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ACTUS
Quitus, fonds de roulement, compte bancaire : les bons et mauvais conseils donnés aux copropriétaires...
Le
22/11/2004
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Alors que le gouvernement et l'administration n'en finissent pas de mettre en place les éléments d'une réforme que les copropriétaires ne sentent pas faite pour eux, ces derniers semblent plus que jamais, comme on pouvait le constater au fil des conférences et de nos consultations gratuites du 10ème Salon de la copropriété qui s'est tenu cette semaine à Paris, gagnés par le désenchantement : sentiment d'impuissance en cas de litige, crise de confiance à l'égard des syndics professionnels, méfiance aussi de plus en plus à l'égard des conseillers syndicaux, accusés de ne pas jouer leur rôle ou au contraire d'en faire trop ! Au mépris du simple copropriétaire qui doit payer et se taire, ou qu'on invite à participer à des combats qui le dépassent un peu : comme ceux qui agitent en ce moment les militants des associations de consommateurs sur trois grands sujets d'affrontement avec les syndics : le quitus, les fonds de roulement et le compte bancaire...
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(Suite de la 1ère partie : Gestion des copropriétés (1ère partie) : une réforme mal vendue, au milieu du gué)
La querelle du quitus
Le débat a été lancé il y a un peu plus d'un an par la plus activiste des associations de consommateurs : faut-il ou non donner quitus chaque année au syndic après l'approbation des comptes de l'exercice écoulé, et ce quand bien même aucun reproche ne lui serait formulé pour cette période de gestion ! Rappelons que le quitus est distinct de l'approbation des comptes qui conditionne la possibilité d'appeler un solde de charges par rapport aux provisions appelées sur la base du budget, condition préalable également à toute action de recouvrement sur des charges des exercices échus : il constitue un acte purement facultatif, dont le refus a pour seule conséquence d'être vexatoire pour le syndic et de jeter un doute - par exemple aux yeux d'un éventuel acquéreur - sur la qualité de la gestion de la copropriété...
En faveur du refus systématique : l'argument selon lequel le quitus décharge la responsabilité du syndic pour toute faute ou manquement commis au cours de la période considérée et empêche de le poursuivre ultérieurement en responsabilité si telle faute ou manquement était découvert ; pourquoi dans ces conditions abandonner cette possibilité d'action alors qu'aucune obligation de donner quitus n'est inscrite dans aucun texte ?
Sous cet aspect inattaquable, le débat gagne de plus en plus les assemblées de copropriétaires et marque une fois encore le particularisme du monde de la copropriété par rapport à celui des sociétés commerciales ou des associations : on y tient pourtant des assemblées depuis nettement plus longtemps qu'en copropriété et l'idée même de soulever la question du quitus aux mandataires sociaux y paraîtrait comme une pure incongruité !
Les mandataires, sociaux ou non, engagent en effet leur responsabilité mais aussi leur réputation, et tiennent lorsqu'ils se respectent à voir leurs mandants, une fois que les instances de contrôle ont accompli leurs diligences et donné un avis favorable, acter leur satisfaction quant à leur prestation, sachant que le quitus n'est jamais donné pour autre chose que ceux qui le donnent ont pu en connaître, et en aucun cas pour des faits ou agissements qui leur auraient été dissimulés !
En copropriété, cette protection ne suffit pas à rassurer les partisans du refus, qui voudraient pourvoir rechercher la responsabilité de leur syndic sans limite de durée, d'où le conseil donné ouvertement aux copropriétaires : refusez le quitus même quand vous ne savez pas pourquoi...
En réalité, ce conseil ne fait que révéler la grande misère du contrôle et le déficit de compétence de la part de ceux en qui les copropriétaires placent leur confiance pour l'exercer ! Combien de conseillers syndicaux connaissent en effet les diligences qu'il faut accomplir pour pouvoir affirmer à l'assemblée qu'elle peut approuver les comptes et donner quitus, et parmi ces derniers combien ont le temps de les accomplir : vérification des comptes d'attente et de régularisation, analyse des comptes de sinistres et de travaux, surveillance des comptes "dormants", vérification des rapprochements bancaires, "circularisation" des fournisseurs, tiers et organismes sociaux, analyse des dossiers de litiges et de procédures, contrôle des actions de recouvrement des impayés, bref des diligences relevant ni plus ni moins des techniques d'audit bien connues et dont la mise en oeuvre est indispensable pour que l'on puisse parler de "contrôle" sans tromper la confiance de ses mandants ?
Ce n'est pas qu'il faille jeter la pierre aux conseillers syndicaux, bénévoles qui donnent déjà beaucoup de temps dans l'intérêt de copropriétaires qui ne le leur rendent pas toujours ! Mais le meilleur conseil à leur donner n'est peut-être pas de refuser systématiquement le quitus au syndic dans l'hypothétique éventualité d'une découverte demain de ce qu'on a pas vu aujourd'hui, mais de s'adjoindre, lorsqu'ils ne peuvent mettre en oeuvre de véritables diligences de contrôle par eux-mêmes, soit par manque de temps, soit par manque de familiarité avec la gestion et la comptabilité, les services de professionnels spécialisés, dont le coût peut être largement compensé sur la durée par la sécurité qu'il apporte dans la gestion du patrimoine et des fonds des copropriétaires !...
Au lieu de cela, le refus systématique du quitus n'apporte qu'une illusion de sécurité, crée un climat détestable vis à vis de ceux des professionnels qui se donnent du mal - il y en a plus qu'on le croit - et dévalorise les copropriétés qui le pratiquent en révélant les carences du contrôle et un climat de défiance interne peu propice à les rendre attractives...
