mandat se trouve invalidé, et à moins que le mandat précédent ne soit encore valable (cas peu probable vu que le délai d'annulation d'une assemblée par le tribunal est d'au moins un an à dix-huit mois), la copropriété se retrouve sans syndic et doit donc passer par la case administrateur judiciaire ! On imagine assez bien le désordre créé si en même temps l'assemblée annulée avait voté un important programme de travaux...
Encore plus grave : si l'action en nullité intervient plusieurs années après l'assemblée concernée, et que son annulation entraîne l'invalidation du mandat du syndic, toutes les assemblées ultérieures sont annulées en cascade, car convoquées par un ou des syndics successifs dont la qualité à convoquer se trouve ipso facto annulée, sans compter que tous leurs actes pendant cette période sont eux aussi frappés de nullité !
Une (maigre) consolation : tous les frais occasionnés - frais de procédure, administrateur judiciaire, frais de convocation de nouvelles assemblées pour reconfirmer toutes les décisions annulées - sont imputables au syndic fautif au titre de sa responsabilité civile professionnelle...
Heureusement, ce type de scénario catastrophe ne se déclenche que rarement ! Il faut pour cela qu'une telle bombe se retrouve entre les mains d'un copropriétaire qui a intérêt à semer la pagaille : un opposant devenu irrédentiste, ou un débiteur ne reculant devant rien pour s'acheter quelques années de tranquillité...
Les copropriétés et les syndics qui ne comptent pas ces profils parmi leurs administrés peuvent dormir tranquilles ! Les autres pourront toujours s'interroger sur la justification d'une législation et d'une jurisprudence si rigoureuse, mettant des armes aussi dangereuses entre des mains qui ne sont pas forcément mues par le souci de l'intérêt général... Et se demander si ce n'est pas, une fois de plus, l'effet de la méconnaissance des conséquences pratiques sur le terrain de grands principes dissertés sous les ors des grands palais nationaux ?
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