Solutions juridiques : concilier propriété individuelle et propriété collective...
Sauf en Angleterre qui comme dans d'autres domaines est un cas à part (voir ci-dessous), les solutions retenues pour l'organisation juridique de la copropriété sont proches de la solution française : droit de jouissance exclusif - ou la propriété privée - de certaines parties d'un immeuble et propriété partagée des autres parties, sous une forme qui s'apparente explicitement ou implicitement à l'indivision.
En Belgique, en Italie et aux Pays-Bas, les dispositions sur la copropriété sont incluses dans le code civil, tandis que, dans les trois autres pays, il existe comme en France avec la loi du 10 juillet 1965 une loi spécifique : loi du 15 mars 1951 sur la propriété d'appartements en Allemagne, et loi du 21 juillet 1960 "sur la propriété horizontale" en Espagne. L'application de la loi espagnole sur la propriété horizontale n'est obligatoire que lorsque le nombre de copropriétaires dépasse quatre, les copropriétés plus petites pouvant être gérées comme des indivisions.
L'étude du Sénat souligne que dans plusieurs pays les dispositions législatives et réglementaires ne sont pas impératives, et que les textes fondateurs d'une copropriété donnée ou les accords passés entre les copropriétaires peuvent y déroger. Il en va ainsi en particulier en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, ainsi qu'aux Pays-Bas...
Notons aussi que, toujours mis à part le cas de l'Angleterre, deux pays seulement, la Belgique et les Pays Bas, confient l'entretien et la gestion des parties communes à une association, à laquelle tout copropriétaire appartient de plein droit, et qui est dotée de la personnalité morale. Les autres prévoient que les copropriétaires forment dans cet objectif une entité sui generis, à l'instar de la France qui a inventé le "syndicat des copropriétaires", personne morale distincte de l'indivision des copropriétaires...
Administration : concilier pouvoir des copropriétaires et gestion professionnelle
Dans chacun des six pays étudiés par le Sénat, l'administration de la copropriété revient aux copropriétaires, qui prennent leurs décisions à l'occasion d'une assemblée générale annuelle. Les règles de majorité sont variables : en général, comme en France les décisions les plus importantes requièrent une majorité qualifiée, voire l'unanimité.
Comme en France aussi, et à l'exception de l'Angleterre, les copropriétaires délèguent à un administrateur l'exécution de leurs décisions ainsi que la gestion courante. Celui-ci peut être un copropriétaire ou un professionnel. Notons qu'en Italie, seules les copropriétés comptant plus de quatre copropriétaires ont l'obligation d'en nommer un. Il est vrai qu'en France aussi, beaucoup de petites copropriétés sont dépourvues de syndic, même si c'est illégal, et que peu de monde s'en soucie, pas même les notaires qui enregistrent des ventes sans soulever de difficulté...
Seuls deux pays encadrent, à l'exemple de la France, l'exercice de la profession d'administrateur de copropriétés. En Belgique, l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d’agent immobilier réserve en effet les fonctions de syndic professionnel, d'une part, aux personnes soumises à la "discipline relevant d'une instance professionnelle reconnue", c'est-à-dire aux avocats, architectes, géomètres, etc., et, d'autre part, aux professionnels inscrits au tableau des agents immobiliers agréés. L'inscription à ce tableau, qui est tenu par l'Institut professionnel des agents immobiliers, est subordonnée à la détention d'un diplôme de l'enseignement supérieur (licence en droit, en sciences économiques, diplôme d'ingénieur, etc.), mais aucune formation spécifique n'est requise. En Espagne, l'administrateur non copropriétaire doit être inscrit à un ordre professionnel des administrateurs de biens.
Partout également les copropriétaires peuvent être associés à la gestion courante par l'intermédiaire d'un conseil syndical ou d'une instance similaire. D'après les textes, la création d'un tel organe est facultative en Allemagne, en Belgique et en Italie, comme d'ailleurs en France, dans les faits tout au moins. Cependant, comme en France, elle est en pratique fréquente, au moins dans les copropriétés les plus importantes. Sauf en Angleterre, les membres sont obligatoirement des copropriétaires.
En Espagne et aux Pays-Bas, toute copropriété dispose obligatoirement d'un président, choisi par les copropriétaires en leur sein. Aux Pays-Bas, le rôle du président, nommé en assemblée générale pour une durée en principe indéterminée, est limité à la présidence de cette assemblée. En revanche, en Espagne, le président, choisi pour un an, joue un rôle important. C'est lui qui représente la copropriété dans tous les actes juridiques, en particulier devant les tribunaux. La personne qui a été désignée comme président ne peut pas démissionner. Elle ne peut se faire relever de ses fonctions que par le juge après avoir présenté une requête motivée. De plus, la loi confie au président les fonctions d'administrateur, tout en laissant à chaque copropriété la possibilité de nommer une autre personne, en particulier un professionnel pour assurer les tâches quotidiennes de la gestion.
Partout des réformes
L'étude remarque qu'à la convergence des dispositions régissant la copropriété s'ajoute la similitude des difficultés rencontrées dans la gestion des immeubles en copropriété, et que sans aller jusqu'à l'extrême pointillisme de la loi française, tous les pays ont récemment modifié leur loi sur la copropriété.
En Allemagne, la loi de 1951 sur la propriété d'appartements laisse aux copropriétés une grande liberté, de sorte qu'elle est applicable à des situations variées. Ceci explique qu'elle n'a été que peu modifiée. Toutefois, un projet de loi tendant à la réformer a été adopté par le Parlement le 16 février 2007. Ses dispositions, qui vont entrer en vigueur le 1er juin 2007, visent en particulier à assouplir les règles de majorité, pour faciliter la prise de décision et par conséquent favoriser la rénovation des immeubles.