La "guéguerre" contre les "fonds de roulement"
Engagée depuis longtemps par les organisations de consommateurs et relayée par la presse, la contestation des "fonds de roulement" détenus par les syndics, censés leur procurer des trésoreries aussi rémunératrices qu'excédentaires, a été relancée par un changement de terminologie adopté par les rédacteurs du récent décret modificatif du décret du 17 mars 1967 (1) : abandonnant l'appellation d' "avance de trésorerie permanente", vraie dénomination juridique de ce qu'on a pris l'habitude de dénommer "fonds de roulement", la nouvelle rédaction du décret de 1967 mentionne désormais la "réserve prévue au règlement de copropriété" ; il n'en a pas fallu plus pour que les adversaires du fonds de roulement, alors qu'il s'agit de toute évidence de la même chose, décrètent que désormais les fonds de roulement étaient interdits et devaient être remboursés !
Curieux harcèlement alors que la question de l'avance de trésorerie à concéder au syndic peut dans chaque copropriété se trancher de façon on ne peut plus objective : l'alimentation de la trésorerie du syndic étant assurée à intervalles réguliers, presque toujours trimestriels, il suffit de s'informer du solde résiduel constaté au moment où son niveau est le plus bas de l'année (même lorsque le syndic n'a pas ouvert un compte distinct pour le syndicat, il doit connaître à tout moment le solde disponible de chacune de ses copropriétés - par exemple pour les copropriétés à chauffage collectif c'est en général fin mars début avril) : sachant qu'il est autant de l'intérêt de la copropriété que de celui du syndic que les salaires, charges sociales et factures de tous types soient régulièrement réglées "rubis sur l'ongle", le fonds de roulement est excessif si la trésorerie à cette date dépasse la trésorerie résiduelle de sécurité nécessaire pour les petits imprévus, et pas dans le cas contraire !
Il est vrai que les syndics, intéressés pourtant au premier chef dans le fait de disposer de fonds suffisants pour faire face, sans accrocs préjudiciables autant à leur réputation qu'aux intérêts de leurs mandants, aux dépenses courantes de leurs copropriétés, font rarement preuve d'une pédagogie limpide à ce sujet, allez savoir pourquoi...
Il est vrai aussi que le contexte de gestion sur compte bancaire non individualisé des fonds des copropriétés, auquel s'accroche encore une majorité de syndics, crée une opacité qui ne favorise pas la confiance mutuelle !
Le compte bancaire au nom du syndicat : l'assaut contre la résistance des syndics...
Ouverte pourtant il y a plus de vingt ans, la lutte des défenseurs des copropriétaires pour l'ouverture de comptes bancaires séparés au nom de chaque syndicat de copropriétaires n'a jamais abouti, malgré deux modifications législatives, à la rendre obligatoire : du coup, les syndics ne l'acceptent que contraints et forcés, et tentent d'en dissuader les demandeurs en pratiquant vis à vis de ceux qui y tiennent un différentiel d'honoraires censé compenser un coût administratif plus élevé pour la tenue de chéquiers par copropriété, argument largement fallacieux depuis que les logiciels informatiques permettent de pratiquer à large échelle les règlements par virement et même l'impression des chèques avec des comptes bancaires non pré-imprimés !
La vraie raison est ailleurs, ce que la profession n'ose pas encore avouer, sauf peut-être lorsque tel grand groupe coté en bourse doit justifier une baisse de sa rentabilité auprès des analystes financiers : le dépôt des fonds des copropriétés sur un compte unique ou sur des sous-comptes par immeubles ouverts au nom des syndics permet à ces derniers de placer ces fonds à leur profit, et se procurer ainsi un complément de recettes toujours nécessaire à bon nombre d'entre eux, même s'il a fondu avec la baisse spectaculaire des taux d'intérêts...
Curieuse pudeur, alors que l'argument avancé lorsqu'ils acceptent enfin d'en parler ne manque pas de vérité, ce qui a probablement justifié au demeurant les actes manqués à répétition du législateur à sur cette question : réalisés par les syndics, les produits financiers profitent aux copropriétaires en permettant aux syndics, sous l'effet de la concurrence effrénée qu'ils se livrent, de concéder des baisses de prix supérieurs à ce qu'ils pourraient pratiquer s'ils n'en bénéficiaient pas, alors que dans le cas contraire l'abandon de cet avantage ne se ferait qu'au profit des seules banques, les trésoreries courantes des copropriétés prises isolément n'étant jamais suffisantes pour permettre des placements réguliers et réellement rémunérateurs (bien entendu hors fonds de roulement excédentaires ayant vocation à être remboursés, ou fonds et provisions destinés à un emploi différé).
Il reste que le conseil d'exiger un compte séparé au nom de leur syndicat, donné aux copropriétaires par les organisations de consommateurs depuis deux décennies avec l'idée illusoire que leur copropriété pourra profiter pour elle-même du produit de placement de ses fonds, comporte une autre justification, autrement plus pertinente : en cas de faillite du syndic - il y en a quand même une ou deux chaque année et l'expérience des dernières années a montré que la taille n'était pas forcément synonyme de sécurité... - les fonds du syndicat restent sur compte séparé à l'abri de la liquidation, alors qu'ils en font partie dans tous les autres cas (compte unique ou sous-compte individualisé au nom du syndic) et ne peuvent en général être récupérés qu'après plusieurs années de la mise en jeu de la garantie financière (2)...
(1) décret n° 2004-479 du 27 mai 2004 modifiant le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis
(2) nos articles d'avril 2001 sur la garantie financière du syndic
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