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ACTUS
Les comptes des copropriétés plus rigoureux à défaut d'être plus transparents
Le
18/3/2005
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Il aura fallu quatre ans pour arriver, par un décret et un arrêté, à traduire dans les faits une disposition insérée dans la loi "SRU", destinée à améliorer le niveau de confiance dans les rapports des copropriétaires avec leur syndic : celle de soumettre l'établissement des "comptes du syndicat comprenant le budget prévisionnel, les charges et produits de l'exercice, la situation de trésorerie, ainsi que les annexes au budget prévisionnel" à des "règles comptables spécifiques", et permettre ainsi de s'y retrouver d'un syndicat ou d'un syndic à l'autre... Malheureusement, à l'issue d'une concertation laborieuse où à manqué une fois de plus le courage politique, seul ingrédient essentiel d'une bonne réforme, le résultat mécontentera probablement tout le monde : les partisans de la simplicité, qui dénonceront une "usine à gaz", notamment pour les petites copropriétés, comme ceux de l'application des règles comptables communes, seules garantes d'une gestion rigoureuses...
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La copropriété, un monde à part ?
C'est ce qu'on est fondé à se demander une fois de plus en prenant connaissance du décret et d'un arrêté d'application de l'article 14-3 de la loi du 10 juillet 1965, publiés enfin après deux reports de date d'application (1) : certes, après avoir mis trente cinq ans pour entériner le fait que les comptes des syndicats des copropriétaires, tenus par les syndics professionnels et a fortiori par les non professionnels, bénévoles ou non, ne respectaient pas les règles communes de la comptabilité auxquelles sont soumises toutes les autres personnes morales, et notamment les associations, ces textes mettent fin à une situation de non droit qui avait laissé libre cours à beaucoup d'à peu près et à quelques dérives (2)...
Ils créent un cadre strict pour l'enregistrement des écritures et la présentation des états annuels, imposent une nomenclature des comptes inspirée du Plan comptable général, et obligent les syndics à des pratiques rigoureuses : affectation stricte des charges et des produits à l'exercice qu'ils concernent, comptabilisation des factures de l'exercice non parvenues ou des produits acquis non encaissés à la clôture des comptes, report à l'exercice suivant de la part des charges et des produits comptabilisés d'avance, etc.
L'utilisation des comptes d'attente est strictement encadrée et la compensation entre les comptes créditeurs et les comptes débiteurs interdite.
Mais ce décret et l'arrêté qui l'accompagne entérinent aussi la non application aux copropriétés de plusieurs principes comptables généralement acceptés dans le "reste du monde" :
- l'obligation de constitution de provisions est limitée à la dépréciation des créances douteuses, et encore : une disposition en atténue la portée dès lors qu'il s'agit de créances sur les copropriétaires, pourtant les plus fréquentes, en ne l'autorisant qu' "après avoir mis en oeuvre les diligences nécessaires au recouvrement, au moment de la décision de l'assemblée générale de procéder à la saisie immobilière"...
Par contre, aucune constitution de provisions n'est prévue pour "risques et charges", par exemple pour les frais d'avocat à engager pour le recouvrement des impayés, les risques de condamnation du syndicat et les frais à engager dans les procédures mettant en cause sa responsabilité ou ses obligations d'employeur, ni a fortiori pour les travaux prévisibles pour l'entretien de l'ensemble immobilier...
- les rédacteurs ont également fait machine arrière sur le plan de la comptabilisation des emprunts souscrits par les syndicats des copropriétaires, en se contentant d'une mention extracomptable du capital restant dû, ce qui n'est pas forcément plus facile pour les syndics et offre nettement moins de sécurité...
L'objectif initial des rédacteurs, de doter les copropriétés d'une comptabilité reflétant sincèrement, pour l'information des copropriétaires comme pour les éventuels acquéreurs de lots dans la copropriété, la situation patrimoniale exacte du syndicat des copropriétaires ne pourra donc être considéré comme rempli !
Les comptes nouvelle manière ne permettront en effet toujours pas de connaître l'ampleur des risques de pertes de créances, celle des charges futures prévisibles pour l'entretien des bâtiments et des équipements, ou celle des engagements financiers ou de responsabilité du syndicat dans le cadre des litiges ou des procédures dans laquelle il est le cas échéant impliqué...
Par contre, la tâche des syndics sera alourdie par l'obligation d'établir plusieurs états de fin d'année - un "état financier" en guise de bilan, deux "comptes de gestion", l'un synthétique par nature de charges et de produits et l'autre détaillant et regroupant charges et produits par type de répartition prévue au règlement de copropriété, un compte de gestion "pour travaux et opérations exceptionnelles", plus un état récapitulatif des "travaux et opérations exceptionnelles" -, dont certains nécessitent des retraitements pouvant s'avérer complexes (cas notamment du dernier état mentionné...).
Du coup, ces textes si attendus mécontenteront tout le monde : les syndics qui voient leur fonctionnement perturbé par de nouvelles contraintes, et les copropriétaires qui, lisant déjà à peine les états simplistes que leur fournissent les syndics, ne verront dans ces innovations que complications inutiles et potentiellement coûteuses...
Le paradis perdu de la transparence...
Si la réforme risque de rater sa cible, c'est en réalité parce qu'elle repose sur un grand malentendu, dont les auteurs du décret et de l'arrêté publiés n'avaient probablement pas pris la mesure : raisonner pour un syndicat des copropriétaires comme pour n'importe quel type de personne morale revient à ignorer que le monde de la copropriété vit sur l'illusion de la transparence, non seulement fiscale, mais aussi comptable ! Le syndicat des copropriétaires est vu comme une simple "moulinette" à répartir les charges, l'immense majorité des copropriétaires et encore plus des acquéreurs potentiels ignorant ou voulant ignorer qu'il peut avoir des pertes potentielles d'actifs qu'il faudra couvrir un jour ou l'autre, ou un passif caché auquel il faudra faire face, peut-être longtemps après que les évènements générateurs se soient produits, évènements qui ne peuvent pas toujours être imputés à des fautes ou des négligences du syndic !