En Belgique, la loi du 30 juin 1994 modifiant et complétant les dispositions du code civil sur la copropriété a donné la personnalité morale à l'association des copropriétaires, afin de faciliter les actions en justice contre les copropriétaires.
En Espagne, la loi n° 49 du 21 juillet 1960 sur la « propriété horizontale » a été modifiée en 1999. La réforme de 1999 n'a pas affecté l'économie générale du dispositif contenu dans la loi de 1960. Elle a assoupli les règles de majorité et donné aux copropriétés les moyens de lutter contre les impayés, notamment en insérant la disposition selon laquelle les copropriétaires qui ont des dettes injustifiées envers la copropriété n'ont pas le droit de vote aux assemblées générales. Elle a également imposé la création d'un fonds de réserve.
Aux Pays-Bas, la dernière réforme, entrée en vigueur le 1er mai 2005, vise à encourager les travaux de rénovation, notamment en facilitant la révision des textes fondateurs de la copropriété et en imposant la création d'un fonds de réserve, destiné à financer les dépenses exceptionnelles.
Le cas à part de l'Angleterre
Peu touché par l'élan de rénovation du droit civil insufflé dans toute l'Europe par la Révolution française, le droit immobilier anglais en est encore resté pour de nombreux aspects à l'Ancien Régime, avec notamment le principe d'une propriété à deux étages : la propriété foncière royale ou féodale, et une propriété secondaire qui s'apparente plus à un droit de jouissance plus ou moins limité dans le temps, voir même à un bail de longue durée, qu'à une pleine propriété : c'est le "leasehold", bail à très long terme, en général d'une centaine d'années, mais qui peut atteindre plusieurs centaines d'années...
Telle une brèche dans ce système, la réforme foncière de 1925 a cependant introduit dans le droit anglais un droit de propriété similaire au droit français : le "freehold", qui commence à prendre de l'ampleur.
Pour ce qui est de la copropriété, les deux systèmes cohabitent : traditionnellement, les occupants de logements inclus dans un ensemble immobilier, en particulier les occupants d'appartements, détiennent un "leasehold", qui résulte d'un contrat passé avec un bailleur, titulaire du freehold. Le bailleur assure la gestion et l'entretien des parties communes et de la structure de l'immeuble. Il conserve la propriété du terrain ainsi que des parties communes, et le logement lui revient à l'issue du bail. Le titulaire du leasehold achète son droit d'occupation et paie ensuite au bailleur, à échéances fixées dans le contrat, un loyer, en général minime (quelques livres par an dans le cas des contrats les plus anciens et quelques centaines pour les contrats les plus récents) ainsi que, le cas échéant, des charges pour l'entretien des parties communes. Il n'est en règle générale pas associé à la gestion de l'immeuble.
Titre intermédiaire entre un titre de propriété et un bail, le leasehold peut être vendu et servir de garantie hypothécaire, mais sa valeur diminue en même temps que la durée résiduelle du bail, de sorte qu'il peut être difficile de trouver un acheteur pour un bien dont le leasehold restant à courir est bref. En effet, selon l'étude du Sénat, les établissements financiers britanniques hésitent à prêter lorsque le leasehold est inférieur à 50 ans.
Pour pallier cet inconvénient et permettre au titulaire du leasehold de rester dans les lieux à l'expiration du bail, voire d'acquérir son logement, plusieurs réformes ont été adoptées à partir des années 60, en particulier les lois de 1967 et de 1993, qui permettent aux titulaires de leasehold de se mettre d'accord et de racheter collectivement le freehold au bailleur, même sans son consentement. Le freehold est alors détenu par une société à responsabilité limitée dont les parts sont détenues par les occupants qui ont décidé de le racheter.
Malheureusement, la procédure de rachat du freehold s'est avérée très complexe et n'a pas permis d'obtenir les effets escomptés. Une loi de 2002, relative à la copropriété et à la réforme des baux emphytéotiques, a modifié les règles de rachat du freehold, et surtout introduit la copropriété, sous la forme du "commonhold" : ce statut permet d'associer la pleine propriété de certaines parties d'un immeuble à l'appartenance à une société, la "Commonhold Association", qui est propriétaire des autres parties de l'immeuble et qui en assure l'entretien.
Comme son nom ne l'indique pas, il s'agit d'une société à responsabilité limitée créée sans apport et dont tout copropriétaire est membre de plein droit. Comme toute société, elle est immatriculée au registre des sociétés et est dotée d'un conseil d'administration, qui a un président, et d'un secrétaire. Elle fonctionne conformément aux dispositions de son acte constitutif, de ses statuts, du règlement de copropriété et de certaines prescriptions du droit des sociétés. Dans un souci d'uniformisation, la loi de 2002 impose que la rédaction de l'acte constitutif, des statuts et du règlement de copropriété soit conforme aux dispositions d'un règlement d'application paru en 2004.
Comme pour les sociétés, le conseil d'administration peut comprendre uniquement des professionnels de l'immobilier ou inclure des associés - c'est-à-dire des copropriétaires.
L'assemblée générale est présidée par le président du conseil d'administration. Le secrétaire peut être un professionnel ; il est le représentant légal de la société et a l'obligation de transmettre au registre des sociétés les documents que la Commonhold Association, doit fournir, au même titre que toute société (audit des comptes, rapport annuel d'activités, etc.).
Notons que - exemple à suivre - le conseil d'administration a l'obligation de faire élaborer par un spécialiste au moins tous les dix ans une étude sur l'opportunité de créer un fonds de réserve destiné à financer les gros travaux...
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