Comment expliquer autrement l'engouement passé pour les comptes "trimestriels", pratique assez générale des syndics parisiens qui consistait à arrêter et répartir chaque trimestre les charges réelles de l'immeuble au lieu d'appeler des provisions sur la base d'un budget et procéder à une régularisation après la fin de l'exercice, et dont les copropriétaires qui en "bénéficiaient" (un bon tiers tout de même des copropriétaires totaux) n'ont toujours pas fait leur deuil depuis sa suppression par la loi "SRU"...
Des avancées, et quelques incohérences...
Gardons-nous cependant de jeter l'enfant avec l'eau du bain ! Les textes publiés comportent quelques avancées appréciables :
- les nouvelles règles comptables suppriment les "comptes sinistres", "comptes travaux", "comptes procédures" et autres comptes d'attente, où pouvaient s'accumuler des écritures sur plusieurs années et qui n'étaient que rarement récapitulés et arrêtés en même temps que l'arrêté de l'exercice ! Dorénavant, toutes les opérations concernant les sinistres, les travaux et les procédures passeront par les comptes de charges et de produits, qui seront simplement ventilés en "charges et produits sur opérations courantes" (réalisés dans le cadre du budget prévisionnel), et "charges et produits sur travaux et autres opérations exceptionnelles (réalisés hors budget prévisionnel sur décisions spécifiques de l'assemblée) ; du coup, le compte des travaux devra être arrêté annuellement comme pour les autres charges, faisant apparaître en cas de travaux "à cheval" sur plusieurs exercices le différentiel entre le coût des travaux réalisés à la date d'arrêté et la part des provisions appelées correspondant à ces mêmes travaux...
- la tenue des comptes des copropriétaires devra permettre de "ventiler les sommes exigibles à recevoir de chaque copropriétaire selon les rubriques suivantes :
".créances sur opérations courantes ;
".créances sur travaux de l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée et opérations exceptionnelles ;
".créances sur avances ;
".créances sur emprunts obtenus par le syndicat des copropriétaires".
Les rédacteurs, qui souhaitaient imposer la tenue de sous-comptes distincts par copropriétaires au titre de ces quatre types de créances (cela aurait entraîné la tenue en général de deux comptes par copropriétaire et non pas quatre comme cela a été dit un peu partout abusivement, les appels d'avances et les emprunts n'intervenant que de façon très épisodique), ont fait mine de reculer devant le tollé conjoint des syndics et des organisations de copropriétaires (la décision "pour assurer un meilleur suivi des fonds versés par les copropriétaires", de procéder "à la ventilation comptable en quatre sous-comptes selon les rubriques ci-dessus dès l'enregistrement des opérations" est laissée à l'appréciation des l'assemblée générale des copropriétaires), mais c'est un recul en trompe-l'oeil : ventiler les créances exige de ventiler les encaissements, ce qui est le plus difficile ! Si les syndics ne tiennent pas des sous-comptes distincts, la technique utilisée devra y ressembler bigrement !
Rappelons que la capacité à isoler la créance sur provisions du budget prévisionnel conditionne celle de faire jouer la faculté de recouvrement simplifié et de la "déchéance du terme" permise par l'article 19-2 de la loi, et que le fait de ne pas mélanger provisions pour charges courantes et travaux dans le même compte présente des avantages, et pas seulement pour les copropriétaires...
Enfin, le temps mis par l'administration du ministère du logement à concocter ces textes n'a pas évité des incohérences, et notamment avec le décret du 27 mai 2004 (3), il est vrai rédigé par celle du ministère de la justice : l'article 8 du décret comptable indique que "les excédents ou insuffisances des charges ou produits sur opérations courantes sont répartis à l'arrêté des comptes entre chacun des copropriétaires en fonction des quotes-parts afférentes à chaque lot dans chacune des catégories de charges", alors que l'article 6-2 du décret du 17 mars 1967 créé par le décret du 27 mai indique que "le trop ou moins perçu sur provisions, révélé par l'approbation des comptes, est porté au crédit ou au débit du compte de celui qui est copropriétaire lors de l'approbation des comptes"...
Pour commettre une telle "bourde", les rédacteurs du décret auraient-ils travaillé dans la précipitation?
Pour en savoir plus, voir notre dossier "La réglementation des comptes des syndicats des copropriétaires"
(1) décret n° 2005-240 du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires et arrêté du 14 mars 2005 - pour accéder au texte complet et aux modèles d'états, cliquer en bas de page pour afficher la version "PDF"
(2) le décret précise que ses dispositions s'appliquent uniquement aux syndicats de copropriétaires. Il précise qu' "elles ne s'appliquent pas à la comptabilité du syndic, qui obéit à ses règles propres, ni à la comptabilité d'autres entités telles que les unions de syndicats ou les associations syndicales régies par l'ordonnance du 1er juillet 2004", ajoutant que "les statuts de ces dernières peuvent, toutefois, prévoir que leurs comptes sont tenus conformément aux règles comptables propres aux syndicats de copropriétaires, à l'exception des associations assujetties de plein droit au règlement n° 99-01 du Comité de la réglementation comptable".
(3) décret n° 2004-479 du 27 mai 2004 modifiant le décret du 17 mars 1967
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